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CHAPITRE II : Recension des écrits

2.2. Effets de la violence sexuelle sur la santé des victimes

2.2.2. Exposition à la violence sexuelle et la santé reproductive

2.2.2.7. Relation entre la violence sexuelle et les issues négatives de grossesse

L’exposition à la violence sexuelle peut commencer avec la grossesse ou tout simplement prendre de l’ampleur pendant cette période. Dans les deux cas, elle augmenterait de deux (2) fois le risque d’avoir une fausse couche/avortement spontané (Heise, Pitanguy et al. 1994, Garcia-Moreno, Heise et al. 2005, Born, Soares et al. 2006, Johri, Morales et al. 2011). Cependant, de tous les pays concernés par l’enquête multi-pays de l’OMS, l’association entre la violence sexuelle et les fausses couches est moins évidente dans les pays de l’Afrique subsaharienne (Garcia-Moreno, Heise et al. 2005). Par ailleurs, dans une étude effectuée au Swaziland, les femmes qui ont vécu des agressions sexuelles ont 3.5 fois plus de probabilité de souffrir de complications de grossesse ou de faire des fausses couches (Reza, Breiding et al. 2009). En Tanzanie, les résultats d’une autre étude suggèrent que les femmes exposées à la

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violence sexuelle conjugale ont deux (2) fois plus de probabilité de faire une fausse couche (Stockl, Filippi et al. 2012).

En dehors des fausses couches, l’exposition à la violence sexuelle influence les comportements des victimes en termes d’interruption de grossesse. En 1987, on estimait qu’entre 26 et 31 millions d’avortements légaux ont été conduits contre 10 à 22 millions d’avortements clandestins (Henshaw 1990). Il a été démontré que les femmes victimes de violence domestique ont plus tendance à ne pas déclarer leur grossesse à leur partenaire (Glander, Moore et al. 1998), et à pratiquer un avortement (Evins and Chescheir 1996, Glander, Moore et al. 1998, Roth, Sheeder et al. 2011, Stockl, Filippi et al. 2012). Le nombre de fois que les femmes ont eu recours à l’avortement est également significativement plus élevé chez celles qui sont victimes d’abus comparées à celles qui ne le sont pas (Wu, Guo et al. 2005). Par ailleurs, selon les résultats d’une étude effectuée dans un groupe d’adolescentes et d’adultes, les femmes qui choisissent de terminer leur grossesse comparées à celles qui décident de la mener à terme ont trois (3) fois plus de probabilité de rapporter avoir subi de la violence sexuelle conjugale (Bourassa and Berube 2007).

En termes d’issues négatives de grossesse, une revue systématique de littérature a conclu que les femmes qui sont exposées aux différentes formes de violence conjugale ont plus de probabilité d’avoir un enfant de petit poids – OR=1.53, 95% IC [1.28;1.82] – et d’accoucher prématurément – OR=1.46, 95% IC [1.27;1.67] – (Shah, Shah et al. 2010). Deux autres revues de littérature ont trouvé un effet de la violence conjugale sur le petit poids de naissance – OR=1.4, 95% IC [1.1;1.8] – (Murphy, Schei et al. 2001), la prématurité (Sarkar 2008) et la

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mortalité néonatale (Sarkar 2008). Par ailleurs, l’abus sexuel pendant la grossesse peut favoriser l’adoption de comportements à risque pour la mère et le fœtus dont la consommation de drogues et substances illicites, le tabagisme et l’alcoolisme (Lent, Morris et al. 2000). Les femmes abusées pendant leur grossesse ont également plus tendance à se présenter tardivement aux consultations prénatales (McFarlane, Parker et al. 1996, Taggart and Mattson 1996, Lent, Morris et al. 2000) ou à ne pas les solliciter du tout (Garcia-Moreno, Heise et al. 2005); ce qui les rend également plus à risque d’issues négatives de grossesse.

Aucune étude n’a pu être retrouvée sur les effets de la VSLC sur les fausses couches, l’avortement induit ou encore les complications de grossesse. Cependant, quelques récits de femmes victimes de VSLC font état de fausses couches causées par les viols en bande (Longombe, Claude et al. 2008).

Il est apparu important de dresser l’éventail des effets de la violence sexuelle sur l’ensemble des aspects santé reproductive même si certains n’ont pas été étudiés dans cette thèse et ce, pour donner une vue d’ensemble des conséquences négatives du problème à l’étude. L’étude des effets de la violence sexuelle sur la santé a été restreinte aux variables grossesses non désirées, comportement de santé (avortement provoqué), fistule, DPC, fonctionnement sexuel (désir de rapport sexuel), désir d’enfant et issues négatives de grossesse (fausses couches). Le choix de ces variables a été motivé d’abord par la difficulté à mesurer de manière valide les variables comme le petit poids de naissance, les IST et l’infertilité sans un accès à un dossier médical des femmes, une chose impossible en raison du contexte de conflit dans lequel les données ont été collectées. De plus, même si la RDC n’était pas en conflit au moment de la

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collecte de données, comme dans la plupart des pays africains, la majorité des patientes n’ont pas un dossier médical bien tenu et accessible comme dans les pays développés. Par ailleurs, le montant de la subvention qui a été obtenue pour la collecte de données ne permettait pas d’évaluer l’ensemble des variables présentées dans cette section. Pour finir, dans le milieu où la recherche a été effectuée, les concepts tels que l’orgasme et la satisfaction sexuelle auraient été difficiles à contextualiser et donc à mesurer. De plus, pour mesurer la satisfaction sexuelle, il aurait fallu adapter le questionnaire mis au point dans les pays développés et les ressources pour le faire n’étaient pas disponibles.

En plus de causer des troubles de santé reproductive chez les victimes, la violence sexuelle affecte leur état de santé mentale. Dans la section qui suit nous présenterons l’état des connaissances en ce qui concerne l’association entre la violence sexuelle et la santé mentale.

2.2.3. Exposition à la violence sexuelle et la santé mentale

Au même titre que les autres formes d’agression et de traumatisme, la violence sexuelle a de sérieux impacts sur la santé mentale des victimes. Par contre, ses effets sur la santé mentale sont particuliers et peuvent persister plus longtemps tout simplement parce que la violence sexuelle constitue une invasion de l’espace le plus intime de la personne (Thomas 2007). Dans cette revue nous présenterons l’état de la littérature sur la relation entre la violence sexuelle et deux problèmes de santé mentale : le stress posttraumatique (PTSD) et les troubles mentaux courants dans la population (dépression, anxiété, etc.).

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