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Accès élargi aux services essentiels : conséquences pour la conception des projets et

II. DÉVELOPPEMENT PARTICIPATIF, GESTION DES AFFAIRES PUBLIQUES ET

3. Accès élargi aux services essentiels : conséquences pour la conception des projets et

LA CONCEPTION DES PROJETS ET PROGRAMMES FINANCÉS PAR L’AIDE

Les effets des projets et programmes financés par l’aide - et à vrai dire les programmes de dépenses et d’investissements publics d’une manière générale - sur la grande masse de la population dépend à la fois de la nature des activités et des choix spécifiques des groupes cibles.

Les tentatives qui ont été faites pour axer les projets et programmes sur des groupes cibles déterminés, en particulier les populations démunies, ont donné des résultats contrastés. Un préalable essentiel est bien évidemment l’engagement politique des gouvernements des pays en développement. En se préoccupant des répercussions de leurs interventions sous l’angle de la répartition des coûts et avantages, les donneurs pourraient affermir la position des éléments de la société et des sphères gouvernementales du pays d’accueil qui s’emploient à instaurer plus d’équité. Les donneurs et les bénéficiaires sont confrontés à toute une série de problèmes politiques, techniques et organisationnels qui doivent être traités sur une base continue, en toute transparence et à tous les niveaux.

Pour les donneurs, une stratégie connexe consiste à mettre l’accent sur les activités susceptibles d’avoir de vastes répercussions sur la population, surtout sur les pauvres. Rendre les services économiques et sociaux essentiels à la fois plus accessibles et plus abordables financièrement implique que certaines activités aient la priorité sur d’autres. Par exemple, comme les Membres en sont convenus dans La coopération pour le développement dans les

années 90 :

- «un rang plus élevé de priorité doit être accordé à la fourniture la plus large possible, et de façon durable et efficace, de services d’enseignement et de formation, de soins de santé de base, ainsi que de services de crédit et de conseils aux petits agriculteurs et entrepreneurs, y compris les femmes ;

- l’amélioration de la sécurité alimentaire et une nutrition satisfaisante, grâce à un déve­ loppement rural et agricole à large assise, permettant d’accroître la production et les revenus, restent des objectifs élémentaires de la coopération pour le développement. » La controverse se poursuit au sujet de la priorité à donner aux activités qui profitent au grand nombre sur celles qui privilégient les groupes politiquement plus puissants. C ’est là un problème auquel les organismes d’aide restent constamment confrontés dans le dialogue sur les mesures à prendre et dans les négociations des projets et programmes. Les gouvernements bénéficiaires devraient reconsidérer les schémas de développement inéquitables caractérisés, dans bien des cas, par un déséquilibre de la répartition des ressources au profit des classes moyennes urbaines, avec une prédilection pour la haute technologie, par exemple. Une organi­ sation inéquitable des services essentiels va aussi de pair avec une utilisation inefficace des ressources.

Lorsque les gouvernements sont résolument décidés à promouvoir un développement à large assise, les donneurs peuvent les aider à élaborer et à mettre en œuvre des stratégies sectorielles et sous-sectorielles propres à favoriser une plus grande équité dans la fourniture des services essentiels. Ces stratégies doivent notamment viser à améliorer l’efficacité des dépenses sociales, du point de vue de leur coût, afin de rendre les services qu’elles servent à financer à la fois plus accessibles et mieux adaptés aux besoins d ’un nombre croissant d’individus, surtout parmi les pauvres. Au lieu de concentrer les ressources sur des services de santé curatifs, qui coûtent cher et ne bénéficient qu’à la minorité, les gouvernements pourraient ainsi réaffecter les ressources publiques au profit des soins de santé primaires, moins onéreux et davantage axés sur l’action préventive et d’autres mesures de santé publique faisant appel à des techniques bon marché et visant à répondre aux grands problèmes des masses.

Les gouvernements devraient en outre rationaliser les activités tertiaires très coûteuses, en particulier l’enseignement universitaire, et consacrer davantage de ressources à la formation des enseignants du primaire à l’instruction primaire et à d ’autres formes d’éducation de base (alphabétisation des adultes, formation de personnel qualifié, par exemple) en vue de répondre aux besoins d’enseignement de la majorité, en particulier des groupes les plus défavorisés,

conformément aux objectifs adoptés par la communauté internationale lors de la Conférence mondiale sur l’éducation pour tous, qui s’est tenue à Jomtien (Thaïlande) en mars 1990. Au nombre de ces objectifs figure notamment l’accès pour tous à un cycle complet d’études primaires d’ici l’an 2000. Le Ghana est l’un des pays où donneurs bilatéraux et multilatéraux contribuent ensemble, à l’heure actuelle, à l’élaboration et à la mise en œuvre d’un programme visant à réformer le système éducatif en ce sens.

Malgré quelques cas de réussites remarquables, des efforts beaucoup plus énergiques s’imposent néanmoins, dans la pratique, pour privilégier les activités auxquelles la grande masse de la population a accès. Il est évident aussi que les programmes qui ont le plus de chances de se révéler viables à long terme sont ceux qui répondent à la demande du public et dont la conception, l’exécution et le financement font intervenir les usagers. L’objectif doit donc être d’élaborer des programmes qui aient un impact étendu et durable. Cela suppose des approches multi-donneurs concertées et des bénéficiaires fortement motivés.

Il existe de multiples façons de concevoir l’aide de manière à favoriser la réalisation des objectifs d’accès équitable et de participation de la population. A titre d’exemple, le Groupe d’experts sur la participation des femmes au développement propose ce qui suit :

- Un degré de priorité plus élevé devrait être donné à la réforme institutionnelle des ministères chargés d ’assurer les services essentiels et un appui plus important pourrait être apporté aux ministères traditionnellement négligés, par exemple ceux de la condi­ tion féminine et du développement communautaire, pour qu’ils deviennent des agents actifs du développement social.

- Les programmes de santé et de population devraient avoir pour but de répondre aux besoins des individus en respectant leur dignité et leur faculté de choix, et les services devraient être organisés de façon à favoriser la participation des bénéficiaires.

- L ’amélioration des moyens de communication atténue l’isolement et encourage la participation. Aussi les routes et l’électrification en milieu rural devraient-elles retenir toute l’attention voulue lors de la planification des investissements.

- Le principe de « l’apprentissage par la pratique» appliqué à la conception et à la mise en œuvre des projets joue dans le sens de la participation et permet de prendre en compte la diversité des situations locales. Un plus grand nombre de projets pourraient être conçus dans cet esprit pour favoriser la décentralisation du pouvoir et un fonctionne­ ment participatif des administrations locales.

La conception des programmes de santé et d’éducation

Concevoir des systèmes de soins et d’éducation destinés à la grande masse des pauvres, ainsi que les programmes d ’aide correspondants, est un exercice dont il ne faut pas sous- estimer la difficulté. De fait, l’élaboration des programmes d’aide à l’appui de stratégies sectorielles et sous-sectorielles met souvent en jeu une grande diversité d’objectifs et de priorités, comme le rappelle le CAD dans les conclusions de la réunion qu’il a consacrée aux soins de santé primaires («Renforcement de la coopération pour le développement dans le domaine des soins de santé primaires : un thème de préoccupation pour le CAD», OCDE, 1989). Après avoir observé qu’il serait possible d’accroître l’efficacité de l’aide en faveur des soins de santé primaires, les Membres du CAD suggèrent aux organismes donneurs de réévaluer la part de l’APD qu’ils consacrent à la santé en fonction du degré de priorité reconnu à ce secteur. Ils notent en outre que les pays bénéficiaires ont du mal à redéployer les

ressources au sein de leurs propres systèmes de santé, et proposent un dialogue avec les donneurs pour les aider dans cette tâche. Pour faciliter ce dialogue, et assurer en même temps la cohérence des efforts déployés par tous les intéressés en faveur des soins de santé primaires, il est indispensable que les donneurs définissent très clairement leurs politiques d’aide à la santé.

Les Membres du CAD ont en outre décidé de concentrer leur soutien sur des initiatives destinées à rendre l’accès aux soins plus équitable, en tenant compte des besoins des pauvres et en favorisant les activités susceptibles d’être directement prises en charge par les populations locales. D’après eux, qui plus est, il faut chercher en priorité à renforcer les moyens dont disposent les pays pour mettre au point et appliquer des politiques et des programmes de soins de santé primaires qui soient à la fois cohérents et complets. Dans cette optique, les donneurs devraient donc aider les bénéficiaires à développer leurs capacités de gestion. Enfin, la viabilité des soins de santé primaires, notamment sur le plan financier, sera d’autant plus durable que l’on n’hésitera pas à mettre pleinement à contribution le secteur privé, les ONG, les groupes de femmes et d’autres organisations analogues, en vue d ’informer et de desservir les communautés où les soins de santé primaires sont encore insuffisants. Les donneurs pourraient, par exemple, aider les entreprises privées à mettre sur pied des programmes de santé à l’intention de leurs employés.

La documentation préparée pour la Conférence mondiale sur l’éducation pour tous et les études tournant autour de cette question recommandent aux donneurs de reconsidérer les règles selon lesquelles ils dispensent habituellement leur soutien, afin d ’aider les pays bénéficiaires à atteindre les objectifs de l’importante réunion de Thaïlande (Document de base de la confé­ rence; et «Comment améliorer l’enseignement primaire dans les pays en développement : examen des stratégies possibles», Banque mondiale, 1990). Etant donné les multiples contribu­ tions de l’éducation, notamment au niveau du primaire, au développement social et économi­ que, il serait bon que les donneurs consacrent davantage de ressources à ce secteur, en proportion de leur APD totale, tout en réservant une plus grande part des crédits ainsi dégagés aux programmes d’enseignement du premier degré, surtout dans les pays les plus pauvres. Souvent dispersés d’un point de vue géographique, ces programmes exigent en général davan­ tage de ressources en monnaie nationale que de financements en devises. Lorsqu’ils décident d’y prendre part, les donneurs devraient axer leur soutien sur tout ce qui peut contribuer de la manière la plus avantageuse à améliorer l’efficacité et la qualité de l’enseignement, en finan­ çant par exemple le coût du personnel qualifié, l’achat de matériels didactiques et l’améliora­ tion des méthodes administratives et pédagogiques, ainsi que la réforme des programmes.

L’existence d’une stratégie concrète en matière d ’éducation, avec des politiques et des objectifs applicables à l’ensemble du secteur, revêt une importance vitale aussi bien pour les efforts du pays lui-même que pour la coordination et l’efficacité de l’aide extérieure. Les donneurs devraient donc aider les pays qui bénéficient de leur appui à formuler cette stratégie en leur dispensant des conseils techniques quant au choix des moyens à mettre en œuvre et en finançant des travaux de recherche et d’analyse des politiques. Il conviendrait en outre, avant toute chose, d ’aider les pays à développer les moyens dont ils disposent, au plan national, pour élaborer et mettre en œuvre leur politique d’éducation. Pour apporter un soutien à long terme à des stratégies globales dont dépendent toute une série de mesures différentes mais interdépen­ dantes, couvrant un ou plusieurs sous-secteurs, il semble préférable de diriger l’aide sur des programmes de réformes sectoriels et sous-sectoriels plutôt que sur des projets. Cette forme d’aide devrait en effet permettre aux donneurs de s’accommoder avec souplesse à la diversité des besoins des pays bénéficiaires, notamment en finançant les coûts récurrents de programmes géographiquement dispersés. Elle devrait aussi étayer les efforts qu’ils déploient pour faciliter

l’élaboration des politiques, ainsi que la mobilisation et la gestion des ressources dans l’ensem­ ble du secteur.

D ’après les documents mentionnés plus haut, pendant la majeure partie de la décennie qui vient de se terminer, l’aide à l’éducation n’a guère été supérieure, en moyenne annuelle, à 9 pour cent du montant total de l’APD. En outre, plus de 95 pour cent de cette aide sont allés à l’enseignement postérieur au primaire, et plus particulièrement à l’enseignement supérieur. Dans les pays en développement à faible revenu qui connaissent une forte croissance démogra­ phique et où l’instruction élémentaire est la plus négligée, les apports de ressources à l’ensei­ gnement primaire ont diminué par rapport à ce que l’on observe dans les autres pays en développement. Ils ont été affectés à des projets isolés et souvent dépourvus de toute coordina­ tion, et ont surtout servi à financer des infrastructures physiques et des dépenses récurrentes autres que les frais de personnel et tous les frais directement liés à l’enseignement. Limités à la fois dans leur objet et dans leur portée géographique, les projets en question dépendaient dans une très large mesure de l’assistance technique fournie par les donneurs, moyennant des missions d’experts à long terme qui servaient en fait à combler les lacunes du pays bénéficiaire, au détriment de toute action visant à développer ses propres capacités.

Les donneurs devraient collaborer avec les autorités de chaque pays bénéficiaire pour veiller à ce que le développement de l’éducation de base bénéficie de la participation active des principaux intéressés à l’échelon de la communauté - notamment les associations d’étudiants, de parents, d’enseignants et autres - , des employeurs, des coopératives, des organismes confessionnels, et des ONG locales et internationales. En aidant à recenser les besoins d’ensei­ gnement et à évaluer les ressources que la communauté serait à même de mobiliser pour prendre à sa charge une partie des coûts de l’éducation, tous les groupes d’intérêts pourraient faciliter l’élaboration de la stratégie sectorielle. Puis, en mobilisant leurs propres ressources financières et humaines, et en assurant eux-mêmes certains services d’éducation et de formation élémentaires, ils pourraient aussi contribuer à la mise en œuvre de cette stratégie et à la viabilité des programmes. Ce qui signifie, par conséquent, qu’ils seraient étroitement associés à la conception et à l’exécution des programmes d’aide à l’appui de la stratégie adoptée pour le secteur. Ce type de participation active permettrait d’obtenir l’adhésion et le soutien de la communauté aux objectifs envisagés, et il pourrait aussi inciter la population à exiger des services d’enseignement de meilleure qualité.

Le CAD tiendra une réunion en 1992 afin d’examiner comment les donneurs pourraient maintenant aider au mieux les pays à mettre en œuvre les recommandations sur lesquelles la Conférence de Jomtien a permis de dégager un consensus.

4. POUR UNE PARTICIPATION PLUS LARGE DE LA POPULATION