• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3. Démarche de recherche

4.3 Trauma et Pleine Conscience

4.3.3 Relation thérapeutique

Parmi les 38 articles que nous avons classés avec un niveau 1 de pertinence, 8 traitaient de la relation thérapeutique de façon plus ou moins importante. Parmi ceux-ci, nous en avons retenu trois qui nous apparaissait amener un éclairage supplémentaire par rapport aux sections précédentes. Ces articles portent respectivement (1) sur les attitudes et compétences en lien avec la PC qui sont développées par les thérapeutes qui pratiquent la PC, (2) le concept de pleine conscience relationnelle ainsi que (3) les notions d’humanité et de vulnérabilité partagée au sein des relations thérapeutiques basées sur la PC.

4.3.3.1 Attitudes et de compétences en lien avec la PC

Les résultats de Cacciatore (2017) ont montré que le développement d’un certain nombre d’attitudes et de compétences issues de la pratique de PC chez les thérapeutes favorise le lien thérapeutique qu’ils développent avec des parents endeuillés. La chercheure souligne que ces attitudes et compétences permettent une disponibilité relationnelle qui dépasse l’utilisation de simples techniques thérapeutiques chez le thérapeute et qui semble être perçue comme aidante par les clients (Cacciatore, 2017). Les attitudes et compétences identifiées par la chercheure sont les suivantes : (1) compassion et compréhension (2) non-jugement (3) acceptation de l'expression émotionnelle des parents (4) profonde écoute et ouverture à la narration (5) capacité à traiter les émotions et tester leurs perspectives (Cacciatore, 2017). Nous reviendrons de façon détaillée sur ces compétences lors de la discussion.

4.3.3.2 Pleine conscience relationnelle

Davies (2014) met de l’avant le lien entre la nature interconnectée des êtres humains, la souffrance humaine partagée et l’importance de développer des solutions à cette souffrance par le biais des relations interpersonnelles. L’auteur souligne que le phénomène de l’intersubjectivité est de plus en plus considéré par différents domaines de la psychologie contemporaine12 comme étant une composante inhérente au développement du soi (Davies, 2014). La prise de conscience, ou encore le fait même de faire l’expérience de l’interrelation

12 Développement de l’enfant, psychologie relationnelle, psychanalyse intersubjective et la neurobiologie interpersonnelle.

100

comme socle de l’humanité peut, selon l’auteure, apporter un éclairage sur la complexité de la souffrance humaine. Le concept de Dharma13 emprunté à la psychologie bouddhiste permet à l’auteur de dépasser la logique individualiste qui marque souvent la compréhension de l’être humain.

Comme nous l’avons vu, le traumatisme peut conduire à une forme de fragmentation de l’expérience (EE, dissociation, incapacité à réguler les émotions, etc.) qui affecte notamment le sentiment de sécurité dans la relation avec les autres. Davies (2014) propose une pratique de PC relationnelle (Dharma relationnel) qui amène le survivant à réintégrer pleinement son expérience par le biais d’une expérience thérapeutique intersubjective au cours de laquelle les enjeux relationnels sont mis en lumière et peuvent se restaurer au sein même de la rencontre avec l’autre (Davies, 2014, p.117).

« This process allows for the possibility of transforming negative or life-diminishing ‘‘filters’’ into associations that widen and deepen identity. In this experience, the appearance of something ‘‘foreign,’’ ‘‘not part of,’’ or ‘‘too much,’’ is relaxed, so that one’s sense of what constitutes a ‘‘whole person’’ naturally broadens and evolves, and a deeper understanding of oneself and the relationship between oneself and others emerges » (Davies, 2014, p. 117).

L’attention portée aux moments relationnels qui émergent continuellement dans la rencontre permet un lieu de rencontre emphatique et sécuritaire qui apaise l’anxiété associée au trauma. Ainsi se développe une vision élargie chez le survivant, où les expériences de soi et de l’autre perdent progressivement leurs caractères menaçants, ce qui le conduit à réintégrer les dimensions perdues de son expérience.

4.3.3.3 Humanité et vulnérabilité partagée

Selon Lord (2010), la relation thérapeutique se caractérise par :

« un amour qui vient d’une collaboration mutuelle de l’humanité et de la vulnérabilité partagées alors que nous cultivons l'espace et le travail sacrés ensemble, développant une intimité et une connectivité en faisant face aux défis sur une période de peut-être des années ». (Traduction libre de Lord, 2010, p.278).

13 Voir définition section 1.4

Sans vouloir nous attarder sur les concepts d’amour et d’espace sacrés longuement développés par l’auteure dans son article, soulignons ici l’importance de l’humanité et de la vulnérabilité partagée ainsi que du développement d’une intimité et d’une connectivité. Suivant l’idée de Surrey (2005), Lord soutien que la qualité de présence que permet la pratique de méditation, notamment au sein même de la rencontre, conduit le client et le thérapeute à « cultiver un lien spirituel à eux-mêmes, les uns aux autres, et à l'univers qui est énergisant et transformateur dans l'interaction psychothérapeutique » (Lord, 2010, p.274). Lord propose de pratiquer un dialogue méditatif, dans lequel le thérapeute et le client porte une attention soutenue à l’espace intersubjectif qu’ils composent, au début de chaque rencontre (Lord, 2010).

« Nous nous assoyons et méditons ensemble pendant 10 ou 15 minutes au début de chaque session, en nous concentrant sur l'espace intermédiaire en tant que source de sagesse et de possibilité. Cet espace offre un confinement sûr et enrichissant à travers lequel on peut travailler pour développer le monde intérieur et la capacité de chacun à avoir des relations empathiques et compatissantes satisfaisantes » (Lord, 2013, p.998). Le fait de cultiver une relation saine et constructive, en étant par exemple constamment attentif au processus relationnel par le biais de la PC, serait donc favorable dans le cadre du travail avec les survivants de trauma puisque les blessures traumatiques affectent directement la capacité des survivants à être empathique et compatissant avec eux-mêmes et les autres (Lord, 2013, p.997). L’exercice de PC dans un contexte thérapeutique relationnel sécuritaire aurait pour effet de développer ces capacités chez les survivants.

Malgré la complexité de la pratique de PC et l’importance accordée au rapport à soi et aux autres comme manière d’être essentiellement incarnée et relationnelle, la recherche scientifique semble principalement dirigée vers les effets neurologiques afin de valider son utilisation dans le domaine de la santé. Afin d’éviter les ornières du réductionnisme neurologique, notre stratégie a consisté à mettre de l’avant le fait que la pratique de PC, en tant que manière d’être, se présente de façon antithétique aux les principaux symptômes du trauma (EE, dissociation et dérégulation des émotions). Au-delà des arguments strictement issus d’une vision « neuro-centrée », du point de vue de l’expérience globale, la pratique de PC se révèle tout à fait favorable au rétablissement des survivants. Le questionnement sur le sens du trauma comme posture existentielle d’évitement de soi et des autres et sur la pratique de PC comme posture existentielle de présence à soi et aux autres, permet d’ouvrir la voie à une

102

réflexion sur les aspects de la PC comme traitement relationnel pour les survivants qui dépassent une compréhension strictement physiologique et comportementale de cette pratique.

Notre revue de littérature préliminaire nous a conduits vers l’impression que l’aspect relationnel du trauma est peu présent dans les réflexions portant sur les éléments curatifs de la PC. Nous avons ensuite constaté que cette impression a été corroborée par une revue systématique de la littérature. La discussion qui suit vise à approfondir cette réflexion. Nous allons donc tenter de comprendre la place occupée par la relation thérapeutique dans la compréhension de la PC et du trauma. Or, avant d’offrir un examen minutieux de la dimension relationnelle essentielle à la pratique de PC chez les survivants de trauma, nous proposons une réflexion approfondie sur les processus psychologiques comme cadre théorique pour comprendre l’EE et la régulation émotionnelle ainsi que sur les concepts de pilotage automatique, de paradoxe de la douleur et d’intégration qui nous apparaissent nécessaires pour saisir la complexité du phénomène qui nous intéresse.