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CHAPITRE I FONDEMENTS THEORIQUES

1.1 Relation Juridique

La réforme du contrôle financier de l’Etat sur les EEP, entrée en vigueur en 2004, est basée sur les principes directeurs suivants : la généralisation et la modulation du contrôle ainsi que la clarification des pouvoirs au sein de l’entreprise par référence aux principes de gouvernance d’entreprise.

Tout en poursuivant la mise en œuvre des instruments de gestion prévus par la loi n° 69-00 relative au contrôle financier de l’Etat sur les EP et autres organismes, des chantiers ont été lancés pour améliorer qualitativement le dispositif de contrôle financier sur ces organismes.

La loi n° 69-00 susmentionnée, a introduit de nouveaux modes opératoires tels que le comité d’audit issu de l’organe de gouvernance et a également consacré la contractualisation des relations entre l’Etat et l’EEP pour favoriser une meilleure visibilité, une transparence et une responsabilité accrues auprès des différents acteurs concernés. De même, cette même loi a fait l’objet d’un amendement visant à étendre l’application du projet de décret relatif aux marchés publics à certains Etablissements publics en tenant compte de leurs spécificités.

La réforme, s’est traduite par un projet de loi sur la gouvernance et le contrôle financier de l’Etat sur les établissements et entreprises publics, qui a été mis en consultation par le SGG (Secrétariat Général du Gouvernement). Ce texte entend doter ces entités d’un cadre juridique unifié, clair et formalisé. Cette nouvelle réglementation fixe les règles et les principes de bonne gouvernance, permettant l’amélioration du fonctionnement des organes délibérants, ainsi qu’une plus grande responsabilisation de leurs dirigeants. Parallèlement, il s’agit de renforcer la transparence de la gestion de ces établissements et l’efficacité du contrôle financier, à travers une meilleure maîtrise des risques.

Certaines dispositions visent la mise à niveau du dispositif de contrôle mis en place dans les années 2000. C’est le cas notamment en matière de gouvernance, à travers la clarification des différents rôles de l’Etat en tant que stratège, actionnaire, propriétaire, accompagnateur et contrôleur. Cela devra passer par la déclinaison de l’orientation stratégique au sein des établissements et entreprises publics en objectifs clairs et mesurables, à travers une procédure de contractualisation. Ce processus de mise à niveau passe également par la professionnalisation et l’opérationnalisation des organes délibérants, via la limitation de leur taille, l’institutionnalisation du processus de nomination des administrateurs, la consécration de la notion de responsabilité… Le gouvernement avance que les critères de compétence et d’expérience seront privilégiés, en adéquation avec les besoins spécifiques de chaque établissement. Cela devra s’accompagner d’évaluation de leurs actions. «Des mécanismes d’évaluation des administrateurs et des règles de bon fonctionnement des organes délibérants seront mis en place», est-il noté. Parallèlement, il est prévu le développement des instruments et modes de gestion interne, afin d’aboutir à une plus grande efficacité et une transparence accrue. Ce texte ouvre également la voie au recrutement d’administrateurs indépendants au niveau des organes délibérants de ces entités, afin «d’introduire des expertises qui permettent d’équilibrer l’apport technique et politique», précise-t-on dans la note de présentation.

Cette réforme de la réglementation liée à la gouvernance et au contrôle des finances des établissements et entreprises publics s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du principe de

corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes. Une orientation confirmée par la note de présentation de ce projet de loi, qui insiste sur la nécessité de réaménager les procédures de gestion, afin de favoriser la refonte du système de contrôle. Car, les deux aspects sont liés, comme cela est indiqué dans la présentation de ce texte. Surtout que le bon fonctionnement du dispositif de la gouvernance constitue l’une des clés d’un contrôle efficace, orienté vers la performance et la sauvegarde du patrimoine public.

D’un autre côté, l’ancienne conception d’un conseil d’administration «investi des pouvoirs les plus étendus pour prendre en toutes circonstances toutes décisions nécessaires à la réalisation de l’objet social au nom de la société» (article 69. loi 17-95), laissait supposer que cet organe constituait un outil de direction de l’entreprise.

Ainsi, dans la nouvelle formulation, les fonctions du conseil ont été recentrées à la fois sur la stratégie et le contrôle ; l’article 7 de la loi n° 20-05 stipule en effet que le «conseil d’administration détermine les orientations de l’activité de la société et veille à leur mise en œuvre».

La formule de l’organisation des pouvoirs au sein de l’entreprise fait également débat. La nécessité de séparer les pouvoirs du président du conseil d’administration et du directeur général n’est pas forcément respectée dans la réalité. Il n’est pas rare, en effet, que ce dernier soit également président du conseil d’administration (PDG). On parle alors de structure moniste et c’était même la norme avant que la loi n° 20-05 n’introduise la possibilité de dissocier ces deux fonctions, laissant aux SA marocaines le choix entre la formule traditionnelle et la nouvelle.

D’autres nouveautés ont été apportées par ce texte concernant les responsabilités de l’organe de gouvernance. A titre d’exemple, l’article 70 prévoit que seuls le conseil d’administration ou le conseil de surveillance peuvent contrôler les opérations de cession d’immobilisations et de participations logées en actifs immobilisés. De même, l’article 80 confie au conseil de surveillance le pouvoir de révoquer le directoire. L’article 86 fixe de nouvelles incompatibilités pour les membres du directoire, et l’article 115 prévoit la lecture du rapport à l’assemblée générale par le directoire et non pas par le conseil de surveillance. L’articulation « conseil d’administration-direction » reste une question délicate et non tranchée à ce jour.

Le tableau ci-dessous récapitule les principales caractéristiques du conseil d’administration des entreprises publiques marocaines.

Tableau 14 : Fonctions du Conseil d'administration des EP marocaines

Nomination du Directeur Général Création des comités spécialisés Evaluation systématique des performances Rémunération par rapport au secteur privé Indépendance Non Pour les entreprises publiques stratégiques il

est nommé par le Roi Pour les autres, il est nommé par le Président

Oui (comité d’audit, de rémunération, etc.)

L’évaluation se fait par rapport à la lettre

de mission

Information non disponible

Information non disponible

du gouvernement.

D’après ce tableau nous sommes devant presque les mêmes caractéristiques que les modèles français et belge pour qui (d’après le tableau 13 sur les fonctions du CA des pays européens) la nomination du dirigeant n’est pas donnée à l’organe de contrôle.

A côté des dispositions visant à renforcer les attributions du conseil d’administration et à redéfinir les pouvoirs en son sein, la loi n° 20-05 a été porteuse d’améliorations significatives en matière de gouvernance d’entreprise : renforcement de la mission du CDVM en matière de protection de l’épargne investie en actions (article 26), participation aux réunions du conseil d’administration, du conseil de surveillance, du directoire et des assemblées générales à distance grâce aux NTIC (articles 50 et 170), qualité et transparence de l’information financière (articles 154 et 232), transparence accrue en matière de conventions réglementées (articles 56, 58 et 95) et de conventions interdites (62 et 100), protection des actionnaires (articles 116, 158, 164 et 179), renforcement de l’indépendance des commissaires aux comptes (article 161).

Les réformes récentes du droit des sociétés ont pour objectif la réalisation d’une avancée du système national de gouvernance grâce notamment à la séparation des fonctions de direction et de contrôle, à l’amélioration de la transparence, à un encadrement plus strict de l’audit légal, à la facilitation de l’exercice des droits de vote des actionnaires et à la protection des minoritaires.

Tableau 15 : Composition du CA de l'EP marocaine

Composition du conseil Pouvoir de

nomination de l’Etat Commentaires Membres venant d’un ministère1 Membres venant du secteur privé Personnalités publiques Salariés ou représentants des salariés2 Déterminé par décret (avec possibilité de délégation) Oui (mais pas de règle) Oui (mais pas de règle)

Pas de règle Election par les ministres

Comme le tableau précédent, celui-ci reflète une ressemblance avec le cas français dans la détermination des membres venant d’un ministère, et une autre ressemblance avec le cas belge, notamment dans la représentation des salariés et des personnalités privées et publiques.

Cette évolution du dispositif marocain de gouvernance d’entreprise s’inscrit dans un courant mondial de convergence des systèmes nationaux de gouvernance où le droit des sociétés joue un rôle de premier plan. Il est, en effet, admis que la qualité de la protection juridique dont bénéficient les actionnaires minoritaires, en particulier dans un pays donné,

1 Le représentant de l’Etat ne peut siéger dans plus de 7 conseils d’administration, il est incompatible avec toute

impacte directement le fonctionnement du marché des capitaux et la croissance économique des pays (La Porta, Lopez de Silanes, Schleifer, & Vishny, 1998).

Une initiative importante a été prise au Maroc à travers la création d’une commission nationale publique-privée «Gouvernance d’entreprise». Cette commission, présidée par la CGEM et le ministère délégué auprès du Premier ministre chargé des affaires économiques, elle fédère l’ensemble des acteurs-clés de la gouvernance d’entreprise dans notre pays (CDVM, Bank Al Maghrib, Bourse de Casablanca, GPBM, ANPME, CJD, Ordre des experts comptables, DEPP, ministère de la justice, FCMCS, ministère de l’économie et des finances, ministère de la modernisation des services publics…) avec l’assistance du Global corporate governance forum, émanation de l’OCDE et de la Banque mondiale. Ce système est, en effet, basé sur le principe «comply or explain» (se conformer ou s’en expliquer). Cette initiative, une première au Maghreb et en Afrique francophone, constitue un signal fort en faveur de l’adoption des meilleures pratiques de gouvernance d’entreprise. Elle devrait contribuer à améliorer la performance et la compétitivité des entreprises, renforcer la confiance des investisseurs et des parties prenantes et mieux ancrer l’économie marocaine dans la globalisation.