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III. La muséographie de l'immatériel : exploitation des résultats

III. 1. Exposer l'immatériel

1.1. Rendre l’objet intelligible

La majorité des expositions étudiées sont fondées sur la présence de collections ou d'objets patrimoniaux au sein de leur parcours. A ce titre, même si nous avons vu les limites que cela suppose au regard de l'immatériel, la première logique évidente, héritière d'une conception traditionnelle des expositions consiste à rendre l'objet intelligible. Supposant donc la présence physique de l'objet au sein du parcours, notre première catégorisation de dispositifs va s'attacher à rendre les concepts et les aspects immatériels sous-jacents à l'existence de l'objet, tangibles

* La muséographie et présentation des objets

En élaborant notre réflexion autour de l'objet, le premier dispositif susceptible de mettre en valeur ses aspects immatériels est la muséographie. Par des rapprochements éclairants entre objets, par une ambition de restituer grâce à la présence – ou non - de vitrines, de l'éclairage, et d'une disposition soigneusement choisie, le contexte de ces objets, les dispositifs de muséographie sont éclairants. Dans Kanak, l'art est une parole, les appliques de porte Jövo, installées à l'entrée, seulement installés sur une estrade, sans vitrines, apparaissaient au public comme des éléments qui devaient être, dans leur contexte d'origine, présentés en plein air, constituant un paysage visuel marquant. La

124 muséographie cherche donc à faire « parler » les objets, à les rendre intelligibles, et parfois même, à provoquer l'émergence d'un discours entre eux. Au musée des Civilisations de l'IMA, l'espace consacré à la religion met en regard, au travers de grandes vitrines frontales, différents objets appartenant aux trois grandes religions monothéistes : icônes, croix en fer, chandeliers à huit branches, ou même de grands livres saints. Il ne s'agit pas là d'une nouvelle logique muséographique, mais néanmoins, ce dispositif « premier » témoigne bien de la volonté des concepteurs de faire émerger un discours par l'objet, vers des valeurs plus immatérielles.

* Supports de médiation

A l'exemple du Musée du Quai Branly, une première approche de l'immatériel peut se faire au travers des supports muséographiques présentant l'objet, où l’approche textuelle domine. Dans un mouvement allant de l'objet à la création de sens, c'est la parole, par le biais du texte, qui va effectuer ce transfert de connaissances. Kanak, l'art

est une parole en est un exemple particulièrement symptomatique. Combinant à la fois

un double discours entre la parole des Kanak, et le regard occidental, on trouve environ six types différents de supports textuels au sein du parcours. Les informations données sont variées, mais elles permettent une approche complète de la culture kanak, orientée vers son aspect immatériel. Pour exemple, le panneau introductif de la salle « Jövo- Méditation sur les ancêtres » permettait de contextualiser ces œuvres, en apportant au visiteur des informations techniques et pratiques : « Ces appliques sont fixées de chaque

côté de la porte de notre Grande case ronde avec des lianes passant par l’orifice ménagé en leur sommet. Liées à l’évocation des défunts, elles manifestent leur présence parmi les vivants ». Parfois, le texte sert à créer le lien entre les objets présentés. C'était

le cas dans la section consacrée au « Nô, le Verbe et la parole », où étaient exposés des coiffes cérémonielles, une conque, une hache-ostensoir et une échelle à igname.

Le chef exprime la parole de tous, il est notre visage et son souffle est le nôtre. Le son sourd de la conque magnifie son appel à se rassembler. La hache ostensoir à la main, il monte sur l’échelle à igname, devenue, aux temps de fêtes, l’estrade de l’orateur. Hommes et femmes tournent autour de lui au son des tambours de feuilles (des paquets de feuilles liées entre elles et frappées de la paume des mains), des chuintements et des bambous pilonnés contre le sol et nos pas dessinent le cercle primordial évoquant les astres du jour et de la nuit.

125 permettait d'exprimer la cohésion de l'ensemble des objets exposés au regard des pratiques auxquels ils étaient originellement soumis. Ces supports textuels peuvent également prendre la forme de grandes fiches explicatives, servant d'outils de travail pour comprendre les objets et pour parler des sociétés. Au Musée de l'Homme, une grande fiche « Moi, nous et les autres » sera destinée à parler, à partir des objets, de grands concepts qui font la société.

Dans la même logique, cherchant à interpréter un objet ou un ensemble d'objets, des dispositifs multimédia de médiation peuvent être mis en place. Agnès Parent évoquait l'exemple de la fabrique culturelle du corps, thème qui sera abordé dans le parcours rénové du Musée de l'Homme. Afin de rendre ce sujet accessible, la vitrine d'objet sera agrémentée d'un outil multimédia, offrant des supports iconographiques et photographiques, voire même une reconstitution en trois dimensions des effets de la modification de la forme du crâne sur le cerveau. Il s'agit bien de faire « parler » les objets, afin d'illustrer des concepts fondamentaux dans les sciences humaines. Une remarque ici s'impose : les dispositifs multimédias sont fortement représentés lorsqu'il s'agit d'immatérialité, offrant au visiteur une plus-value dans le parcours. Néanmoins, tous n'ont pas la même fonction, et ne sont pas conçus de la même manière. Cela est important car le rapport entre le dispositif et l'objet de musée va conditionner l'approche du visiteur dans l'exposition.

* Dispositifs « à toucher »

Dans une perspective pédagogique, témoignant de la volonté de faire « l'expérience » de l'objet, une typologie de dispositifs se dégage, héritière de la méthode hands-on. Il s'agit de dispositifs tactiles, associés à des éléments textuels, visuels ou sonores, implantés en certains points du parcours. L'exposition Great Black Music en recelait six. Chaque unité était composée d'un instrument de musique « ethnique » que le visiteur était autorisé à toucher, voire à manipuler, ainsi que d'un jeu pédagogique, adapté aux enfants, pour les sensibiliser aux musiques africaines. Évidemment, le smartguide pouvait diffuser les extraits musicaux adaptés. L’ensemble formait un ensemble cohérence, efficace, et sensitif. Et en effet, il s'agit de dispositifs ludiques – sinon enfantins – destinés en priorité aux enfants. Ce même type de dispositif devrait être mise en place au Musée de l'Homme, en vingt-cinq points du parcours, afin de rendre accessible les grands messages du parcours. L'ambition est donc bien de se

126 confronter physiquement à des sujets immatériels, en rendant le propos physique.