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Chapitre 5. Discussion : rentrer chez so

5.3 Relation thérapeutique, pleine conscience et trauma

5.3.2 Au-delà de la psychoéducation

Il est possible de soutenir que la pratique de PC chez le clinicien représente une activité qui permette d’intégrer des attitudes et compétences favorables au développement d’une relation thérapeutique optimale. Cette perspective laisse entrevoir que la PC pourrait s’avérer une excellente façon de développer le « savoir-être » nécessaire au développement des attitudes et des compétences relationnelles devant être présentes chez l’ensemble des travailleurs sociaux. Cette pratique n’est donc pas seulement un outil thérapeutique visant à être enseigné aux clients.

Conformément à notre idée de posture existentielle, soulignons que les attitudes et compétences associées à la PC dépassent selon nous largement les simples techniques d’intervention. Il s’agit d’une manière d’être où le thérapeute est pleinement attentif au vécu des clients et est en mesure de démontrer à ces derniers qu’ils ont été écoutés et entendus. Le thérapeute cultive aussi une sensibilité continue à l’expérience relationnelle lors de la rencontre, ce qui lui permet de constamment s’ajuster et s’accorder à l’expérience vécue du client de manière idiosyncrasique. Le client est aussi encouragé à être attentif à son vécu et à l’expérience relationnelle en développement progressivement cette manière d’être basée sur la PC.

« While the therapist’s focus remains on the experience of the patient, both patient and therapist are engaging in a collaborative process of mutual attentiveness and mindfulness in and through relational joining […] This view of therapy as co-meditation offers new

possibilities for the therapeutic enterprise […] Because both therapist and patient are called on to be present to the best of their abilities (to themselves, to the other, and to the movement of the relationship into and out of connection), the therapy process is deepened and enlarged. It begins to show a quality of growth consistent with the broader goals of mindfulness » (Surrey, 2005, pp. 94-95).

Suivant ces propos, nous croyons que l’exploration et la compréhension lors des impasses relationnelles peuvent aussi découler de cette posture développée mutuellement au sein du processus thérapeutique. Bien que nous ayons présenté la pratique de PC comme étant un moyen privilégié favorisant le développement de ces attitudes et compétences bénéfiques à une posture intersubjective au sein de la relation thérapeutique, il est important de souligner au passage que cette pratique n’est pas le seul moyen de développer ce type de posture.

Afin d’illustrer le dépassement des simples techniques, notons que la capacité à entrer en relation avec sa propre souffrance et avec celle des autres pourrait être intimement liée à une disposition à la bienveillance, celle-ci étant notamment caractérisée par une absence de jugement envers soi et l’autre. L’empathie, en tant que capacité à entrer en relation avec la souffrance de l’autre, pourrait être, en quelque sorte, directement liée à une capacité à être bien avec soi-même, capacité qui pourrait elle-même être développée par une pratique personnelle de PC ainsi qu’être partagée au sein même des rencontres thérapeutiques. Mettant de l’avant l’importance des capacités de vulnérabilité et d’ouverture pour favoriser la compassion et l’empathie chez le client et le thérapeute lors de rencontres, les propos de Lord (2013) font écho à cette hypothèse.

« Although many psychotherapists who use meditation in their work teach their clients to meditate in a psychoeducational way, relational and collaborative dialogical practitioners participate with their clients in mutual ways as they meditate together in sessions. This mutuality requires a vulnerability and openness on the parts of both client and therapist that promotes intimacy, an elevated awareness, and increased capacities for compassion and empathy for both participants» (Lord, 2013, p.1004-1005).

Nous croyons que le fait d’être accueillant envers sa propre vulnérabilité, notamment lors des rencontres de thérapie, encourage implicitement le thérapeute et le client à être sensible et bienveillant à la souffrance de ce dernier. Le climat thérapeutique favorise ainsi une réception de cette dernière.

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Quintin (2012) soutient que le bon déroulement d’une démarche thérapeutique dépend davantage des attitudes et compétences du clinicien que de la conformité aux règles et usages prescrits par une théorie scientifique précise. Plus spécifiquement, l’auteur reprend la théorie de Gadamer (1996) afin de distinguer trois types de relation à l’autre, dont un seul type semble être adéquat afin de développer une relation thérapeutique optimale. Ce dernier repose sur « l’ouverture à autrui » (Quintin, 2012, p.145). Pour Gadamer (1996), l’ouverture à autrui dépend directement de la disponibilité à être ouvert à soi-même et à son rapport au monde. Dénué de cette ouverture primordiale à sa propre expérience, il est selon lui impossible d’être ouvert aux autres sans préjugé, c’est-à-dire de manière conforme à ce qu’ils sont. Allant en ce sens, nous avons vu qu’il pouvait être très bénéfique aux intervenants qui travaillent avec les survivants d’apprendre à cultiver une présence à eux-mêmes dans le cadre de leur cheminement et de leurs interventions. Ce rapport à soi permet d’être attentif et ouvert au vécu expérientiel au sein de la relation thérapeutique afin de maintenir un champ intersubjectif fécond et réparateur pour le client. Il s’agit d’habiter le monde relationnel par le biais d’une appréhension intuitive basée sur une ouverture emphatique et soutenue. Les résultats de notre démarche permettent de suggérer que les intervenants gagnent à opérer un « changement radical » dans leurs relations à eux-mêmes, aux autres et au monde.

5.3.3 Vers une psychothérapie pleinement et essentiellement relationnelle