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Les multiples relations entre formes et fonctionnements pour la ville

Questions ouvertes

3. Forme et organisation spatiale de la ville complexe

3.6 Les multiples relations entre formes et fonctionnements pour la ville

Organisation socioéconomique et organisation spatiale de la ville

La morphologie sociale de l’espace urbain est précisément l’étude de la spatialité de l’organisation socio-fonctionnelle de la ville. L’hypothèse de l’analyse morpho-fonctionnelle à la Salingaros est qu’elle puisse être liée, au moins partiellement, à l’organisation de la forme physique de la ville (tissus, tracés, forme tridimensionnelle perceptible). Cette connexion est également au cœur de nombreuses intuitions et principes de la syntaxe spatiale (la loi du mouvement naturel, les potentiels de mouvement vers et mouvement à travers, les logiques du contrôle du mouvement, la dichotomie entre réseaux d’avant-plan et d’arrière-plan) : il s’agit d’éléments qui ont nourri une importante direction de recherche sur la relation entre la forme (ici la configuration des réseaux) et les fonctions urbaines.

Quelle relation s’établit alors entre les formes physiques de la ville et l’organisation socioéconomique des sociétés urbaines ? Dans ce qui suit, je m’attèlerai à montrer que réduire la

morphologie sociale urbaine à la « projection » spatiale des rapports sociaux est à la fois une négation de la complexité urbaine et, peut-être de façon encore plus profonde, une véritable aporie scientifique. J’épouse en cela des thèses déjà défendues par Hillier et Hanson (1984, rapidement

mentionné en Section 3.1) et, plus spécifiquement, par Roncayolo (1996).

Quels seraient déjà les rapports sociaux qui devraient se projeter dans l’espace urbain ? Même dans l’analyse des sociétés, les pères fondateurs de la sociologie (Marx, Durkheim, Max Weber) identifient une pluralité de principes d’organisation. La principale distinction est celle entre la division sociale du travail et la division technique du travail. Une seconde opposition est celle entre l’organisation de la production et celle de la reproduction sociale.

La division sociale du travail est liée aux rapports sociaux qui régissent la production et l’échange économique. A l’origine c’est la répartition des rôles dans l’approvisionnement de la nourriture et la production des objets des cultures nomades, ensuite c’est la division ville-campagne et, en même temps, l’opposition entre travail manuel et travail intellectuel au sein d’économies urbaines qui vont se complexifiant. Au fur et à mesure que les rapports marchands s’étendent, la division sociale du travail devient également l’opposition entre la force de travail, qui ne possède plus ses moyens de production, et le capital. De l’échange marchand de la force de travail nait la plus-value (Marx 1867, mais avant lui déjà Ricardo 1817), les rapports de production et de propriété de l’organisation capitaliste de la société, leurs inégalités et leurs hiérarchies (Harvey 1985).

La division technique du travail est liée aux contraintes techniques de la production et elle aussi suit la complexification progressive des sociétés humaines (Durkheim 1893, Béjin 1974). La grande manufacture concentrée produit une spécialisation des tâches, qui nécessite d’articuler les échanges entre les différentes phases de la fabrication, sans passer nécessairement par les mécanismes de marché. Les lieux même de la production se complexifient : l’atelier de l’artisan est d’abord remplacé par la manufacture concentrée, ensuite par l’usine moderne du paradigme fordiste, et actuellement par l’éclatement optimisé des chaînes de production qui s’étendent parfois à l’échelle du globe. Même

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cette division technique du travail est porteuse d’une organisation sociale et spatiale, avec ses mécanismes de coordination et ses hiérarchies. Division sociale du travail et division technique du travail organisent la sphère de la production et de la distribution des biens et des services d’une société (Marx 1867). La reproduction sociale nécessite un certain nombre de ces biens et services, marchands et non marchands, mais surtout elle concerne d’autres sphères du vivre en société qui ne sont pas directement liées à la production et à l’échange. Il s’agit de la sphère privée de la vie familiale, ou de celles plus collectives de l’école, de la religion et de la vie associative et culturelle, plus en général il s’agit de la sphère de l’habiter et du consommer, dans le sens le plus large que ces deux termes peuvent prendre. C’est dans ce contexte que les forces du travail se reproduisent, matériellement et intellectuellement, pour rentrer ensuite dans les cycles de la production sociale.

Or comment ces principes de l’organisation sociale s’articulent avec l’organisation socio-spatiale de la ville ? La tentation pourrait être forte de faire correspondre à la hiérarchie des rôles dans la division sociale du travail, se traduisant en hiérarchie de revenus et de patrimoines, la hiérarchie des lieux de la ville. Une tentation d’autant plus forte à une époque où les valeurs marchandes régissent l’essentiel de l’allocation des sols urbains, des logements, des investissements en infrastructures, etc.

Dans l’histoire de la sociologie et de la géographie urbaine, l’écologie urbaine américaine, et notamment l’école de Chicago, a produit une première tentative, paradigmatique, d’articuler la division sociale du travail, le pouvoir d’achat des ménages, la mobilité résidentielle et la division sociale de l’espace urbain. Mais pour Roncayolo (1996), en dépit des mérites de ces pionniers de la morphologie sociale urbaine, leur démarche est restée essentiellement empirique. Parker, Burgess, Hoyt n’ont pas su fournir un cadre explicatif suffisamment général pour pouvoir s’éloigner du cas très spécifique des grandes villes industrielles en forte croissance démographique et économique du Midwest américain au début du XXe siècle et, finalement, du cas très spécifique de Chicago. Fondé sur l’observation d’un autre cas paradigmatique, celui de San Francisco, le modèle de la mosaïque polynucléaire d’Harris et Ullman (1945) serait encore une tentative empirique de faire correspondre des statuts économiques et des fonctions productives à des sous-espaces urbains bien définis.

Roncayolo (1996) relève qu’une question théorique de fond n’a pas été abordée : la division sociale et fonctionnelle de l’espace urbain est-elle une des manifestations de la division sociale du travail ou bien une hiérarchisation qui s’articule avec d’autres formes de hiérarchie ?

Weber (1922) identifie trois hiérarchies qui peuvent structurer les rapports sociaux : le statut économique (et donc le rôle dans la division sociale du travail), le pouvoir (lié aux rapports politiques dans la cité) et le prestige (lié aux valeurs culturelles partagées). Halbwachs (1938) et Merton (1968) soulignent l’importance des représentations sociales. Merton différencie ainsi le groupe d’appartenance (que l’on pourrait éventuellement rapporter au rôle objectif dans la division sociale du travail et donc au statut économique) et le groupe de référence, que l’on peut seulement saisir en référence au prestige exercé par d’autres groupes sociaux. Tant pour Halbwachs que pour Merton l’attention doit être mise sur les systèmes de valeurs au sein d’une société. Ceux-ci, à parité de revenus, peuvent différemment caractériser les groupes sociaux. Halbwachs souligne ainsi qu’il existe des ordres de priorité différents dans les attitudes à la consommation parmi les différents groupes sociaux. Une fois que la consommation est appréhendée en tant que pratique sociale, susceptible de marquer des distinctions et des appartenances, Bourdieu (1979) nous montre que les attitudes des groupes sociaux peuvent être différentes en matière de choix résidentiels, de styles de vie, etc. et ne se réduisent pas au seul capital économique des ménages.

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Dans la ville, l’articulation essentielle est celle entre production-échange et habiter

Nous revenons alors à la question fondamentale posée par Roncayolo (1996) : l’organisation spatiale de la ville s’articule avec un principe unique ou bien des principes concurrents de l’organisation sociale ?

Deux fonctionnements socioéconomiques sont fondamentaux dans la ville : d’un côté celui de la production et de l’échange des biens et de services, de l’autre celui de l’habiter.

Le parallèle est avec la dichotomie fondamentale de l’analyse marxiste entre rapports de production et les autres rapports sociaux, qui incluent la reproduction sociale dans la famille comme dans les institutions, les idéologies, les cultures (voir supra). Une lecture grossière de la part d’une certaine école marxiste a décrété la primatie des rapports de production, qui déterminerait en dernière instance les superstructures du vivre social. En réalité Marx propose une vision beaucoup plus nuancée de véritable dialectique entre ces deux aspects de l’organisation socioéconomique, surtout dans l’analyse de cas concrets.

On accorde ainsi souvent un rôle de moteur premier à la division technique (l’affectation fonctionnelle des sols), ensuite à la division sociale du travail (les hiérarchies économiques), pour terminer sur les aspects liés à la reproduction sociale et culturelle de l’habiter. Sinon que même la division technique de l’espace urbain a lieu dans un espace déjà socialement divisé et représenté. Roncayolo (1996) souligne justement que les activités se classent socialement dans l’espace urbain et classent socialement les espaces. La localisation d’une usine ou d’un équipement technique n’est ainsi pas déterminé par les seules contraintes techniques (comme l’accessibilité aux transports), mais prend en compte également les proximités relatives aux tissus résidentiels, plus ou moins valorisés, aux espaces symboliques de la ville et du paysage environnant, qui sont à leur tour le produit de constructions sociales.

Selon Caniggia et Maffei (1979), déjà dans la ville auto-organisée du moyen-âge européen, les activités urbaines pouvaient se classifier en nodales et anti-nodales, les premières étant socialement valorisées (les églises, les palais des élites urbaines, les lieux symboliques du pouvoir communal, le commerce, etc.), les secondes, tout-aussi nécessaires à la vie urbaine, étant plus répulsives dans la représentation sociale de l’époque (les hôpitaux, les couvents, les lavoirs publics, les ateliers artisanaux les plus polluants, etc.). L’organisation spatiale de la ville prenait en compte cette double nature des activités urbaines en facilitant leur agglomération autour d’axes et de nœuds de polarité positive et négative, introduisant ainsi des « coloriages » socio-fonctionnels au sein d’organismes urbains que nous tendons aujourd’hui à considérer comme étant socialement et fonctionnellement mixtes. Les axes nodaux et anti-nodaux s’alternent effectivement à très petite échelle dans les tissus urbains traditionnels, et continuent à le faire même lorsque ces tissus sont intégrés dans des plus vastes organismes urbains.

Ce qui est propre à l’organisation métropolitaine contemporaine est l’étendue spatiale des spécialisations socio-fonctionnelles attractives et répulsives, dans la mesure où des vastes secteurs peuvent actuellement jouer le rôle d’espace nodal, socialement valorisé, ou anti-nodal, et donc socialement dévalorisé. Les centres-villes gentrifiés et touristifiés, les technopôles, les centres des affaires, les tissus résidentiels haut-de-gamme, ont pour revers de la médaille les vastes sous-espaces dévalorisés de la production manufacturière, de la concentration des équipements techniques (traitement des eaux usés, des ordures ménagères, centres logistiques, échangeurs autoroutiers, etc.), des cités de logements sociaux, etc. Mais la valorisation/dévalorisation des sous-espaces précède et souvent accompagne la logique d’implantation des activités et des populations, et ensuite interagit

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avec les formes de l’organisation physique de la ville, qui peuvent à leur tour faciliter ou non le changement des usages et des représentations sociales.

Des mutations s’observent par ailleurs dans le type d’activités économiques qui deviennent prépondérantes au sein des agglomérations. L’activité manufacturière lourde et la grande logistique (ports commerciaux, aéroports) tendent à sortir des agglomérations et les métropoles contemporaines deviennent de plus en plus tertiarisées. La forte présence de l’industrie dans la ville semble avoir été une parenthèse dans l’histoire urbaine, surtout en Europe (J. Lévy 1999), liée au XIXe et au XXe siècle. La ville contemporaine retrouverait ainsi son rôle plurimillénaire de concentration d’activités commerciales et de production de services, même si dans un contexte marqué par la métropolisation (Meyronin 2003).

De cette rapide incursion dans la théorie sociale de l’urbain, nous retiendrons la pluralité et l’interaction des logiques socioéconomiques de l’espace urbain. Ce dernier n’est ni unidimensionnel (avec la logique économique des activités comandant la logique de l’habiter), ni purement bi-dimensionnel, avec deux logiques indépendantes pouvant donner naissance à toute combinaison possible. En effet l’espace urbain est valorisé et intériorisé par ses acteurs et devient le lieu de rencontre et d’opposition entre systèmes de valeurs différents.

L’étude des rencontres et des oppositions entre les acteurs sociaux porteurs de ces valeurs fait l’objet plus spécifiquement des recherches de la géographie sociale et culturelle de la ville. Quel en est alors l’intérêt dans mon agenda de recherche, qui souhaite approfondir le rôle de la spatialité dans la complexité urbaine, et qui ne pose pas le jeu des acteurs sociaux au centre de ses investigations ?

Dépasser l’aporie de la spatialisation de phénomènes a-spatiaux

Pour comprendre mon intérêt à cette question, nous devons aborder la seconde critique, tout aussi fondamentale, au fait de voir l’organisation spatiale de la ville comme une projection de principes d’organisation socioéconomique.

La science régionale et une certaine géographie quantitative ont parfois proposé un dangereux raccourci intellectuel en donnant l’impression d’étudier d’abord des processus socioéconomiques bien identifiés et de rechercher ensuite les modalités du déploiement de ces processus dans l’espace. L’espace serait ici conçu comme un espace support, abstrait, cartésien, où éventuellement se localiseraient d’autres phénomènes (topographiques, hydrographiques, culturels) et qui, au-delà de l’interaction avec ces autres phénomènes localisés, jouerait essentiellement un rôle de « porteur de distance » vis-à-vis des processus étudiés. J’ai déjà souligné comment il serait réducteur de la complexité spatiale de la ville que de réduire sa spatialité à une question de distance. Je souhaiterais maintenant montrer comment cette conception d’espace support neutre générateur de distance peut produire une véritable aporie scientifique dans l’étude du rapport entre spatialité de la ville et fonctionnements socioéconomiques.

Un des premiers géographes à avoir attaqué la conception naïve d’un espace absolu cartésien générateur de distance est D. Harvey, dans son Explanation in Geography (Harvey 1969), lorsqu’il était encore dans la mouvance quantitativiste. Harvey a ultérieurement développé sa critique dans son passage à la géographie radicale (Harvey 1973, 1985).

Dans la fondation de l’approche configurationnelle à la forme urbaine, Hillier et Hanson (1984) posent le problème de fond : l’économie, la sociologie et l’anthropologie conceptualisent des sujets a-spatiaux et ensuite posent le problème de leur relation avec l’organisation purement physique d’objets spatiaux. Ainsi faisant, elles dé-spatialisent la société et dé-socialisent l’espace. Cette mauvaise

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représentation du problème le rend insoluble car elle oublie la principale caractéristique de l’espace urbain, qui n’est pas un espace absolu, simple porteur de distance. Comme le souligne Morin, la réalité phénoménologique est celle d’un tout, d’une organisation socio-spatiale (ici celle de la ville) qui ne se laisse pas réduire aux seules relations sociales ni aux seuls rapports spatiaux. Hillier et Hanson identifient alors ce qui est propre à l’espace urbain : il canalise le mouvement de ses usagers et par là il crée des patterns de rencontre ou d’évitement. Structurant le processus, autrement aléatoire, du mouvement des habitants et des usagers de la ville, il facilite certaines opportunités de rencontre ou en rend plus difficiles d’autres, simplifiant par-là les opportunités de contrôle de ces rencontres. Ainsi faisant, l’espace urbain est déjà un phénomène social. Il participe à la dynamique sociale et est le produit de la dynamique sociale. Ses implications sur l’ensemble du fonctionnement socioéconomique de la ville seraient alors étroitement liées aux propriétés syntactiques des relations spatiales entre les éléments de forme. Créer un réseau d’avant-plan concentrant les espaces à plus forte centralité (locale et globale), interconnecté aux espaces interstitiels du réseau d’arrière-plan, moins perceptibles et accessibles, est déjà une structuration socioéconomique de l’espace. Cette structuration permet de catalyser des activités sensibles à la présence du mouvement (le commerce, les services) sur le réseau d’avant-plan, et des espace plus résidentiels, mais à portée piétonne de ces activités, sur celui d’arrière-plan.

L’espace urbain constitue ainsi une organisation sociale en soi ou, au moins, un des différents principes de l’organisation sociale au même titre, par exemple, que la division sociale du travail. On

réduirait considérablement son rôle si on le limitait, comme certains sémiologues de l’architecture le font, à une simple représentation de l’ordre social. Sans nier le rôle représentatif que certains choix stylistiques peuvent avoir dans l’architecture des bâtiments ou dans l’aménagement des espaces publics (Benevolo 1993, 2001), la spatialité propre à la ville, qu’elle soit le fruit d’un plan d’ensemble ou de l’auto-organisation cumulative de ses habitants, est porteuse en soi de finalités sociales qui participent à la définition même d’une société urbaine.

Une vision d’ensemble : caractéristiques des lieux et construction sociale de la ville

Comme tous les collectifs, les lieux qui composent la ville sont dotés d’attributs nouveaux qui ne sont pas directement mesurables dans les éléments qui les constituent. Je souhaiterais ainsi donner une vue d’ensemble des différentes propriétés qui peuvent caractériser un lieu donné au sein de la ville, croisant les regards de tous les auteurs que nous venons de considérer : des pères fondateurs de l’écologie urbaine à Hillier et Hanson, en passant par Roncayolo, Halbwachs, Merton, Harvey, etc.

Ces propriétés peuvent avoir trois origines différentes :

- D’abord, et c’est la lecture la plus évidente, il s’agit des caractéristiques des individus et des composantes physiques et fonctionnelles qui y sont présentes, je les appellerais ainsi

caractéristiques intrinsèques des lieux. Une fois que nous avons défini la granularité spatiale de

nos lieux, et donc un découpage opérationnel de l’analyse urbaine, il s’agit de caractériser la composition socio-professionnelle des habitants de chaque unité spatiale, le type de bâtiments présents, la présence/absence de certaines fonctions, etc. Facilement cartographiables et analysables (même si des procédures plus ou moins complexes de géostatistique peuvent être nécessaire pour établir la significativité de valeurs particulières) ces caractéristiques intrinsèques répondent au besoin de spatialisation de phénomènes conçus indépendamment de la spatialité urbaine. A ce stade de la description, ce qui est comptabilisé dans une unité spatiale ne l’est pas en fonction de ce qui existe dans les autres unités spatiales.

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- Ensuite, nous avons les caractéristiques découlant des rapports réciproques avec les autres sous-espaces, et cela à plusieurs échelles. Je les identifie comme étant des caractéristiques

extrinsèques des lieux, et j’y inclus les propriétés syntactiques de Hillier et Hanson. Il peut ainsi

s’agir d’une position géographique, d’un rôle d’interface, d’une propriété configurationnelle (syntactique) que ses éléments de forme ont au sein de l’espace urbain, d’une accessibilité relative, d’une relation inter-scalaire, etc. ; à l’échelle la plus menue, si les lieux sur lesquels nous portons notre attention (les unités spatiales) sont des segments de rues ou des bâtiments pris singulièrement, même les caractéristiques du tissu urbain dans lequel ils se situent deviennent une caractéristique extrinsèque, quand bien même les rapports réciproques ici pris en compte se limitent à leurs voisins les plus proches. Ces caractéristiques sont essentiellement géographiques, c’est-à-dire liées à la situation dans une organisation spatiale. Les opérations qui permettent de les évaluer ne sont pas la simple spatialisation de phénomènes a-spatiaux, mais des calculs relativement sophistiqués révélant ce qui émerge de la prise en compte d’un système complexe de relations spatiales.

- Finalement, nous avons les caractéristiques relevant des représentations sociales que les individus et les groupes se font des espaces. Il s’agit des caractéristiques intériorisées des lieux. L’approche se fait ici plus herméneutique, car il s’agit de comprendre la codification culturelle et sociale des lieux et de leurs caractéristiques objectives par un groupe humain, par le biais de comportements observés, un corpus de production culturelle, où alors par des enquêtes et des entretiens. La géographie théorique et quantitative a traditionnellement délaissé ces aspects, mais les avancées dans les méthodes de représentation et d’analyse ainsi que des ouvertures vers la géographie sociale et culturelle permettent d’ouvrir des pistes de recherche particulièrement prometteuses, comme le fut le travail de C. Cauvin (1984) sur la représentation sociale de l’espace