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Relation entre attention, fonctions exécutives et syntaxe

4. DISCUSSION ET CONCLUSION

4.1. Relation entre attention, fonctions exécutives et syntaxe

En premier lieu, nous avons administré à notre population une batterie de tests attentionnels, exécutifs et syntaxiques afin de comparer les performances de chaque groupe à ces épreuves ainsi qu’à explorer les liens existants entre les différents domaines cognitifs associés. Plus précisément, nous avons cherché à savoir si les compétences en attention et FE pouvaient prédire les performances en syntaxe complexe.

4.1.1. Interprétation des résultats : différences de performance en attention, FE et syntaxe entre les groupes DT, TDL et TDAH

Étant donné l’observation de déficits attentionnels et exécutifs tant chez les TDAH (Guay &

Laporte, 2006 ; Tsal & al., 2005) que chez les TDL (Beitchman & al., 1989 ; Cantwell & Baker, 1991 ; Delage & Frauenfelder, 2020 ; Garon & al., 2008 ; Kapa & Plante, 2015 ; Montgomery &

Evans, 2009), nous pensions observer, pour ces deux groupes cliniques, des performances inférieures au groupe contrôle DT dans les tâches d’attention et FE. Statistiquement, seuls les effets de groupe pour la vitesse de traitement (MC Monde à l’endroit) et la flexibilité cognitive (MC Monde à l’envers) se sont montrés significatifs. Malgré cela, nous observons une tendance générale concordant avec notre hypothèse puisque les DT ont montré des moyennes supérieures aux TDL et aux TDAH dans la majorité des épreuves. Ces résultats, mettant en évidence la présence de faiblesses, voire de déficits, attentionnels et exécutifs chez les TDL, soutiennent la remise en question du terme « spécifique » anciennement utilisé pour définir et caractériser ce trouble langagier. Ces limitations se traduiraient également dans les comportements quotidiens de l’enfant puisque les TDL semblent montrer davantage de comportements de type inattention à la maison que les enfants à DT. Concernant les TDAH, compte-tenu de l’atteinte attentionnelle au premier plan, nous nous attendions à retrouver majoritairement des déficits dans les tâches

d’attention et FE. Or, les performances de ce groupe ont montré des résultats très variables tant sur le plan interindividuel qu’intra-individuel. Cela n’est toutefois que peu étonnant, les TDAH constituant un groupe très hétérogène. D’une part, comme nous l’avions mentionné précédemment, seul le déficit en attention soutenue est observé pour la majorité des TDAH et les atteintes dans les autres types d’attention, sélective et exécutive pour celles testées dans notre étude, ne sont pas systématiques (Tsal & al., 2005). D’autre part, la présence d’un trouble dysexécutif chez les TDAH est en réalité une hypothèse grandement débattue, les études montrant des résultats contradictoires (Guay & Laporte, 2006 ; Willcutt, Doyle, Nigg, Faraone, &

Pennington, 2005). Il est également à noter que les TDAH ont montré un score moyen supérieur aux DT pour les empans endroits. Bien qu’aucune différence d’âge significative n’ait été mise en avant, notre groupe DT était tout de même constitué d’enfants d’un âge moyennement plus bas (m

≈ 8 ans) que les TDAH (m ≈ 9 ans). Or, les compétences en MdT sont fortement reliées avec l’âge (Delage & Frauenfelder, 2020 ; Finney & al., 2014 ; Kapa & Plante, 2015), ce qui pourrait expliquer ces résultats.

Concernant les mesures syntaxiques, nous nous attendions également à observer des performances inférieures au groupe contrôle DT chez les TDL mais également chez les TDAH, la présence de difficultés linguistiques associées à ce dernier trouble ayant été mise en évidence dans plusieurs études (Cohen & al., 1993 ; Oram & al.,1999 ; Puerper-Ouakil & al., 2006). Nous pouvons en effet constater que tous les enfants TDL ont montré des déficits morphosyntaxiques en production et compréhension, conformément au diagnostic d’atteinte langagière. Les difficultés observées pour ce groupe en production de pronoms clitiques objets sont par ailleurs en accord avec les résultats de Tuller et al. (2011) démontrant qu’il s’agit là d’un marqueur caractéristique du TDL en français.

Pour le groupe TDAH, nous observons aussi des moyennes inférieures au groupe contrôle à toutes les épreuves syntaxiques. Toutefois, cette différence n’était significative qu’à l’épreuve du BILO, pour laquelle certains enfants TDAH ont même montré des scores considérés comme déficitaires.

Ces résultats, en accord avec la méta-analyse de Korrel et al. (2017), soutiennent alors que des faiblesses langagières peuvent être observées chez les TDAH mais qu’elles ne sont pas systématiques en fonction des domaines langagiers.

D’une manière générale, nos résultats montrent que bien que les TDL et TDAH partagent des difficultés communes en attention, FE et syntaxe, ces deux troubles restent dissociables sur plusieurs plans. Pour les empans de chiffres endroit par exemple, nos résultats, montrant une performance moyenne inférieure chez les TDL par rapport aux TDAH, soutiennent le fait que l’atteinte de la MdT verbale serait davantage associée au trouble TDL qu’au trouble TDAH (Cohen

& al., 2000 ; Hutchinson & al., 2012 ; Jonsdottir, Bouma, Sergeant & Scherder, 2005). Concernant les performances syntaxiques, nos résultats confortent également l’idée que le profil langagier des TDAH peut être dissocié de celui des TDL par différents marqueurs comme la morphologie du passé chez les enfants anglophones (Redmond, 2005) ou la compréhension syntaxique et la production de pronoms objets chez les enfants francophones.

4.1.3. Lien entre les performances en attention, FE et en syntaxe

Nos analyses nous ont permis de mettre en évidence la relation entre attention, FE et syntaxe se traduisant d’une part, par des liens corrélationnels et d’autre part, par des liens prédictifs. Comme l’avaient observé Finney et al. (2014) chez des enfants anglophones à DT, il existe une association entre la flexibilité cognitive et la compréhension de phrases complexes, indépendamment de l’influence de l’âge. La capacité à produire des pronoms clitiques objets était également associée aux empans envers dans notre étude. Toutefois, la relation la plus forte que nous ayons observé avec la MdT portait sur les capacités de maintien de la boucle phonologique. En effet, en plus de corrélations significatives entre les empans simples et toutes les mesures syntaxiques, nous avons pu mettre en évidence différents liens prédictifs : les empans endroits permettaient d’expliquer 10% de la variance au BILO, 36% aux Pronoms clitiques et 40% à l’E.CO.S.SE tous groupes confondus. Il est intéressant de constater, de même que l’avaient observé Delage et Frauenfelder (2020), que ces liens se traduisent différemment selon les groupes cognitifs. Dans notre étude, le groupe TDAH était le seul pour qui ce lien était observé systématiquement avec 39% à 59% de variance expliquée dans les mesures de syntaxe en production et compréhension. Ces résultats soutiennent alors que les difficultés langagières rencontrées par les TDAH seraient en partie liée à des limitations en MdT (Bruce, Thernlund & Nettelbladt, 2006 ; Oram & al., 1999 ; Redmond, Thompson & Goldstein, 2011). Pour les TDL, les empans endroits permettaient de prédire 44% de variance au BILO et 26% à l’E.CO.S.SE. Pour le groupe DT, les empans endroits n’ont permis de prédire les scores qu’à une seule épreuve, les Pronoms clitiques, avec 53% de variance expliquée.

Dans un sens, ces résultats font lien avec l’étude de Delage et Frauenfelder (2020) dans laquelle la relation entre les empans simples et les mesures syntaxiques de langage spontanée était particulièrement marquée chez les TDL. Cependant, ces résultats se distinguent de ceux de nos prédécesseurs puisque nous n’avons pas pu établir de lien prédictif avec les empans complexes.

La relation entre la MdT et la syntaxe complexe semblerait alors se traduire différemment selon les groupes cognitifs mais également selon les mesures de langage évaluées. En outre, il n’est pas exclu qu’un troisième facteur encore plus général, tel que la vitesse de traitement ou l’influence génétique, entre en jeu dans cette relation entre attention / FE et langage (Gooch, Thompson, Nash, Snowling & Hulme, 2016 ; Im-Bolter, Johnson, & Pascual-Leone, 2006).

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