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Chapitre 2. Cadre conceptuel et recherches empiriques

2.3 La lecture à voix haute et le développement du vocabulaire

Comme nous l’avons vu, la lecture à voix haute de livres d’histoire aux enfants est un excellent moyen de favoriser le développement du vocabulaire. Bien que la majorité des études portant sur le développement du vocabulaire par l’entremise de cette activité de lecture se soient penchées sur des enfants dont la LM était aussi la langue de scolarisation (Mol et al., 2008; Sénéchal et al., 1995; Sénéchal et Cornell, 1993), cette pratique apparait aussi efficace pour favoriser le développement du vocabulaire en LS (Ariaz, 2010; Lugo-Neris et al., 2010; Roberts, 2008; Collins, 2004). Avant de voir plus en détail ces recherches, il est important de préciser d’abord de quelle façon se développe le vocabulaire chez les enfants monolingues et bi/plurilingues.

2.3.1 Le développement du vocabulaire

Tréville et Duquette (1996) différencient lexique et vocabulaire. En effet, elles expliquent que le lexique d’une langue correspond à ce qui est retrouvé dans un dictionnaire. Quant au vocabulaire, il est une partie du lexique « qui est représentée dans la parole réalisée (matériaux écrits ou oraux) et qui appartient à un ensemble de locuteurs » (p.12). Ces auteures définissent le vocabulaire comme étant « composé de toutes les unités sémantiques, graphiquement simples et composées, et locutions indécomposables qui s’actualisent dans le discours et que l’on appelle “vocables” ou plus communément “mots”. » Polguère (2008) utilise quant à lui le terme lexie pour ce que Tréville et Duquette (1996) appellent « vocables » ou « mots ». Ce dernier différencie vocabulaire d’un texte et vocabulaire d’un individu : alors que « le vocabulaire d’un texte [qui peut être écrit ou oral et impliquer un ou des locuteurs] est l’ensemble des lexies12 utilisées dans ce texte », « le vocabulaire d’un individu est le sous-

ensemble du lexique d’une langue donnée contenant les lexies de cette langue que maitrise l’individu en question » (p.93).

Lehr, Osborn et Hierbert (2004) expliquent que les mots peuvent prendre la forme orale ou écrite. Le vocabulaire oral concerne, quant à lui, les mots reconnus et utilisés lors de l’écoute

12 Polguère explique qu’une lexie (ou unité lexicale) peut prendre la forme d’un lexème ou d’une locution et que

ou du discours tandis que le vocabulaire écrit correspond aux mots reconnus et utilisés lors de la lecture ou de l’écriture. Les deux formes sont importantes dans le processus d’apprentissage de la lecture : le vocabulaire oral permet de faire la transition de l’oral à l’écrit tandis que le vocabulaire écrit est nécessaire pour que le lecteur comprenne ce qu’il lit (National Reading Panel [NRP], 2000).

La connaissance d’un mot se situe sur un continuum allant de la connaissance réceptive à la connaissance productive (Tréville et Duquette, 1996). Le vocabulaire réceptif (ou passif) se définit par la reconnaissance d’un mot, à l’oral ou à l’écrit, et l’extraction de son sens. Ainsi, même si un individu rencontre, dans un contexte oral ou écrit, un mot dont il ne connait pas la signification complète, il peut être en mesure de lui attribuer un sens. Ce mot fait donc aussi partie de son vocabulaire réceptif. Quant au vocabulaire productif (ou actif), il se traduit par la capacité de produire un mot dans différents contextes. Un individu qui est en mesure d’exprimer un sens, à l’oral ou à l’écrit, en produisant la forme correcte du mot démontre que ce mot fait partie de son vocabulaire productif (Lehr et al., 2004). En somme, l’apprentissage du vocabulaire d’une langue, « consiste à entreposer, dans la mémoire, des mots (avec leurs règles d’emploi et les ramifications qui les relient à d’autres mots), de telle sorte qu’ils puissent être extraits, en moins d’une fraction de seconde (…) » (Tréville et Duquette, 1996, p. 53).

L’acquisition du vocabulaire peut se produire de différentes façons. D’une part, il peut être acquis à la suite d’un enseignement explicite, de la part d’un enseignant par exemple. D’autre part, l’acquisition du vocabulaire peut se produire d’une façon dite incidente. En effet, une bonne partie du vocabulaire s’acquiert d’une manière fortuite grâce aux interactions avec l’environnement oral ou grâce à la lecture (Lehr et al., 2004; NRP, 2000; Meyer et al., 1994), et cela, autant en contexte monolingue que bi/plurilingue.

2.3.2 Le développement du vocabulaire en milieu bi/plurilingue

Le Report of the National Literacy Panel for Language Minority Children and Youth (August et Shanahan, 2006), mené aux États-Unis, rapporte que les enfants issus de l’immigration et apprenant l’anglais possèdent un moins grand vocabulaire en anglais que leurs pairs locuteurs

natifs de l’anglais. Peña et Halle (2011) ainsi que Peña et al. (2002), s’appuyant sur des études observant le développement du vocabulaire chez les enfants bilingues, expliquent cette différence par le fait que les enfants dont la LM n’est pas la langue de scolarisation ont des expériences langagières et des représentations conceptuelles différentes dans chacune de leurs langues. De plus, à un jeune âge, ces représentations peuvent être instables, car elles sont en transition. Ainsi, ces enfants sont plus susceptibles de posséder un vocabulaire ainsi que des représentations conceptuelles scolaires dans la langue de scolarisation et d’autres types de mots et de concepts dans leur LM. Par ailleurs, il semble justifié que ces enfants possèdent moins de mots de vocabulaire dans la langue de scolarisation puisqu’ils n’ont pas une exposition à l’anglais comparable à leurs pairs dont la LM est également la langue de scolarisation.

Il est important de mentionner que lorsque les enfants bilingues acquièrent un concept dans une de leurs langues, ils n’ont pas besoin de réapprendre ce concept dans une autre langue. En effet, selon la théorie de l’interdépendance des langues (Cummins, 1979), sur laquelle nous reviendrons plus en détail, les enfants peuvent transférer leurs acquis langagiers d’une langue à l’autre, notamment en ce qui a trait au vocabulaire (Lugo-Neris et al., 2010; Cummins, 2001). Ainsi, en se basant sur les connaissances conceptuelles acquises dans une de leurs langues, les enfants bilingues associent à un concept déjà connu une nouvelle étiquette dans une autre langue. Toutefois, des conditions sont nécessaires pour que les enfants puissent effectuer ces transferts d’une langue à l’autre. D’une part, ceux-ci doivent se sentir autorisés à le faire et, d’autre part, ils doivent avoir acquis un certain niveau de compétence dans chacune de leurs langues, ce que nous expliquons plus en détail dans la section suivante.

2.4 L’importance de soutenir le développement des différentes langues des enfants