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La relation de soin : le touché, le regard et les gestes singuliers

CHAPITRE 4 : ÊTRE PRÉPOSÉ AUX BÉNÉFICIAIRES : DESCRIPTION DE

5.1. Mise en scène de la chorégraphie des soins : rencontre entre un corps soignant et un

5.1.2. La relation de soin : le touché, le regard et les gestes singuliers

Les participants décrivent le soin et la relation de soin de manière idéalisée : une rencontre entre deux personnes, une première qui orchestre les gestes et les pas, et une deuxième qui accueille et suit les mouvements. La relation se construit par le respect de ces deux rôles, une conformité des comportements qui permet de qualifier cette rencontre comme une bonne relation. Les soins doivent se donner dans le calme, la douceur et dans le respect mutuel des deux personnes. Lorsque ces normes ne sont pas respectées, telles que les situations de violence mentionnées plus haut, la relation est qualifiée de mauvaise relation. Celle-ci se caractérise par le non-respect du rôle du résident, qui ne suit pas les indications du préposé. Entretenir une bonne relation de soin est au cœur de la mission des préposés. Grâce à la bonne relation, le préposé peut réussir à donner ses soins, ce qui donne un sens à son travail. La mauvaise relation engendre quant à elle un sentiment d’insatisfaction chez le préposé, les soins étant plus difficiles à donner et parfois même impossible.

La relation de soin n’est pas seulement alimentée par les soins d’hygiène. Pour les participants, les soins apportés aux résidents ne se caractérisent pas seulement par les soins destinés au corps directement ; les soins apportés sont aussi de l’ordre du social. Par exemple, prendre soin c’est aussi connaître les préférences des résidents, c’est leur apporter des attentions particulières par rapport à ce qu’ils aiment, et prendre en compte leurs habitudes. Chaque attention posée par le préposé contribue à la création d’une bonne relation. Savoir qu’un résident aime les pommes et lui en offrir est un geste que celui-ci n’oubliera pas, une pensée qui permet de bâtir jour après jour une relation de confiance avec le résident :

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J’essaie de remarquer les choses qu’ils aiment. Avec la nourriture ça fonctionne, avec une pomme… Je remarque des choses, je note dans un carnet. Monsieur X, il veut des pommes. De cette manière, j’ai été accepté. Il y a même des résidents qui m’ont donné leur photo parce qu’ils m’aiment beaucoup. Je note des remarques qu’est-ce qu’elle aime etc. Moi, c’est ma façon de travailler. Je ne crois pas que tous mes collègues font ça…

(Répondant #09)

Prendre soin, c’est réussir à entrer en contact avec le résident, s’introduire dans son

monde quelques instants. Prendre soin, c’est donner le sourire à un résident qui ne sourit

jamais, c’est chanter et faire des blagues. Le vieillissement, la maladie et la mort font des centres d’hébergement des endroits « véritablement tristes » (Répondante #14), « des milieux où la finitude est omniprésente » (Répondant #09). C’est pourquoi la relation avec les résidents est importante. Elle permet d’apporter un peu d’humanité à ces endroits. Faire rire un résident est source d’une grande satisfaction pour les participants :

Ma satisfaction est de faire sourire ces gens-là ! Ils sont déprimés, ils sont mêlés… J’en ai une qui m’a déjà dit : elle fait des folies elle ! Je lui ai dit : tant que mes folies vous donnent le sourire, je le ferai toujours. Elle part à rire ! À la longue, j’ai gagné la confiance de mon monde et ça fait du bien.

(Répondante #06)

La relation entre le résident et le préposé se tisse à travers ces moments quotidiens. En chantant, en rigolant et en posant une attention particulière, les préposés créent une relation de confiance avec les résidents. En retour, il n’est pas rare que ceux-ci offrent des cadeaux aux préposés pour les remercier, même si les préposés doivent refuser tous les présents selon le code d’éthique31 :

Y’a une résidente qui m’offre souvent des bonbons, je ne peux pas les accepter, mais ça me fait au chaud au cœur parce que ça veut dire qu’elle m’aime.

(Répondante #01)

Même si les préposés ne peuvent pas accepter de cadeau, se faire offrir un cadeau est le résultat d’un long cheminement relationnel entre les deux personnes. Le cadeau est le

31 Selon le code d’éthique, il est interdit d’accepter un cadeau d’un résident pour prévenir les cas d’abus envers les personnes âgées. Même si le résident a pleine conscience du cadeau qu’il offre, le préposé a le devoir de refuser.

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symbole d’une relation tissée serrée entre le résident et le préposé : il caractérise un accomplissement professionnel pour le préposé qui malgré les obstacles organisationnels (le temps et le manque de personnel) a réussi à bâtir une relation, un lien particulier avec le résident. Même si cette proximité n’est pas fondée nécessairement sur le dialogue et la conversation, elle peut se créer grâce à un regard, une blague lancée spontanément ou par une attention particulière. La relation de soin est un véritable don de soi, une rencontre entre deux êtres où le soignant ne ferme pas les yeux sur la souffrance du malade. Le regard du préposé sur le résident expose un message d’amour, de compassion et de dignité. Il serait prêt à tout lui offrir pour apaiser sa douleur.