• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2. Cadre conceptuel et recherches empiriques

2.5 Recherches empiriques sur la lecture de livres d’histoire à voix haute en contexte

2.5.1 Relations entre les interactions et l’acquisition du vocabulaire

D’abord, Mol et al. (2008) ont mené une métaanalyse pour constater les effets de la lecture dialogique sur le développement du langage. Ils ont donc analysé 16 études faisant intervenir un groupe contrôle (lecture habituelle) et un groupe expérimental (lecture dialogique) dans lesquels les enfants étaient âgés de deux à six ans. Les résultats ont démontré que la lecture dialogique, qui impliquait de susciter la participation active de l’enfant14, favorisait bien le

développement du langage, notamment le vocabulaire productif, chez les jeunes enfants (deux à trois ans). Par contre, chez les enfants plus vieux (quatre et cinq ans) les effets n’étaient pas aussi marqués.

Les auteurs expliquent ces résultats par le fait que les enfants plus vieux ont besoin de moins de guidance de leurs parents pour comprendre et apprécier l’histoire. Ainsi, dépendamment de la façon dont les parents ont procédé pour les maintenir actifs au cours de la lecture, il se

13 Pour les recherches décrites dans cette section, nous avons conservé les termes utilisés par les auteurs pour

décrire les activités de lecture : lecture dialogique, conjointe, partagée, etc.

14 Dans leur analyse, Mol et al., (2008) n’ont retenu que les études dans lesquelles les parents ont été formée aux

principes de la lecture dialogique. Ils reprennent les propos de Whitehurst et al., (1988) pour décrire ce type de lecture qui, entre autres, comprend : « The use of evocative techniques by the parent that encourage the child to

pourrait que les enfants aient trouvé importunes les interactions initiées par leurs parents, ce qui expliquerait les résultats moins éloquents. Toutefois, les auteurs affirment que, dans les études analysées, il n’était pas précisé si les parents avaient ajusté leurs techniques à l’âge et au niveau de leurs enfants.

Ensuite, la recherche de Sénéchal et Cornell (1993) impliquant 160 enfants de quatre et cinq ans visait à mesurer les effets de quatre types de « dispositifs conversationnels » différents sur l’acquisition du vocabulaire réceptif et productif de dix mots de vocabulaire dans le cadre d’une seule séance de lecture conjointe15. Les enfants ont donc été assignés à un des quatre

patrons d’interactions, lesquels s’inséraient dans un continuum allant de la participation active à l’écoute passive : l’expérimentateur (1) posait à l’enfant des questions de type « quoi » ou « où » à propos des mots cibles afin de faire en sorte qu’il les produise; (2) lisait une phrase puis la répétait en changeant le mot cible par un synonyme connu de l’enfant; (3) répétait la phrase contenant le mot cible; (4) lisait simplement le texte original de l’histoire. Le livre utilisé présentait une structure répétitive, ce qui permettait d’introduire chaque mot cible de façon équitable. Les mots ciblés apparaissaient une seule fois dans l’histoire et étaient représentés par des illustrations colorées. Lors de la lecture, les expérimentateurs les pointaient, ce qui permettait d’attirer l’attention des enfants sur ceux-ci.

Avant la lecture, les participants ont été soumis à deux prétests de vocabulaire réceptif pour mesurer leur connaissance 1) des mots ciblés et 2) de leurs synonymes. La procédure des tests était semblable à celle du Peabody Picture Vocabulary Test Revised et elle faisait intervenir des images différentes de celles qui étaient retrouvées dans les livres16. Juste après la lecture,

les enfants ont passé trois posttests. Le premier visait à évaluer leur connaissance productive17

des mots de vocabulaire cibles, puis le deuxième servait à évaluer leur connaissance réceptive de ces mêmes mots. Les enfants ont également passé un troisième posttest différé mesurant le vocabulaire réceptif une semaine après la lecture. Les résultats ont démontré que la lecture

15 Nous avons repris et traduit le terme utilisé par les auteurs : joint book reading.

16 De cette façon, les chercheurs pouvaient constater, au posttest, si les enfants avaient bien acquis les concepts

représentés par les images du livre. Les images utilisées pour le test ont été tirées du Pictures please : A

language Supplement (Abbate et Lachapelle, 1979).

unique d’un livre d’histoire était suffisante pour faire croitre le vocabulaire réceptif des enfants, mais pas le vocabulaire productif. De plus, la participation active n’a pas été plus efficace que l’écoute passive pour l’acquisition du vocabulaire réceptif et, en ce qui concerne le vocabulaire productif, les enfants n’ont pas produit assez de mots cibles au posttest pour que les auteurs puissent tirer des conclusions.

Poursuivant ces travaux, Sénéchal et al. (1995) ont réalisé deux expérimentations dont les paramètres étaient similaires à celle que nous venons de décrire : il y avait 13 mots cibles illustrés dans le livre et pointés par l’expérimentateur pendant la lecture; la structure de l’histoire fournissait des indices sémantiques et syntaxiques sur la signification des mots cibles qui n’apparaissaient qu’une seule fois dans l’histoire et les enfants ont été prétestés (de la même façon que dans l’étude précédente) pour le vocabulaire réceptif et posttestés pour le vocabulaire réceptif et productif juste après la lecture et une semaine plus tard. Par ailleurs, le même livre a été lu à deux reprises puisque les chercheurs savaient dès lors qu’une seule lecture n’était pas efficace pour l’acquisition du vocabulaire productif.

Dans la première expérimentation, 32 enfants de quatre ans ont été assignés à deux patrons d’interactions différents : (1) écoute passive; et (2) l’expérimentateur posait des questions de type « quoi » ou « où » à propos des mots cibles afin d’attirer l’attention de l’enfant sur ceux- ci et faire en sorte qu’il les produise. Il est à noter que dans chacun des groupes expérimentaux, l’expérimentateur pointait les illustrations correspondant aux mots cibles chaque fois qu’il produisait ces derniers. Les résultats ont démontré que les enfants du groupe actif (2) ont obtenu des scores significativement plus élevés aux posttests de vocabulaire réceptif et productif, autant immédiats que différés. Il semblerait donc que le fait d’avoir eu à produire les mots cibles a favorisé leur acquisition. Néanmoins, les enfants du groupe actif ont aussi eu l’occasion d’entendre les mots cibles à plus d’une reprise, c’est pourquoi Sénéchal et ses collaborateurs ont voulu vérifier les effets de cette condition sur le développement du vocabulaire grâce à une deuxième expérimentation dans laquelle tous les enfants allaient entendre au moins à deux reprises les mots cibles.

Lors de la deuxième expérimentation, 48 enfants de quatre ans ont été répartis en trois groupes : l’expérimentateur (1) répétait chaque phrase dans laquelle il y avait un mot cible; (2) posait une question qui faisait en sorte que l’enfant devait pointer l’image représentant le mot cible; (3) posait des questions de type « quoi » ou « où » à propos des mots cibles afin d’attirer l’attention de l’enfant sur ceux-ci et faire en sorte qu’il les répète. Les résultats ont été similaires à ceux de la première expérimentation : les enfants des groupes actifs (2-3) ont obtenu des scores significativement plus élevés aux posttests de vocabulaire réceptif et productif, autant immédiats que différés. De plus, lorsque l’enfant avait la chance de répéter le mot cible pendant la lecture, la probabilité qu’il le produise correctement au posttest était plus grande.

Ce que l’on peut retenir de ces recherches

En somme, ces études permettent de mettre en lumière différentes variables favorisant l’acquisition du vocabulaire : le degré d’activité de l’enfant et la lecture répétée.

D’abord, il semblerait que le degré d’activité de l’enfant exerce une influence sur l’acquisition du vocabulaire productif, mais qu’il ait moins d’impact sur l’acquisition du vocabulaire réceptif. En effet, tout d’abord, Sénéchal et Cornell (1993) ont trouvé que la simple lecture, sans sollicitation de l’enfant, était suffisante pour favoriser l’acquisition du vocabulaire réceptif. Dans un autre ordre d’idées, dans l’étude de Sénéchal et al. (1995), ce sont les enfants qui étaient le plus actif lors des lectures qui ont acquis le plus de vocabulaire productif (et réceptif). En effet, les enfants qui ont dû répéter les mots ou pointer l’image leur correspondant ont acquis plus de vocabulaire productif et réceptif que les enfants qui se sont seulement fait lire l’histoire et répété les mots par l’expérimentateur. L’étude de Mol et al. (2008) va dans le même sens. En effet, dans cette dernière, la lecture dialogique, qui entend nécessairement la participation active de l’enfant, a favorisé le développement du vocabulaire productif chez les jeunes enfants (deux et trois ans) et chez les enfants plus vieux (quatre, cinq ans), quoique de façon moins marquée chez ces derniers.

Ensuite, si l’on revient à l’étude de Sénéchal et al. (1995), les chercheuses ont trouvé qu’une seule séance de lecture, sans sollicitation de l’enfant, était suffisante pour favoriser

l’acquisition du vocabulaire réceptif, mais pas le vocabulaire productif. Ainsi, d’après les résultats de cette étude, le fait de répéter la lecture au moins deux fois serait susceptible de favoriser l’acquisition du vocabulaire productif.

2.5.2 Interactions à propos du vocabulaire naturellement générées par les