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III. 2 – Quelques perspectives d'ouverture

3.1. Des études de public à réaliser

Pour consacrer l'immatériel comme sujet de recherche, nécessité se fait d'affirmer ou d'infirmer nos hypothèses par des études de publics. Si l'étude des attentes du public, avant la visite, est centrale pour appréhender ses représentations préalables, et orienter la conception de l'exposition en fonction, qu'en est-il de la réception ? Nous évoquerons ici quelques pistes à explorer dans l'optique d'enrichir notre analyse.

Au regard de l'immatériel, il s'agirait de mettre en œuvre un outil d'analyse essentiel pour bien comprendre le fonctionnent des visiteurs lors du parcours, et les effets qui sont suscités. Ce type de recherche, dite « sommative », fait le bilan d’une opération pour en tirer des enseignements qui devraient servir aux expositions futures. Ces études peuvent s'orienter vers

140 la vérification de l'acquisition des savoirs, l'impact sur les changements de point de vue, ou bien la manière dont les savoirs ont été acquis. Elles permettent également d'évaluer l'enrichissement personnel du visiteur. Dans le cadre de l'immatériel, elles devraient s'attacher à vérifier la transmission du sens.

* Comprendre la visite

Ces études ne sont pas réalisées de manière systématique, surtout pour les expositions temporaires. Néanmoins, deux exemples permettent de voir en quoi ces études de public sont essentielles pour la recherche et pour la compréhension des parcours de visite.

Dans Voyage au Musée du Quai Branly173, Octave Debary et Mélanie Roustan ont

suivi et observé plusieurs visiteurs lors de leur découverte du plateau de collections du Musée du Quai Branly, et dans une perspective d'étude qualitative, ont réalisé quarante entretiens. De fait, cette ethnographie de la visite a permis de mettre en lumière les problèmes de la réception des arts non-occidentaux. Il ressort de cette étude que le visiteur se dit plongé dans un voyage dans le temps et l'espace, se sentant parfois proche de l'ethnologue découvrant une terre inconnue. De plus, dans un tel contexte, l'émotion prime dans le fonctionnement du visiteur : il s'établit à la fois une « distance cognitive » et une « proximité émotionnelle », avec les œuvres qui sont présentées. On y découvre donc un type de fonctionnement, plus affectif et sensoriel que cognitif.

Dans une autre optique, plus systématique, la Cité des Sciences et de l'Industrie a pour habitude de réaliser des sondages permanents à la sortie des expositions, associés à des enquêtes qualitatives, sur la question « Comment les visiteurs approchent-ils les sciences dans

les expositions de la Cité ?»174. Ces études, assez complètes, permettent d'établir des postures de visite. Par exemple, les visiteurs des expositions Jeux de lumière et Les sons s'intéressent aux dispositifs interactifs et au spectacle des autres visiteurs qui s'amusent avec les expériences. Ils évoquent une autre manière d'apprendre, accessible à tous les publics. De même, l'initiation aux nouvelles technologies suppose des démarches différentes : certains visiteurs s'interrogent ainsi sur les nouvelles technologies et leurs conséquences dans la société actuelle, tandis que d'autres ont une démarche pratique tournée vers l'apprentissage et

173 DEBARY, Octave ; ROUSTAN, Mélanie. Voyage au musée du quai Branly. Anthropologie de la visite du

plateau des collections. Paris, La Documentation française, 2012

174 DE MENGIN, Aymard ; HABIB, Marie-Claire. Les visiteurs de la Cité des Sciences et de l'Industrie. Synthèse des

141 l'utilisation. Enfin, d'autres postures de visite peuvent être observées, moins tournées vers l'apprentissage ou la familiarisation avec les sciences et les techniques, faisant une plus grande part à l'émotion, ou le rêve, notamment avec le Planétarium.

Les résultats de ces recherches sont intéressants au regard de l'exposition Sons que nous avons évoqué plus tôt, car ils mettent en lumière les interactions qui se créent au sein de l'exposition. Par exemple, les visiteurs se rappellent essentiellement des éléments « phares » du parcours, qui forment le souvenir commun et la référence partagée. Il s'agit par exemple des paraboles à sons, des percussions virtuelles, et du Passage du silence. Cela est du au fait que ces éléments focalisent l'attention collective, car ils permettent de mettre en scène les visiteurs, qui dialoguent alors via les paraboles ou qui jouent avec les percussions virtuelles et deviennent le centre de toutes les attentions. Le visiteur devient à la fois sujet et médiateur. En effet, ces études permettent de mettre en évidence qu'« une des pratiques de visite consiste à

s'approprier la manière dont procèdent les autres visiteurs, lesquels deviennent alors une instance de médiation : « Je regarde ce que font les gens et je peux décider de rester ou d'aller essayer autre chose »175. De fait, la compréhension des interactions qui émergent dans le cadre d'une visite passe nécessairement par des études de publics, susceptibles de valider nos hypothèses. Autrement, la recherche muséographique perd en force et en sens.

* Quelques pistes de réflexions

Ces études de publics, bien qu'éclairantes, souffrent d'analyses assez peu systématiques. Ou néanmoins, quand elles sont réalisées, elles ne s'inspirent pas directement des problématiques liées à l'immatériel. Pour correspondre à nos interrogations, elles nécessiteraient d'être réorientées. Les questionnements pourraient être reformulés. Par exemple, il serait pertinent d'étudier la manière dont le visiteur perçoit les interactions entre les objets d'un même parcours. Dans des expositions qui veulent créer un dialogue entre les objets, la scénographie et le public, il apparaît nécessaire de se concentrer sur les associations que le visiteur peut créer entre les éléments. Mais il serait aussi intéressant de s'interroger sur la manière dont le visiteur se pense lui-même dans cet espace d'exposition.

Cela permettra dans un premier temps de vérifier la pertinence des catégories de dispositifs de présentation de l'immatériel, que nous avons établi. Et surtout, comprendre la nature et les effets des mécanismes mobilisés en cours de visite, va permettre également

142 d'aborder la question du sens. Quel sens émerge chez le visiteur ? A-t-il conscience qu'il doit s'approprier autre chose que du matériel ?

Autant de questionnements, relus au prisme de l'immatériel, qui mériteraient d'être posés.

3.2. Médiation et programmation culturelle : prolongements de