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CHAPITRE II : Recension des écrits

2.2. Effets de la violence sexuelle sur la santé des victimes

2.2.2. Exposition à la violence sexuelle et la santé reproductive

2.2.2.3. Relation entre violence sexuelle et fistule

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Les fistules sont des communications anormales entre le vagin et le tractus urinaire (fistule vésico-vaginale) ou entre le vagin et le rectum (fistule recto-vaginale) ou les deux. Elles résultent en une fuite incontrôlable d’urine et/ou de fèces par le vagin (Kabir, Iliyasu et al. 2003, Hinrichsen 2006, Wall 2006). On distingue deux catégories de fistules : obstétricales et traumatiques. Les fistules obstétricales peuvent être le résultat d’un travail avec obstruction prolongée résultant d’un accouchement mal assisté, d’un traumatisme durant un accouchement par césarienne, d’une maladie maligne, d’une blessure chirurgicale (au cours d’une hystérectomie par exemple), ou d’une nécrose causée par le traitement d’un carcinome cervical (Kabir, Iliyasu et al. 2003, Hinrichsen 2006, Wall 2006). Cependant, l’accouchement mal assisté représente la principale cause à l’origine de fistules obstétricales. Une fistule est qualifiée de traumatique lorsqu’elle provient d’une lacération, d’un viol ou encore d’un traumatisme sexuel (Hinrichsen 2006).

Les fistules sont très rares dans les pays développés. Par contre, elles restent une condition résultant couramment de l’accouchement dans les pays en développement (Wall 2006). On estime dans les pays en développement, qu’au moins 3 millions de femmes souffrent de fistules vésico-vaginales et que 30 000 à 130 000 nouveaux cas apparaissent chaque année en Afrique seulement (Wall 2006); les filles qui accouchent à un jeune âge étant les plus à risque (Kabir, Iliyasu et al. 2003, Hinrichsen 2006, Melah, Massa et al. 2007). Les autres facteurs sociodémographiques associés incluent : la taille de la femme (petite), l’analphabétisme, le niveau socioéconomique (bas), l’absence de revenu et l’éloignement par rapport aux structures sanitaires (Melah, Massa et al. 2007).

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Même si la littérature décrit la possibilité d’avoir des fistules dites traumatiques, la relation entre les agressions sexuelles et l’apparition de fistule est encore questionnée puisqu’elles sont encore principalement définies comme une conséquence d’un travail prolongé avec obstruction. La majorité de la littérature trouvée sur le sujet concerne la relation entre la VSLC et les fistules.

En ce qui concerne la relation entre VSNLC et fistule, une étude de cas en Nouvelle Zélande fait état d’un cas de fistule vésico-vaginale résultant d’une agression sexuelle impliquant l’utilisation d’un objet (Carey, Healy et al. 2010). Par ailleurs une étude multi-pays basée sur les données d’EDS du Malawi (2004), du Rwanda (2005), de l’Ouganda (2006) et de l’Éthiopie (2005) a évalué l’effet de la violence sexuelle sur l’incontinence (utilisée comme proxy de la fistule). En fonction des pays, les femmes qui ont subi des violences sexuelles ont entre 1.7 et 3.8 fois plus de probabilité de rapporter un problème d’incontinence que les autres; augmentations statistiquement significatives (Peterman and Johnson 2009).

En ce qui concerne les effets de la VSLC sur les fistules, trois (3) publications originales ont été identifiées. La première conduite par Doctor On Call for Service/Heal Africa à Goma (Nord-Kivu, RDC) sur un échantillon de 4715 filles et femmes qui ont subi des agressions sexuelles entre avril 2003 et juin 2006 a trouvé une prévalence de fistule de 14.9% (Longombe, Claude et al. 2008). Une étude similaire effectuée dans l’hôpital de Panzi (Sud- Kivu, RDC) rapporte une prévalence de fistule similaire (16.3%) parmi les victimes de VSLC entre 1999 et 2006 (Mukwege and Nangini 2009). La troisième étude identifiée (Onsrud, Sjøveian et al. 2008) a été également effectuée dans l’hôpital de Panzi cette fois-ci parmi les

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femmes qui ont été traitées pour une fistule entre novembre 2005 et 2007. Les résultats montrent que seulement 4% des fistules ont été causées par une exposition à la VSLC. De plus, la majorité de ces cas de fistule serait plutôt une conséquence indirecte de cet acte (mauvaise prise en charge d’un avortement provoqué par la VSLC, travail prolongé avec obstruction après avoir subi la VSLC) et seulement 0.8% des cas de fistule seraient directement liés à la pénétration forcée avec des objets ou encore au viol collectif (Onsrud, Sjøveian et al. 2008). Les auteurs concluent en disant que les fistules traumatiques sont rares et donc qu’il est peu probable qu’une relation existe entre la VSLC et cette condition.

c. Conséquences médicosociales de la fistule

L’ampleur du phénomène ainsi que ses lourdes conséquences tant au niveau médical que social ont poussé les différentes organisations internationales (incluant l’UNFPA, l’OMS et l’ONU) à déclarer la fistule comme un problème de santé publique (Wall 2006, UN 2012).

Au niveau médical, une fistule non traitée peut entraîner plusieurs problèmes de santé incluant la dermatite vulvaire, l’infertilité, la dyspareunie, l’aménorrhée, les infections du tractus urinaire à répétition et les dysménorrhées (Kabir, Iliyasu et al. 2003, Wall 2006). Elle peut également entraîner une sténose rectale, une incapacité du sphincter anal et une irritation chronique de la peau des parties génitales (Wall 2006).

Socialement, l’impact de la fistule est tout aussi lourd. Les femmes qui souffrent de cette condition sont accusées d’avoir apporté la honte et le déshonneur sur elles-mêmes et sur leurs familles; par conséquent elles sont exclues (Kabir, Iliyasu et al. 2003, Wall 2006, Ahmed and

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Holtz 2007, Roush 2009). Selon une étude effectuée au Nigeria auprès des femmes souffrant de fistule, seulement 18% de la population est indifférente à leur condition contre respectivement 53% et 28% qui les rejettent ou expriment de la sympathie envers elles (Kabir, Iliyasu et al. 2003). La plupart sont répudiées par leurs maris et celles qui ne le sont pas perdent quand-même toute forme de soutien de leur part (Kabir, Iliyasu et al. 2003, Wall 2006). Selon une autre étude conduite à l’échelle de l’Afrique, immédiatement après la survenue de la fistule, 14% des femmes étaient répudiées et 42% autorisées à rester au foyer (Ahmed and Holtz 2007). Par contre, lorsque la condition persiste, seulement 11% étaient autorisées à rester au domicile conjugal (Ahmed and Holtz 2007). À cause de l’exclusion, les femmes qui souffrent d’une fistule ne peuvent souvent pas exercer une activité économique (Kabir, Iliyasu et al. 2003, Roush 2009); ce qui les rend encore plus vulnérables.

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