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d'une part, la question du système de représentation En effet le système privilégié dans la perspective cognitiviste est celui de la logique moderne, les représentations sont

alors envisagées comme une suite de prédicats. Toutefois nombre de psychologues sont

persuadés de l'existence d'un système de représentations iconiques, l'imagerie mentale.

- d'autre part, la question de la nature des représentations. De nombreux linguistes

estiment en effet que la plus grande partie des représentations internes n'ont pas de

correspondant dans nos théories intuitives et demeurent de surcroît inaccessibles à

11Daniel ANDLER (92) "Calcul et représentations: les sources" in D.ANDLER (ed), Introduction aux sciences cognitives, Folio essais, Introduction, p.9-46

production du comportement intelligent ne sont pas celles qui interviennent dans la description commune, elles sont d'un "grain plus fin". C'est l'hypothèse du paradigme "subsymbolique", il existerait un niveau intermédiaire entre les structures mentales et les structures neuronales.

La critique de la computation symbolique s'appuie sur la critique de la notion de représentation comme élément premier de la pensée, elle a permis l'apparition de deux paradigmes concurrents dans les sciences cognitives (Varela 89). L'observation du fonctionnement biologique du cerveau a conduit à l'émergence d'un premier paradigme alternatif, le connexionisme. Il n'y a en effet pas de règle ni de processeur logique dans un cerveau réel. L'information n'y est pas stockée

à

des adresses précises. L'observation montre l'existence d'interconnexions massives entre des unités plutôt simples, les neurones, sur un schéma distribué.

L'étude d'interconnexions aléatoires montre l'apparition de comportements globaux cohérents. L'auto-organisation est mise en évidence vers 1980 en physique et mathématique non linéaires. Il semble difficile

à

n'importe quel agrégat de connexions suffisamment denses d'échapper aux propriétés émergentes. La réciprocité des liaisons entre des régions du cerveau permet un fonctionnement très coopératif: tout ce qui se passe est fonction de tous les éléments du cerveau. Le cas de la vision est à ce titre très parlant : 80% de l'information reçue pour former une image ne vient pas de l'œil par le nerf optique, mais de différentes autres régions du cerveau.

Pour Varela (89), il existe une troisième paradigme,

l'enaction.

C'est la mIse en évidence du rôle de contexte et du sens commun qui est

à

l'origine de cette approche. En effet

"la plus simple action cognitive demande une quantité de connaissances

apparemment infinie que nous prenons pour acquise ... mais qui doit être servie

à

l'ordinateur à la petite cuillère".

Le savoir de l'expert devient tout petit devant la

capacité de l'enfant à acquérir un langage à partir de son environnement.

"Le sens

commun et son ambiguïté inabordable par les démarches classiques de l'intelligence

résoudre un problème mais celle de pénétrer un monde partagé, de faire-émerger (to enact) des mondes différents .. Dans cette définition, le statut de la représentation est profondément modifié. Elle n'implique plus un monde prédéfini et des représentations mentales le reflétant au sein du système cognitif. La représentation existe toujours mais seulement au sens faible de l'intentionnalité. Le paradigme de l'en action remet en cause l'existence même d'un monde prédéfini qui seul peut être représenté. Le sujet et l'objet sont la spécification réciproque et simultanée l'un de l'autre. Il

y

a co-détermination entre les contraintes du monde extérieur et l'activité intérieure. Ainsi dans le cas de la vision il existe des races trichromats ou tétrachromats. Aucune n'est plus fidèle à un monde préétabli, chacune propose un monde chromatique viable.

Nous sommes amenés

à

considérer l'approche cognitive comme un continuum entre deux pôles, l'un que nous qualifierons de cognitivisme qui envisage la pensée comme une computation de la réalité, l'autre qui remet en cause ce modèle et envisage l'activité cognitive comme une construction du monde.

Tableau 8:un continuum

co~nitif

de la computation d'une perception à la construction de la réalité de la carte comme reflet du territoire à la construction du territoire

processus: du biais au schème sensori-moteur

structure: de la carte ou schéma co ·tif

à

la r résentation 'faible' Ceci permet une définition de la cognition sans lien avec le fonctionnement de l'ordinateur et même sans lien avec le support matériel des représentations. Dans une étude sur le système immunitaire, Varela (92) définit un système cognitif comme un système capable d'apprentissage, de reconnaissance, de mémorisation. Si la cognition est performance de type mémorisation, reconnaissance, etc ... alors on peut parler de cognition, par exemple organisationnelle, sans se poser la question d'un support, par exemple neurologique, des représentations.

Cette diversité des modèles cognitifs se retrouve dans la multiplicité des approches organisationnelles de la cognition. Ainsi, les approches cognitives en gestion adoptent plus ou moins implicitement, un modèle computationnaliste, elles font le plus souvent

plus clairement constructiviste. Dans une approche inspirée du connexionisme, Weick & Roberts (93) ont proposé d'envisager l'organisation comme un réseau cognitif où chaque individu joue un rôle simple, semblable à celui du neùrone pour le cerveau. Le 'grand nombre' d'individus présents dans une organisation n'est toutefois pas aussi grand que celui des neurones! Des "connexions" entre individus émerge un comportement collectif de l'organisation. La nature et la fréquence des interactions entre individus est alors cruciale pour envisager le partage de la cognition. Weick & Roberts ont en particulier souligné l'apport de la psychologie sociale, en particulier de Asch et de Ryle. Girod (95) considère l'organisation comme analogue

à

un système cognitif dont elle étudie la mémoire en mariant paradigme cognitiviste et paradigme connexioniste pour générer et tester des hypothèses sur le fonctionnement de la mémoire de l'organisation.

Pour notre part, quand nous parlerons de représentation, nous ne nous situerons pas dans une approche cognitiviste. Notre objet d'étude ne saurait être un état représentationnel quasi-physique ou matériel ou une configuration de connexions dans le cerveau qui donnerait accès sans interprétation

à

ce que le sujet pense. Notre étude des représentations est focalisée sur la spécificité des contenus plus que sur l'universalité des biais et des heuristiques de raisonnement. Ces contenus sont le reflet d'une pensée sociale, ils influencent le raisonnement (ce que l'on pense influence comment on pense). Les représentations sont des contenus, des étiquettes, des catégories ; les processus de construction de ces contenus sont sociaux et politiques, ces contenus font l'objet de négociations et subissent diverses influences sociales. Notre étude des représentations porte toutefois d'abord sur les contenus plus que sur les processus sociaux, politiques et / ou organisationnels qui établissent ces "cartes" au fil du temps. Nous étudions les contenus en ce qu'ils sont influencés par des processus sociaux et non pas les processus. Il s'agit alors de s'attacher aux déterminations sociales de ces représentations, en particulier aux dimensions historiques, idéologiques, et plus proprement organisationnelles

à

partir des concepts et des méthodes développés par la théorie des représentations sociales.

Section 2 : Intérêt de la théorie des représentations sociales

Les raisons de notre intérêt pour la théorie des représentations sociales sont multiples.

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