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Les relations forme-fonctionnement en contexte métropolitain à l’épreuve des faits

Questions ouvertes

3. Forme et organisation spatiale de la ville complexe

3.7 Les relations forme-fonctionnement en contexte métropolitain à l’épreuve des faits

Trois recherches empiriques sur la relation forme-fonctionnement

Dans cette section, je présenterai trois recherches qui m’ont permis d’explorer les relations multiples existant entre les formes urbaines et les fonctionnements humains de la ville. Elles ont permis d’opérationnaliser les considérations théoriques de la section précédente, et même de proposer des nouveaux concepts, plus spécifiques aux domaines étudiés.

Les deux premières recherches portent plus directement sur la morphologie sociale des aires métropolitaines, notamment par l’étude des logiques spatiales de l’habiter. Seront ainsi investiguées, à tour de rôle, les trajectoires résidentielles des accédants à la propriété dans un espace métropolitain et, de façon plus exhaustive, la relation entre caractéristiques des lieux et modes d’habiter des populations. Ces deux recherches proposent des nouveaux concepts, tels que le profil sociogéographique des ménages et l’affordance spatiale des lieux, et font recours à des corpus de données différents : dans le premier cas, des corpus réduits d’entretiens semi-directifs, avec une grille d’analyse qualitative des caractéristiques des lieux observables sur le terrain ; dans le second, des grandes enquêtes, couplées à des bases de données permettant d’appréhender les caractéristiques des lieux.

Les deux recherches feront en revanche recours à la même technique de clustering probabiliste bayésien, pour identifier des profils généralisant les observations individuelles. L’approche méthodologique est ainsi inductive (tout en étant guidé par des présupposés théoriques) et à base d’incertitude. Les fondements théoriques et méthodologiques du clustering bayésien et leurs liens avec la connaissance incertaine seront mieux présentés dans le Chapitre 4. Je me limiterai ici à commenter les résultats obtenus et leur éclairage des relations multiples existant entre les formes physiques de la ville et les morphologies sociales dans un contexte métropolitain.

La troisième recherche étudie la relation entre forme urbaine et fonctionnements commerciaux de la ville. La forme est analysée essentiellement par une approche configurationnelle des réseaux viaires et des réseaux routiers, couplant ainsi les logiques du mouvement piéton et automobile pour comprendre le potentiel commercial des rues. Comme déjà souligné par une riche bibliographie (Jacobs 1961, Hillier 1996, Cutini 2001, Porta et al. 2009, Porta et al. 2012), les activités commerciales sont en effet particulièrement sensibles à la structuration du mouvement potentiel des usagers de la ville, liée à la configuration des réseaux. Plus précisément, Hillier (1996, 2002, 2012) suggère que les commerces et les services sont des activités attirées par le mouvement (vers et à travers), tandis que les résidences, en seraient davantage repoussées (selon un jeu de perceptions sociales qui trouve toute sa place dans le schéma en Figure 3.8).

Un cadre probabiliste bayésien sera également employé, mais cette fois les réseaux bayésiens serviront à identifier des relations causales entre phénomènes dans un cadre théorique préalablement établi. Ils auront le même rôle que les analyses de régression multiple ou les réseaux de neurones régressifs, laissant seulement plus de place à l’incertitude probabiliste dans l’identification du meilleur

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modèle explicatif. Des différentes paramétrisations de la recherche découlera une pluralité de modèles possibles, soulignant le caractère doublement incertain des connaissances produites par ces approches de fouille de données.

Les profils sociogéographiques, croisement de trajectoires résidentielles, motivations et modes d’habiter

Les collectivités locales sont confrontées à des énormes défis dans le contrôle du développement métropolitain. L’étalement périurbain, la densification, le délabrement ou le renouveau des centres traditionnels se présentent comme les résultats de différentes politiques urbaines. Mixité sociale ou ségrégation résidentielle semblent également pouvoir être gérées par des politiques appropriées. Mais dans les faits, ces politiques sont contrecarrées par le comportement des agents qui interagissent avec les formes de la spatialité métropolitaine, dans des processus d’auto-organisation qui restent à élucider. Les stratégies des ménages pour accéder à la propriété de leur logement jouent un rôle important dans ces processus et encore plus dans un contexte métropolitain où les centres-villes, le périurbain et les villages ruraux constituent des marchés résidentiels qui se chevauchent, produisant d’importantes migrations résidentielles intra-métropolitaines. Il devient ainsi essentiel d’étudier l’imbrication des préférences, des styles de vie et des motivations des ménages avec les contraintes objectives de l’accession à la propriété (Kauko 2006, Aero 2006, Rougé 2007). Mais l’analyse ne peut pas demeurer uniquement socioéconomique et doit intégrer explicitement les éléments du contexte spatial qui constituent un aspect essentiel des décisions prises par les ménages (Da Cunha et al. 2004, Debusschere 2005, Skifter Andersen 2011, Carpentier 2010), tous comme les éléments qui décrivent leurs pratiques de mobilité quotidienne et hebdomadaire (Kaufmann 2000, Rougé 2007, Carpentier 2007, 2010). Les bases de données traditionnelles sur les marchés immobiliers décrivent les caractéristiques des biens et, par leur localisation, permettent de reconstruire les accessibilités dont ils bénéficient et, plus difficilement, les formes urbaines où ils se situent. Elles ne nous renseignent pas, cependant, sur les préférences, les pratiques spatiales et les motivations des accédants à la propriété. Ces données doivent être produites dans des plans de recherche spécifiques, ouvrant la voie à des nouvelles applications modélisatrices intégrant à la fois des descripteurs quantitatifs et qualitatifs des comportements de ménages.

J’ai ainsi eu l’occasion de co-piloter un projet interdisciplinaire (Donzel et al. 2011) fédérant sociologues (UMR LAMES / Aix-Marseille Université et VECT Mare Nostrum / Université de Perpignan) et géographes (UMR ESPACE / Université de Nice Sophia Antipolis). Son objectif était d’étudier les déterminants et les motivations des nouveau accédants à la propriété dans les contextes urbains et métropolitains du sud de la France. La recherche était exploratoire : des nouvelles questions ont été formulées et testées sur des petits échantillons de ménages. Trois terrains ont été sélectionnés : les aires métropolitaines provençale et azuréenne et la plus petite région urbaine autour de Perpignan. Un protocole d’entretien semi-directif a été élaboré pour interviewer 160 ménages ayant acheté leur logement dans la décennie précédente. Mes recherches (Fusco et Scarella 2012, 2014) se sont focalisées sur les deux terrains métropolitains, où des nouvelles méthodologies pour le traitement numérique de corpus d’entretiens et d’enquêtes ont été mises ou point, en combinant les aspects subjectifs relevés par les entretiens avec l’information spatiale extraite de l’insertion et de la trajectoire résidentielle des ménages. L’objectif était d’identifier des profils sociogéographiques cohérents

permettant de segmenter les nouveaux accédants à la propriété au sein des deux aires métropolitaines. La cohérence devait résulter de la possibilité d’identifier des régularités statistiques

dans l’association de préférences révélées, des comportements, des conditions socio-économiques et de l’inscription spatiale des mobilités résidentielle, quotidienne et de loisir. La décision de devenir

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propriétaire dans un secteur géographique particulier pouvait ainsi être considérée dans le contexte plus large des styles de vie, dépassant les considérations contingentes des seuls aspects des coûts, des logements disponibles et des niveaux d’accessibilité (notamment au lieu de travail). En suivant Bourdieu (1979), les styles de vie sont des systèmes de pratiques socialement classifiables. Stock (2004) propose d’intégrer pleinement la dimension spatiale dans les styles de vie (les lieux utilisés pour effectuer les activités et les mobilités nécessaires entre eux) et propose pour cela le concept de « mode d’habiter ».

Sur ces bases, les hypothèses de fond de la recherche sont au nombre de trois. D’abord, la logique utilitariste de l’homo economicus postulée par la modélisation économétrique, peu sensible aux aspects symboliques et intériorisés des valeurs et des styles de vie des habitants, n’est probablement ni le seul ni le plus important patron de comportement des ménages. Ensuite, et ce d’autant plus que les autres logiques identifiables s’éloignent du froid arbitrage entre coûts et distances de la logique utilitariste, l’espace compte et il compte d’autant plus qu’il est saisi en tant que lieu, avec des caractéristiques objectives et d’autres, plus subjectives, liées à l’intériorisation de valeurs sociales et à la perception sociale des espaces. Une troisième hypothèse, plus contingente à nos terrains d’études, était de vérifier dans quelle mesure il existe des analogies entre ces deux aires métropolitaines de la France méditerranéenne.

La recherche de profils sociogéographiques permettait de tester ces hypothèses, au moins de façon préliminaire, en essayant de généraliser les logiques internes à chaque entretien. Les résultats doivent être compris comme exploratoires dans la mesure où ils sont obtenus d’échantillons réduits de ménages. La recherche des profils sociogéographiques pose également des défis méthodologiques : d’abord l’intégration de la dimension spatiale en contexte métropolitain et ensuite le dépassement de la seule analyse qualitative de discours, qui peut difficilement opérer des généralisations dans des grands corpus.

Des profils sociogéographiques très semblables en Provence et sur la Côte d’Azur

Les recherches sur les réseaux urbains en région PACA, présentées au Chapitre 2, avaient déjà permis d’identifier l’émergence de deux aires métropolitaines polycentriques dans l’espace régional. A l’ouest, la métropole provençale était traditionnellement articulée autour des deux pôles de Marseille et Aix-en-Provence, mais intègre de plus en plus Toulon et Avignon. À l’est, la métropole azuréenne se structure autour des quatre villes littorales de Nice, Monaco, Antibes et Cannes. Dans la Section 2.3 j’ai montré la difficile question de la délimitation de ces deux aires métropolitaines. En utilisant ici une délimitation relativement ample, la métropole azuréenne inclut le département des Alpes-Maritimes, l’Est-Var et la Principauté de Monaco et avoisine dans ce périmètre 1,5 millions d’habitants. S’étendant sur plus de 150 km d’est en ouest, la métropole provençale compte environ 3 millions d’habitants, dont les deux tiers sont dans le département des Bouches-du-Rhône.

Au-delà des fortes similitudes (dans les contraintes topographiques, le rôle attractif du littoral, la fragmentation de la gouvernance métropolitaine, le poids de la propriété immobilière et l’appartenance à la même culture méditerranéenne française) les deux cas d’étude offrent une opportunité intéressante d’analyse comparative. Les formes urbaines et les fonctionnements socioéconomiques du port et de la vaste zone industrielle au nord de Marseille n’ont par exemple pas de correspondant dans l’aire azuréenne, où l’économie touristique et résidentielle est beaucoup plus prégnante. D’importantes différences caractérisent également le parc de logements, avec une plus forte présence de résidences secondaires et d’appartements dans l’aire azuréenne. De surcroit, les quatre principaux pôles métropolitains azuréens sont tous littoraux, tandis que le polycentrisme

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provençal s’étend à l’intérieur des terres. La seconde ceinture métropolitaine provençale (voir suite) inclut également des petites villes, avec une offre de logements en contexte urbain (comme à La Ciotat, Manosque ou Arles), là où la seconde ceinture azuréenne consiste uniquement de lotissements périurbains ou de villages anciens dans le contexte rurbain de l’arrière-pays alpin. Il devient dès lors intéressant de vérifier dans quelle mesure ces différences structurelles dans les marchés résidentiels et dans les configurations métropolitaines peuvent influencer les stratégies résidentielles des ménages accédant à la propriété. Le rôle des contraintes financières sera également pris en compte, ces deux aires métropolitaines étant parmi les marché résidentiels les plus tendus en France, après Paris. Il faut ainsi comprendre comment ces contraintes objectives interagissent avec les aspects socio-culturels pour identifier des profils sociogéographiques d’accédants, spécifiques à ces terrains d’étude. Seulement un corpus d’entretiens suivant un protocole spécifique à cette recherche pouvait en effet intégrer tous ces aspects.

Au sein des deux structures métropolitaines polycentriques, nous avons différencié les communes-centre des principaux pôles métropolitains, leur première couronne (espace à moins de 20 minutes par le réseau routier) et la seconde couronne, plus éloignée dans l’espace-temps métropolitain. L’échantillon des ménages interviewés (54 dans l’aire azuréenne, 59 dans celle provençale) ont été stratifiés par ce découpage géographique (Figure 3.9) et par les trois grandes classes d’âges de la personne de référence (moins de 40 ans, 40-60 ans et plus de 60 ans). Le corpus des retranscriptions des entretiens n’était que le matériel brut de l’application modélisatrice. Une grille d’analyse a ainsi permis d’évaluer un ensemble de 46 variables, essentiellement qualitatives ou catégorielles :

- 6 variables factuelles sur le ménage (revenus, composition et nombre d’actifs, âge, classe socioprofessionnelle, région de naissance de la personne de référence) ;

- 4 variables pour la localisation du logement présent et précédent à la fois à l’échelle métropolitaine (centre, première ou seconde ceinture) et, plus localement, en termes de caractéristiques morphologiques du quartier (centre-ville, banlieue urbaine, périurbain, village). Une des spécificités de nos aires métropolitaines est l’existence de contextes périurbains au sein même des communes-centres.

- 11 caractéristiques objectives du logement actuel (nombre de pièces, période de construction, type architectural, présence d’éléments de confort dans le logement et dans la copropriété/ lotissement). Le logement précédent est aussi décrit par sa typologie et son nombre de pièces ; - 4 variables pour les motivations révélées pour l’achat du logement, le statut d’occupation et

l’éventuelle propriété d’une résidence secondaire ;

- 8 variables pour les contraintes financières et les modalités de l’acquisition (année d’achat, temps de recherche, recours à des intermédiaires, coût, prêt immobilier) et pour les travaux réalisés ;

- 6 variables pour les pratiques de mobilité des ménages (espaces visités pour les besoins du quotidien et pour les loisirs, navette domicile-travail, pratiques modales et motorisation) ; - 7 variables sur les perceptions des ménages de leurs voisinage, engagement dans la vie locale,

relations avec les voisins, satisfaction résidentielle et éventuels projets immobiliers futurs. Le défi de généraliser les récits propres à chaque entretien et d’identifier des profils socio-géographiques dans les deux terrains d’étude a été relevé par le recours au clustering multivarié bayésien, selon l’approche hiérarchique présentée dans la Section 4.4. Six profils d’accédant ont pu être découverts dans l’aire azuréenne et cinq dans celle provençale. Les profils sont plus ou moins recourant dans les échantillons, mais l’extrapolation de leurs fréquences à la population mère de tous les ménages ayant accédé à la propriété au cours de la décennie est extrêmement incertaine du fait de la petitesse de l’échantillon. L’analyse bayésienne permet de décrire en probabilité les principales

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caractéristiques de chaque profil, en faisant recours aux variables plus informatives pour chacun d’entre eux. L’inscription spatiale des trajectoires résidentielles des profils est essentielle pour les caractériser. Cela est fait dans les croquis de la Figure 3.10, représentant de façon schématique la spatialité des deux aires métropolitaines et les spécificités morphologiques locales de leurs composantes.

Un des principaux résultats de cette recherche est la similitude frappante des profils trouvés dans les deux aires métropolitaines. Si l’on regroupe les profils 2 et 4 de l’aire azuréenne, il y a une correspondance très prégnante avec les cinq profils de l’aire provençale. En analysant les profils plus attentivement, quelques différences peuvent néanmoins être observées, rendant la comparaison encore plus intéressante.

En dépit des mises en garde sur l’extrapolation des fréquences d’échantillon, le profil des familles périurbaines avec enfants, relativement aisées et à forte mobilité (n° 3) est tellement prépondérant dans l’échantillon provençal que l’on peut le qualifier de profil principal. Sur la Côte d’Azur, il correspond à deux différents profils, l’un caractérisant les familles de cadres et professionnels nouvellement installées (n° 2), l’autre les ménages locaux aisés ayant poursuivi le « rêve » d’accéder à la maison individuelle dans le périurbain. Deux profils urbains ont également été identifiés dans chacun des deux terrains : d’un côté les urbains aisés, faisant le choix d’un mode d’habiter citadin (urbanophiles), de l’autre des ménages plus modestes optant pour une localisation urbaine de façon relativement contrainte. Dans les deux terrains, deux derniers profils plus hétérogènes regroupent les ménages de classes moyennes préférant se localiser dans les périphéries urbaines : les premières comme choix de style de vie, les seconds sur des bases essentiellement utilitaristes. Les fortes similarités entre les profils des deux aires d’étude suggèrent que les résultats pourraient être plus robustes de ce qu’est impliqué par la petitesse des échantillons.

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Figure 3.10 – Inscription spatiale des profils sociogéographiques.

Au-delà des nombreuses analogies entre les profils des deux aires d’étude, les différences dans les configurations métropolitaines, dans le parc de logement et dans les activités économiques prépondérantes ne peuvent que produire des divergences dans les préférences résidentielles et dans les modes d’habiter en Provence et sur la Côte d’Azur. Le mode d’habiter périurbain ou, à défaut, l’accession à un logement individuel en banlieue urbaine ont ainsi la tendance à agir comme une norme sociale pour les classes moyennes et moyennes supérieures dans la population locale provençale. Ainsi, dans les profils urbains nous trouvons souvent des nouveaux arrivants dans la région. Néanmoins, en Provence comme sur la Côte d’Azur, l’attrait des périphéries urbaines plus denses et fonctionnellement mixtes joue un rôle important dans la construction de certains profils. Les centres urbains restent des lieux attractifs, à la fois pour les choix résidentiels des citadins urbanophiles et pour

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les loisirs des ménages de banlieue et du périurbain. L’attractivité des centres urbains semble encore plus prononcée dans l’aire azuréenne, où une partie importante de la population locale tend à effectuer tout un parcours résidentiel au sein des espaces urbains agglomérés. Par ailleurs, les configurations métropolitaines polycentriques (avec quatre centres métropolitains et plusieurs centres urbains secondaires dans chaque aire d’étude) rendent les aménités urbaines plus facilement accessibles pour les ménages situés en périphérie urbaine et dans le périurbain.

Dans l’étude des parcours résidentiels des ménages modestes accédant à la propriété dans l’aire métropolitaine toulousaine, Rougé (2007) remarque la force de la norme sociale de la maison individuelle en contexte périurbain. Dans nos terrains, cette tendance est observable seulement pour les familles de classe moyenne (en Provence) et pour celles de classe moyenne supérieure (à la fois en Provence et sur la Côte d’Azur). Les accédants les plus modestes s’accommodent de logements collectifs anciens (même vétustes, avec un engagement important dans leur rénovation) dans les centres urbains et parfois dans les villages de la seconde ceinture métropolitaine. Ce faisant, ils bénéficient d’une plus grande liberté dans leurs pratiques de mobilité que leurs homologues toulousains, profitant des services disponibles localement dans ces espaces agglomérés et pouvant mieux arbitrer entre la mobilité automobile, les transports en commun et la marche. Pour les employés des classes moyennes, un appartement dans un bâtiment récent ou neuf en périphérie urbaine semble un choix socialement approprié dans les villes du littoral azuréen. Des modes d’habiter socialement valorisés urbains et périurbains sont ainsi présent en même temps dans les deux aires d’étude, avec une présence encore plus forte des modèles urbain dans l’aire azuréenne. Cela différencie par exemple nos deux aires métropolitaines méditerranéennes du cas du Luxembourg étudié par Carpentier (2010), où un gradient rural/urbain reflète la faiblesse de la ville-centre à catalyser des modes d’habiter urbains pour les ménages en position de choix résidentiel. Ces différences parmi les cultures urbaines régionales avaient déjà été relevées par Wiel (1999) sur des données plus générales. Les aires urbaines de la France méditerranéenne mélangent un modèle latin, de valorisation des résidences urbaines, avec le modèle de la maison individuelle périurbaine, une norme sociale qui s’était développée parmi les élites anglaises dès la fin du XVIIIe siècle pour s’imposer ensuite parmi les classes moyennes britanniques et nord-américaines pendant le XXe (Mumford 1961).

L’augmentation effrénée des prix de l’immobilier dans le sud-est français entre 1998 et 2008 a également permis de faire émerger un profil particulier de ménages utilitaristes de classe moyenne, visant à prendre position dans le marché immobilier avant d’en être empêchés par l’augmentation continue des prix (une situation relativement commune à Paris). Ces mêmes ménages auraient probablement effectué des choix différents dans une phase de consolidation des prix, étant très attentifs à la signification de l’achat immobilier en tant qu’investissement rationnel. Ce profil utilitariste est le plus difficile à inscrire dans l’espace géographique, car il est moins lié à des caractéristiques précises des lieux qu’il investit.