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La relation de l’État aux utilités qu’un logement social est à même d’offrir repose sur la maîtrise étatique du service public dont le logement social est l’objet, mais maîtriser n’est

Dans le document Propriété publique et logement social (Page 38-55)

II. – Déploiement de la problématique

20. La relation de l’État aux utilités qu’un logement social est à même d’offrir repose sur la maîtrise étatique du service public dont le logement social est l’objet, mais maîtriser n’est

18. Questions particulières de recherche. – De ces trois types de rapport – de voisinage,

de disponibilité et enfin de consubstantialité –, seuls les deux derniers sont pertinents dans le cadre de cette étude, c’est-à-dire en cas de mobilisation d’une chose publique en vue de produire et gérer du logement social ou en cas d’exercice par une personne publique du droit de propriété sur une habitation locative affectée à ce service public. Ils donnent à s’interroger, respectivement, sur l’utilisation des choses publiques comme moyen de l’action des personnes publiques pour remplir leurs missions sur le marché du logement (dimension matérielle de la propriété publique), et sur la manière dont le régime du service public du logement social se superpose au droit de propriété public (dimension formelle). Par exemple, un logement social peut-il être, voire doit-il appartenir à une personne publique ? Si le logement social appartient à une personne publique, relève-t-il du domaine public ou privé ? Dans quelle mesure les principes d’incessibilité à un prix en dessous de la valeur de marché ou d’insaisissabilité trouvent-ils à s’appliquer ? À l’inverse, si le logement social appartient à une personne privée, est-il soumis à des règles de droit public ? Si oui, lesquelles et pourquoi ?

19. Formulation de la problématique. – De ces interrogations se dégage la colonne

vertébrale de la problématique de l’étude : quelle place est accordée à la propriété publique dans la production et la gestion de logements sociaux, ou encore dans quelle mesure le logement social informe-t-il sur la propriété publique, et inversement ? Pour répondre à cette problématique et en assurer le déploiement, il convient de présenter la thèse soutenue.

II. – Déploiement de la problématique

20. La relation de l’État aux utilités qu’un logement social est à même d’offrir repose sur la maîtrise étatique du service public dont le logement social est l’objet, mais maîtriser n’est pas gérer. L’État investit immanquablement à cet effet un opérateur, nommé dans le cadre de

133 CCH, art. L. 421-1, al. 1er.

cette étude bailleur de logement social, chargé de produire ou seulement de gérer l’habitation locative affectée à ce service public. Puis, par la détermination du régime juridique applicable, l’État fonde et régit les conditions d’exercice des droits portant sur cette habitation locative, le droit réel du bailleur, gestionnaire du service public, et le droit personnel de jouissance du locataire, usager du service public. Compte tenu de cette organisation, l’État n’exerce en aucun cas activement un droit réel sur une habitation locative affectée au service public du logement social, il est a minima titulaire d’un droit personnel sur le bailleur.

Si les choses appartenant à l’État ne sauraient ainsi entretenir un rapport de consubstantialité avec un logement social, elles peuvent néanmoins entretenir un rapport de disponibilité en vue de donner les moyens au bailleur de logement social de remplir la mission de service public qui lui est dévolue. Topiquement, la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative, en particulier, à la mobilisation du foncier public en faveur du logement134

a favorisé les conditions de mise à disposition avec décote de terrains, bâtis ou non, appartenant à l’État135

et à certains de ses établissements136

et sociétés137

publics en vue de la réalisation de programmes comportant essentiellement des logements dont une partie au moins est réalisée en logement social. La décote est de droit, notamment lorsque le bénéficiaire de la mise à disposition, par voie de cession138

ou de bail réel139

, est un bailleur de logement social.

134 Loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social : JORF, n° 0016, 19 janv. 2013, p. 1321, texte n° 1. Cf. pour un commentaire, RDI 2013, p. 292, note R. NOGUELLOU ; spécialement sur la cession avec décote,

Contrats – Marchés publ. 2013, comm. 58, note G. CLAMOUR ; AJDA 2013, p. 616, note N. FOULQUIER et J.-Ph. BROUANT ; JCP A 2013, 2082, note F. ZITOUNI.

135 CGPPP, art. L. 3211-7.

136 CGPPP, art. L. 3211-13-1, I, al. 1er. Cf. Décret n° 2013-937 du 1er octobre 2013 établissant la liste des établissements publics de l’État mentionnée à l’article L. 3211-13-1 du code général de la propriété des personnes publiques : JORF, n° 0245, 20 oct. 2013, p. 17272, texte n° 13 ; Décret n° 2014-1743 du 30 décembre 2014 relatif à l’élargissement de la liste des établissements publics de l’État mentionnée à l’article L. 3211-13-1 du code général de la propriété des personnes publiques aux établissements publics de santé :

JORF, n° 0302, 31 déc. 2014, p. 23576, texte n° 165.

137 CGPPP, art. L. 3211-13-1, I, al. 1er : la SOVAFIM et ses filiales, sociétés mentionnées au premier alinéa du I de l’article 141 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006, ainsi que Foncier solidaire, société mentionnée au deuxième alinéa du I de l’article 141 de ladite loi et créée par l’article 50 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain (JORF, n° 0051, 1er mars 2017, texte n° 2).

138 CGPPP, art. L. 3211-7, II.

139 L., n° 2009-179, 17 févr. 2009, art. 7, I, al. 3 [par renvoi], étant précisé que ni la SOVAFIM et ses filiales ni Foncier solidaire ne satisfont le critère personnel justifiant la passation de baux réels immobiliers administratifs (L., n° 2009-179, 17 févr. 2009, art. 7, I, al. 1er : « bien immobilier appartenant à l’État ou à ses établissements

Certes, cette forme de mobilisation du foncier public ne permet pas d’identifier l’éventuel droit dont l’État est titulaire sur toute habitation locative affectée au service public du logement social – la mobilisation d’un foncier intervient en amont de la réalisation d’une opération de logement social et, surtout, une opération de logement social peut se réaliser sur du foncier ne provenant pas de l’État, autrement dit du foncier public local ou bien du foncier privé – ; néanmoins, l’acception de l’expression « foncier public » ici retenue – des terrains appartenant à l’État, à certains établissements publics de l’État ainsi qu’aux sociétés mentionnées à l’article 141 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006, c’est-à-dire à la société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM), société dédiée à la valorisation d’actifs immobiliers en provenance de la sphère publique et dont l’État est l’unique actionnaire, et ses filiales ou encore à Foncier solidaire, société détenue directement par la Caisse des dépôts et consignations et directement ou indirectement par l’État – offre une perspective nouvelle.

En effet, l’expression « foncier public » désigne, au sens de cette loi, des terrains, bâtis ou non, appartenant à des personnes publiques ou à des personnes privées contrôlées par une personne publique. Saisir cette perspective nouvelle est d’autant plus intéressant lorsque d’aucuns s’interrogent sur l’éventuelle négation, en raison précisément de la maîtrise étatique du service public, du droit de propriété des organismes d’habitations à loyer modéré sur leurs habitations locatives affectées au service public du logement social140. Le champ personnel de cette éventuelle négation d’un droit de propriété sur un logement social doit, au surplus, être étendu à tout bailleur de logement social puisque l’État est titulaire d’un droit personnel sur chacun d’eux, ce lien de droit se différenciant selon la modalité de leur autorisation à intervenir sur le segment social du marché du logement.

Chacune de ces considérations converge pour suggérer l’intérêt de l’étude entreprise (A), avec comme objectif immédiat la clarification des droits et obligations en lien (rapport de

disponibilité) ou portant (rapport de consubstantialité) sur une habitation locative affectée au

service public du logement social, et comme objectif médiat une approche renouvelée de la conception de la propriété (publique). Malgré les nombreuses thèses abordant les thèmes de la

140 J.-Ph. BROUANT, « Les organismes d’HLM sont-ils propriétaires de leur patrimoine locatif ? », in Mélanges

propriété publique141

et du logement social142

, des questions restent en suspens pour relever l’existence, ou non, du droit dont l’État serait titulaire sur l’objet du service public dont il a la maîtrise, le logement social, et dans l’affirmative, la nature et les caractères de ce droit. Dès lors, une méthode a été retenue afin de dégager l’hypothèse de recherche (B) qui a présidé à l’élaboration de la thèse soutenue (C).

A. – L’intérêt de l’étude

21. En cas de rapport de disponibilité. – Du foncier, public comme privé, peut être

mobilisé en vue de la réalisation d’une opération de logement social. En sa singularité, l’expression « foncier public » au sens de la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 contrevient à l’approche purement personnelle de la propriété retenue d’ordinaire en droit privé, comme en droit public. Selon cette approche, un foncier est privé en raison de la nature privée de la personne qui exerce le droit de propriété sur ce foncier, et il est inversement public lorsque le propriétaire de ce foncier est une personne publique. Par exemple, les personnes relevant du champ d’application du code général de la propriété des personnes publiques sont, en principe exclusivement, les personnes publiques dites « classiques » – l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que les établissements publics143

–, et les autres personnes publiques, dites « sui generis »144

. En somme, en cas d’alignement du champ

141 Cf. récemment, V. INSERGUET-BRISSET, Propriété publique et environnement, av. prop. J. MORAND -DEVILLER et G. MARTIN, préf. M. PRIEUR, Paris, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit de l’urbanisme et de l’environnement », t. 1, 1994 ; Ph. YOLKA, La propriété publique. Éléments pour une théorie, préf. Y. GAUDEMET, Paris, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit public », t. 191, 1997 ; H. MOYSAN, Le droit de

propriété des personnes publiques, préf. D. TRUCHET, Paris, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit public », t. 219, 2001 ; B. GARIDOU, Recherche sur la théorie de la propriété publique en droit administratif français, thèse dactyl., Toulouse I, 2003 ; C. CHAMARD-HEIM, La distinction des biens publics et des biens privés. Contribution

à la définition de la notion de biens publics, Paris, Dalloz, Nouvelle bibliothèque de thèse, vol. 33, 2004 ;

C. MALWE, La propriété publique incorporelle : au carrefour du droit administratif des biens et du droit public

économique, thèse dactyl., Nantes, 2008 ; N. BETTIO, La circulation des biens entre personnes publiques, préf. Ch. LAVIALLE, Paris, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit public », t. 265, 2011 ; J.-F. GIACUZZO, La gestion des

propriétés publiques en droit français, préf. F. FRAYSSE, Paris, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit public », t. 283, 2014 ; Ch. ROUX, Propriété publique et droit de l’Union européenne, préf. S. CAUDAL, Paris, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit public », t. 290, 2015 ; B. SCHMALTZ,Les personnes publiques propriétaires, préf.

J.-F. SESTIER, Paris, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque de thèse », vol. 160, 2016

142 Cf. récemment, P. QUILICHINI, Logement social et décentralisation, préf. H. JACQUOT, av.-prop. M. CARRAZ, Paris, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit public », t. 213, 2001 ; L. JEGOUZO, Établissement public et logement

social, préf. L. RICHER, av.-prop. M. CARRAZ, Paris, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit public », t. 225, 2002 ; R. GRAËFFLY, Le logement social. Étude comparée de l’intervention publique en France et en Europe

occidentale, préf. J. CHEVALLIER, Paris, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit public », t. 247, 2006. 143 CGPPP, art. L. 1.

personnel de l’expression « propriété publique » sur celui de l’expression « foncier public », la première expression ne désignerait plus seulement la propriété des personnes publiques, mais également celle des personnes privées contrôlées par une personne publique.

D’ailleurs, le titre Ier de la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013, intitulé « Mobilisation du foncier public en faveur du logement », modifie les articles L. 3211-7 et L. 3211-13-1 CGPPP, ce dernier article déterminant les établissements et sociétés publics de l’État concernés par le dispositif de décote. Cette extension, circonscrite, du champ personnel d’application du code général de la propriété des personnes publiques est néanmoins bien prise en compte par le législateur. L’intitulé du paragraphe 2 de la sous-section 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre II de la troisième partie du code, paragraphe dans lequel se trouve l’article L. 3211-13-1 CGPPP, est complété, après les mots : « Dispositions applicables aux

établissements publics de l’État », par les mots : « , aux sociétés détenues par l’État et à leurs filiales appartenant au secteur public »145

. L’approche purement personnelle de la propriété consacrée par le code est ainsi sauve, mais cette extension de son champ personnel d’application offre une perspective nouvelle sur les moyens qu’une personne publique, en l’occurrence l’État, peut effectivement utiliser pour remplir la mission dont elle a la charge, garantir le droit au logement146

. En d’autres termes, la disponibilité d’une ressource par le contrôle de la personne propriétaire par une personne publique peut être jugée suffisante pour qualifier cette ressource de publique147, sans qu’il soit pertinent qu’elle appartienne à une personne publique.

22. En cas de rapport de consubstantialité. – Précisément, l’État, maître du service

public du logement social, définit les conditions de jouissance et de disposition d’une habitation locative affectée à ce service public, et cela sans en être propriétaire. Le régime juridique des logements sociaux qu’il détermine, fonde et régit les droits et obligations du gestionnaire du service public, le bailleur de logement social, titulaire du droit réel sur cette habitation, ainsi que de l’usager du service public, le locataire, titulaire du droit personnel de

145 L. n° 2013-61, 18 janv. 2013, préc., art. 4, I. 146 CCH, art. L. 300-1, al. 1er.

147 Rappr. la notion de ressources d’État en droit de l’Union européenne, cf. Communication 2012/C 8/02 de la Commission relative à l’application des règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État aux compensations octroyées pour la prestation de services d’intérêt économique général (dite « communication sur les concepts ») : JOUE, C 8, 11 janv. 2012, p. 4. Les avantages, à inclure dans cette notion, sont les avantages qui sont accordés directement par l’État ainsi que ceux qui le sont par l’intermédiaire d’un organisme public ou privé, désigné ou institué par cet État [renvoi aux références citées].

jouissance. Aussi, malgré la dualité de nature – publique ou privée – et de qualité des bailleurs de logement social, ceux qui sont statutaires – les organismes d’habitations à loyer modéré, les sociétés d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux et les organismes bénéficiant de l’agrément relatif à la maîtrise d’ouvrage d’insertion –, et ceux qui ne le sont pas – c’est-à-dire les bailleurs qui ont seulement conclu une convention de conventionnement d’une habitation locative à l’aide personnalisée au logement (APL) –, tous sont soumis à un socle commun de règles encadrant l’exercice de leur droit réel sur le logement social : respecter les plafonds de ressources du locataire et de loyer applicable au logement fixés par l’État.

En l’état du droit, l’acte d’affectation d’une habitation locative au service public du logement social est contractuel, la convention de conventionnement d’une habitation locative à l’aide

personnalisée au logement. Cette convention est conclue entre l’État et un bailleur de

logement social en vue de permettre au locataire de bénéficier de cette forme d’aide personnelle au logement s’il en remplit les conditions d’octroi. Elle institue ainsi un droit personnel de l’État sur le bailleur chargé d’assurer l’activité de service public. Néanmoins, la structure de la convention de conventionnement est animée par des rapports de droit plus réel que personnel. En effet, outre l’exigence de publicité foncière148

, lorsque le bailleur de logement social n’est pas statutaire, l’État prévoit qu’en cas de mutation de l’habitation locative affectée, la convention s’impose de plein droit au nouveau propriétaire jusqu’à son expiration149

, et lorsque le bailleur est statutaire, l’État encadre strictement les conditions de vente de l’habitation pour préserver la continuité du service public150

et, selon cette même logique, organise le maintien de son caractère de logement social malgré l’expiration de la convention, y compris en cas de transfert de propriété151

. En somme, l’État devient titulaire d’un droit portant directement sur l’habitation locative affectée au service public du logement social.

148 Par exemple, pour les logements conventionnés des bailleurs non statutaires de logement social, CCH, art. L. 353-3.

149 CCH, art. L. 353-4, à combiner avec l’article L. 353-5.

150 CCH, Livre IV, Titre IV, Section 2, Sous-section 1, « Dispositions applicables aux éléments du patrimoine immobilier autres que les logements-foyers », art. L. 443-7 à L 443-15-5 et R. 443-10 à R. 443-17.

151 Organismes d’HLM, CCH, art. L. 411-3, SEM de construction et de gestion de logements sociaux, CCH, art. L. 411-4 et, par renvoi à ce dernier article, organismes bénéficiant de l’agrément relatif à la maitrise d’ouvrage d’insertion, CCH, art. L. 365-5, al. 2, ainsi que CCH, art. R 491-1 à R. 491-6.

23. En définitive, en cas de rapport de disponibilité d’un foncier en provenance de l’État en vue de la réalisation d’une opération de logement social, l’État exerce alternativement, soit le droit de propriété dont il est titulaire sur l’un de ses fonciers, soit le droit personnel dont il est titulaire sur l’un de ses établissements et sociétés publics et, bien qu’une chose appartenant à l’État ne saurait entretenir un rapport de consubstantialité avec un logement social, l’État exerce, à la fois, un droit personnel sur le bailleur, gestionnaire du service public, ainsi qu’une forme de droit réel sur l’habitation locative affectée à ce service public. L’existence et la nature réelle du droit dont l’État est titulaire sur un logement social étant ainsi admises, il reste désormais à définir les caractères de ce droit. Pour y parvenir, il est nécessaire de reconsidérer l’approche de la propriété en droit public.

B. – La méthode de l’étude

24. Réorganisation du droit public autour de la summa divisio personne/chose. –

Partir de l’approche « structurale » de la propriété proposée par William Dross exige de revenir à la vision architecturale d’ensemble du droit objectif qu’est la distinction totalisante des personnes juridiques et des choses. Cette approche se justifie par le fait que la spécificité des personnes juridiques réside dans leur nature, personne physique d’une part, personne morale de droit public ou de droit privé d’autre part, et qu’elle se traduit corrélativement par une spécificité des droits dont elles sont le sujet (droits subjectifs). Cette proposition de retour au droit objectif organisé autour de la summa divisio personne/chose retient également la suggestion formulée par Philippe Yolka, militant pour une théorie des droits subjectifs des personnes publiques, de concrétiser dans la doctrine contemporaine « l’intuition des grands

anciens (Hauriou et, surtout, Michoud), d’après laquelle la réorganisation du droit administratif autour de la notion cardinale de personnalité juridique porterait dans ses flancs l’idée de droits subjectifs »152

. Le droit de propriété en est assurément un. Il désigne, formellement, la maîtrise par une personne d’une chose, mais dont les déterminants s’agissant des conditions d’exercice sont, en substance, la chose et la personne.

25. Droit des choses publiques. – Dans l’introduction générale du Code général de la

propriété des personnes publiques, commenté et annoté153

, Fabrice Melleray et Fabrice Hourquebie font état de l’existence, en l’état actuel de la réflexion doctrinale, non pas d’une, mais de deux conceptions de la propriété publique, suivant que l’on insiste davantage sur le premier terme de ce groupe nominal, le substantif, ou sur le second, l’adjectif.

Selon la première conception, généralement associée à Yves Gaudemet, la propriété publique est avant tout une propriété et sa nature publique est secondaire. Yves Gaudemet considère en effet que « [la] propriété publique, de même nature que la propriété privée (entendue

elle-même comme la propriété des personnes privées), se caractérise cependant par deux principes qui valent tant pour les biens du domaine privé que pour ceux du domaine public, celui de l’incessibilité de la propriété publique en deçà de son juste prix et celui de l’insaisissabilité des biens des personnes publiques. / S’y ajoute la faculté, pour la loi, d’imposer, pour la satisfaction d’un objet déterminé, un transfert de propriété entre personnes publiques ou à une personne privée chargée d’un service public »154

, qui est finalement, aux dires de l’auteur, la seule originalité de la propriété publique155.

Dans la seconde conception, généralement associée à Philippe Yolka, la propriété publique est, à l’inverse, avant tout publique. En comparaison de la propriété privée, elle présente deux

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