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Les préoccupations de la cognition sociale sont ainsi plus intra-psychiques qu'inter- personnelles. La cognition sociale est aussi critiquée pour user immodérément de la théorie du traitement de l'information et négliger les affects, les motivations et les éléments de contexte (Monteil 91). Toutefois le champ de la cognition sociale s'est élargi par des travaux relatifs d'une part,

à

l'origine sociale de la cognition qui relève de la psychologie du développement et d'autre part, à son partage social qui, selon Codol

(89), "relève plus d'une psychosociologie que de la psychologie sociale proprement

dite".

Autour de la notion de représentation sociale, de nombreux travaux s'attachent

ainsi depuis vingt ans à élucider le partage social des cognitions. Une approche socio- cognitive s'est par ailleurs imposée en psychologie du développement.

La psychologie du développement est fortement marquée par les travaux de Jean Piaget. Piaget (70/88) s'est efforcé de dégager des systèmes d'opérations mentales capables d'engendrer les diverses performances observées chez les enfants

à

des âges différents selon trois grands niveaux d'organisation: stade sensori-moteur, stade pré-rationnel et stade de la pensée logique. Chaque structure opératoire est rendue possible par les résultats de la précédente, les interactions entre le sujet et l'objet font apparaître à chaque action de nouveaux observables de l'objet lui-même ou de l'action faite sur l'objet. Pour Piaget, l'origine de la connaissance se situe dans l'activité pratique et cognitive du sujet et non dans le seul monde extérieur ou dans son appréhension sensorielle.

Interagir et connaîtr/

entérine l'existence d'une psychologie sociale génétique qui cherche à articuler, à travers une approche expérimentale, développement endogène de l'individu et transmission sociale et culturelle (perret-Clermont & Nicolet 88). Elle trouve son origine dans la théorie du conflit socio-cognitif , celle-ci adopte le cadre descriptif développé par Piaget de l'ontogenèse et de la filiation des stades et ses points de vue structuraliste et constructiviste. Son apport original se situe dans les mécanismes de cette construction: les variables sociales sont considérées comme nécessaires au développement cognitif.

Cette approche souligne le rôle bénéfique au développement et le rôle structurant des interactions et de certaines significations sociales. Pour Doise (93), la dynamique du développement cognitif a trop souvent été réduite

à

des dimensions purement individuelles alors qu'elle a été,

à

l'origine, étudiée comme interindividuelle. Il en est ainsi pour le rôle du conflit, étudié par Carlo Cattéono dès 1864, et celui de l'imitation introduit respectivement en psychologie de l'enfant par Baldwin en 1897 et en psychologie sociale par Tarde en 1890. Chez Piaget, l'imitation est aussi présente mais elle est d'abord imitation de·soi ou de phénomènes d'observation non sociaux, le conflit existe mais il est réduit

à

une perturbation de l'équilibre individuel.

Il y a conflit socio-cognitif lorsque, dans une même situation, différentes approches cognitives d'un même problème sont produites socialement. Ce n'est pas la simple imitation d'une bonne réponse qui permet le développement cognitif mais l'intervention d'un marquage social nécessitant la bonne réponse. De plus, cet apprentissage a plus de chance de se produire quand la solution proposée est contestée, que ce soit par l'intervention d'autrui ou par conflit interne. L'articulation entre conflit socio-cognitif et marquage cognitif permet de trouver au niveau social, l'articulation introduite par Piaget au niveau individuel, entre assimilation et accommodation. L'apprentissage est ainsi

à

la fois appropriation d'un héritage culturel par imitation mais aussi contestation et mise à l'épreuve de cet héritage à travers le conflit (Doise 93).

9Interagir et connaître, Enjeux et régulations sociales dans le développement cognitif, sous la direction de

Pour G. Vergnaud (90), la psychologie du développement cognitif est "amenée à

accorder au jeu des signifiants langagiers et symboliques un rôle beaucoup plus important que celui classiquement accordé par Piaget ,. et les apprentissages scolaires étant intrinsèquement des apprentissages sociaux, il est impossible de ne pas prendre en compte ce qui est davantage qu'un facteur: la connaissance ne serait pas ce qu'elle est si elle n'était pas sociale, et les processus d'appropriation des connaissances ne seraient pas ce qu'ils sont si l'interaction interindividuelle ny jouait un rôle essentiel. Cela ne

signifie nullement que le rôle propre du sujet puisse être minimisé: la reconnaissance d'un invariant peut être médiatisée par l'interaction sociale, elle reste un acte propre du sujet.".

Cette tension entre l'invariant du fonctionnement cognitif et le rôle nécessairement contextuel de l'interaction sociale se retrouve en psychologie sociale. Ainsi, pour Codol (89), l'étude des représentations ne saurait échapper à une approche cognitive même si les perceptions sont déterminées par les contextes écologiques et si les fonctions cognitives sont organisées différemment selon les langues, les catégories linguistiques, les croyances religieuses, les idéologies politiques et sociales. En effet, chaque individu intègre, s'approprie, modifie et actualise, à un moment donné, les formes sociales des cultures et des groupes dans lesquels il est impliqué. De sorte que quelles que soient les multiples médiations des représentations (institutions, pouvoirs, lois, médias, etc. ) ce sont toujours au bout du compte des individus qui les véhiculent et les expriment. C'est pourquoi il est parfaitement légitime d'en saisir les reflets dans les conduites individuelles,

à

travers l'observation et l'interrogation des personnes.

A l'inverse, pour Forgas (81), il existe ainsi une différence fondamentale entre cognition et cognition sociale. De même, selon Gilly (91), "la nature même des tâches et des

problèmes à résoudre et en particulier leur nature sociale d'une part et les significations sociales des contextes situationnels de leur résolution, d'autre part, peuvent engendrer des types de processus de résolution différents".

De même, pour Moscovici et les tenants des représentations sociales, la pensée sociale du fait de la diversité des objets, des conduites et des situations sociales, n'est pas une simple différenciation de la pensée individuelle. L'étude des représentations sociales se veut l'étude d'une modalité de connaissance particulière, expression spécifique d'une "pensée sociale".

Il existe ainsi une tension entre l'approche cognitive des représentations, centrée sur des processus cognitifs universels et l'approche sociale des représentations. D'un côté la cognition sociale étudie les schèmes cognitifs qui conduisent

à

des biais cognitifs et qui organisent les représentations des objets et des événements. De l'autre, l'étude des représentations sociales est plus préoccupée du contenu des représentations, de leurs origines, de leurs fonctions et de leurs déterminations sociales.

L'opposition entre les deux apparaît clairement dans cette remarque de Moscovici (92) :

"sans bien s'expliquer ce qui les choque ils {un assez grand nombre de psychologues et même de psychologues sociaux] jugent inopportun que l'on ait à traiter historiquement et socialement des phénomènes qui, s'ils sont cognitifs, obéissent certainement à des causes, et dans ce cas, devraient, leur semble-t-il, être découpés pour être reproduits au laboratoire, expliqués par des facteurs neuronaux usités dans les sciences .... Comme la recherche sur les représentations sociales ne peut pas toujours procéder ainsi, ni se contenter de facteurs neuronaux, on en conclut qu'elle n'est pas tout à fait scientifique. Et comme les hypothèses qu'elle avance n'ont pas toujours la forme élémentaire et abstraite qui permet de les vérifier au laboratoire, on serait prêt à la déclarer sans rapport avec la cognition, y compris la cognition sociale".

Dans son manuel de psychologie sociale, G.N Fischer (90) est amené à présenter la culture et la cognition sociale comme les deux pôles principaux et opposés de la psychologie sociale. A une extrémité, se situe la culture qui façonne la réalité pour la rendre sociale à travers un ensemble complexe de facteurs, tels les apprentissages divers concernant la manière d'être socialement acceptable, pour les individus et les groupes, dans une société donnée. A l'autre extrémité, la cognition sociale désigne le type de

connaissances que produisent les individus à propos du social. Elle comprend les divers

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