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Fonctions exécutives, attention et syntaxe chez les enfants TDL et TDAH

1. CADRE THÉORIQUE

1.4 Fonctions exécutives, attention et syntaxe chez les enfants TDL et TDAH

En reprenant la pensée de Kapa et Plante (2015), il est intéressant, dans le but d’améliorer notre compréhension de la relation bidirectionnelle unissant l’attention, les FE et la syntaxe, d’étudier les compétences dans ces différents domaines cognitifs chez des enfants présentant des troubles langagiers et attentionnels / exécutifs. Nous avons pour cela choisi de nous pencher sur le Trouble Développemental du Langage (TDL) ainsi que sur le Trouble Déficitaire de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH), deux troubles neurodéveloppementaux dits « spécifiques » au langage pour l’un et à l’attention pour l’autre et pourtant pour lesquels des déficits non spécifiques, attentionnels et exécutifs pour le TDL et langagiers pour le TDAH, sont bien souvent associés.

1.4.1 Le Trouble Développemental du Langage (TDL)

Selon la définition la plus communément acceptée, le trouble du langage oral, ou « dysphasie » selon les auteurs Leclercq et Maillart (2014), est un trouble développemental, spécifique, souvent qualifié de sévère et persistant. Il se manifeste typiquement en l’absence de retard mental et de déficit sensoriel ou neurologique. La prévalence chez les enfants est de 3 à 7 %, variant en fonction des définitions et critères utilisés pour le diagnostic (CATALISE, Bishop & al., 2017).

Définition selon les classifications

Selon le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5, 2013), le « trouble langagier » (language disorder) est un trouble neurodéveloppemental appartenant à la catégorie des troubles de la communication. Il se caractérise par des difficultés persistantes dans l’acquisition et l’utilisation du langage à travers différentes modalités (orale, écrite) causées par des déficits en compréhension et production du langage oral. Ces compétences sont qualitativement et quantitativement en deçà de ce qui est attendu par rapport à l’âge de l’enfant et doivent avoir des répercussions sur la communication, la participation sociale, la réussite académique et/ou la performance au travail. Les difficultés sont présentes précocement et ne peuvent être expliquées par un trouble secondaire à un déficit sensoriel, une condition médicale ou neurologique, un handicap intellectuel ou un retard global de développement.

Définition dans la littérature

Plusieurs terminologies sont présentes dans la littérature pour qualifier le trouble du langage oral : trouble spécifique du langage, dysphasie, trouble primaire du langage. Dans ce mémoire, nous utiliserons l’appellation « Trouble Développemental du Langage (TDL) », consensus récemment défini par un groupe de chercheurs (CATALISE, Bishop & al., 2017). Ces auteurs se sont également accordés sur différents critères diagnostiques du trouble. Le terme « trouble du langage » est alors utilisé s’il survient un problème langagier durant l’enfance et qui persiste au-delà, tout en impactant significativement les interactions sociales et la réussite scolaire. Ces difficultés ne sont pas expliquées par un manque d’input ou par une sous-stimulation d’une langue dans un contexte bilingue. Le diagnostic de « TDL » est seulement posé lorsqu’il n’y a pas de

« condition différenciatrice » c’est-à-dire de raison biomédicale qui expliquerait le trouble langagier (lésion cérébrale, épilepsie, Trouble du Spectre Autistique (TSA), handicap intellectuel, etc). Toutefois, l’enfant TDL peut présenter un bas niveau d’intelligence non-verbale.

Difficultés morphosyntaxiques

Le développement d’un ou plusieurs domaines du langage oral peut être touché chez les enfants TDL : la phonologie, le lexique et la sémantique et la morphosyntaxe. Parisse & Maillart (2004), caractérisent les difficultés rencontrées par les enfants TDL comme observables à trois moments clés du développement langagier : lors de l’émergence du langage, de l’entrée dans la morphosyntaxe et dans son développement ultérieur. Tout d’abord, le TDL est marqué par un retard initial des premières productions. Ces dernières sont soit absentes soit pauvres et le stock lexical excède rarement les 50 mots à 3 ans. Par la suite, lors des premières combinaisons de mots et donc de l’entrée dans la morphosyntaxe, les premières différences qualitatives entre les enfants DT et les TDL apparaissent. En effet, les enfants TDL produisent d’une part des erreurs d’omission et substitution correspondant aux erreurs produites par les enfants DT de même LME mais rencontrent également des difficultés plus caractéristiques du TDL comme pour la morphologie verbale et les pronoms clitiques. Lors du développement ultérieur de la morphosyntaxe, ces difficultés se marquent davantage, permettant alors de différencier qualitativement les TDL des enfants à DT. D’une manière générale, le TDL se caractérise par des faiblesses au niveau de la morphologie grammaticale (accord des déterminants et des substantifs en nombre et en genre, flexion verbale) et plus globalement au niveau des structures syntaxiques complexes (phrases

passives, relatives objets). De plus, en français, un des marqueurs caractéristiques du TDL serait les difficultés rencontrées avec les pronoms clitiques objets. Tuller et al. (2011) l’ont démontré dans leur étude en comparant la production de pronoms nominatifs, réfléchis et clitiques objets d’enfants DT âgés de 6 et 11 ans et d’enfants TDL âgés de 11 à 20 ans. Les auteurs ont en effet observé qu’il n’existait aucune différence significative entre les groupes pour les pronoms nominatifs et réfléchis alors que pour les pronoms clitiques objets de 3ème personne, les TDL rencontraient des difficultés marquées par rapport aux DT âgés de 11 ans et même de 6 ans.

1.4.2 Le Trouble Déficitaire de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) Le Trouble Déficitaire de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) « regroupe un spectre de déficits comportementaux, cognitifs et émotionnels s’articulant autour de trois symptômes principaux : l’impulsivité, l’hyperactivité motrice et l’inattention » (Puerper-Ouakil, Wohl, Cortese, Michel & Mouren, 2006). L’impulsivité, motrice ou cognitive, s’exprime par des comportements irréfléchis, l’inattention par de la distractibilité, des difficultés à maintenir et rediriger son attention, et l’hyperactivité motrice par une agitation permanente. Le TDAH touche 5-7% des enfants et 3-4 % des adultes avec une prévalence plus élevée chez les garçons que chez les filles (Charach, 2010).

Définition selon les classifications

Dans le DSM-5 (2013), le TDAH fait partie des troubles neurodéveloppementaux. Il est défini comme un « mode persistant d’inattention et/ou d’hyperactivité/impulsivité qui interfère avec le fonctionnement ou le développement ». Pour établir le diagnostic, six symptômes au minimum parmi 18, caractéristiques de comportements d’inattention et/ou d’hyperactivité/impulsivité, doivent être présents, être apparus avant l’âge de 12 ans et avoir persisté pendant au moins six mois. Trois formes cliniques sont distinguées : le trouble de l’attention avec inattention prédominante, avec hyperactivité-impulsivité prédominante ou mixte.

Déficits attentionnels et dans les FE

Le TDAH est tout d’abord caractérisé par des déficits au niveau du système attentionnel. Tsal, Shalev, & Mevorach (2005) rapportent que les TDAH montreraient, d’après plusieurs études, des performances inférieures aux enfants à DT dans quatre composantes : l’attention sélective, soutenue, exécutive et la direction de l’attention. Selon ces auteurs, il serait toutefois possible

d’identifier différents patterns d’atteintes dans le TDAH, caractérisés par des difficultés plus ou moins importantes dans ces quatre composantes. Les auteurs ont testé leur hypothèse en faisant passer quatre tâches attentionnelles à 27 enfants présentant un TDAH. Les résultats montrent en effet que les participants rencontraient des difficultés dans chacune des quatre composantes à des degrés différents et que seule l’atteinte en attention soutenue était observée pour la majorité. Ces résultats confortent alors l’idée qu’il existe une grande hétérogénéité des profils d’atteinte au sein du TDAH. Les résultats de plusieurs recherches convergent également en faveur d’un trouble dysexécutif chez les TDAH (Guay & Laporte, 2006). Les observations concernant la planification de l’action et la flexibilité cognitive sont plutôt divergentes mais pour la MdT, les TDAH sembleraient montrer un déficit au niveau de l’administrateur central (selon le modèle de Baddeley, 1974). Barkley (1997 ; cité par Guay & Laporte, 2006), proposait également la présence d’un déficit central de l’inhibition de la réponse motrice dans le TDAH. Cette hypothèse est soutenue par plusieurs études démontrant que le déficit d’inhibition permettrait de discriminer les TDAH des autres populations. L’intérêt pour ce domaine est néanmoins récent et nécessite des recherches plus approfondies.

1.4.3 TDL et TDAH : comorbidité et chevauchement des déficits

Les troubles langagiers et attentionnels apparaissent rarement de manière isolée. En effet, le TDL et TDAH sont très souvent associés entre eux ou à d’autres troubles neurodéveloppementaux tels que les troubles des apprentissages, troubles moteurs, troubles émotionnels et comportementaux.

Le TDL et TDAH partagent alors un taux de comorbidité élevé, à hauteur de 20-40% selon Cardy, Tannock, Johnson et Johnson (2010). De plus, la littérature met aujourd’hui en évidence un chevauchement des atteintes entre ces deux pathologies avec la présence de déficits attentionnels et exécutifs chez les TDL et inversement de déficits langagiers chez les TDAH.

Déficits attentionnels et dans les fonctions exécutives chez les TDL

En lien avec les deux courants théoriques concernant le langage, deux groupes de théories s’opposent sur la nature des déficits langagiers : selon le premier, ce serait la représentation linguistique qui serait altérée ; selon le deuxième, des limitations dans les processus cognitifs généraux entraveraient le développement langagier. Cette dernière position est davantage soutenue dans la littérature mettant en évidence la présence de déficits cognitifs non verbaux chez les enfants

TDL. Selon Beitchman, Hood, Rochon et Peterson (1989) et Cantwell et Baker (1991), 20 à 40%

des enfants présentant des déficits linguistiques montreraient également des difficultés attentionnelles. Les TDL montrent par ailleurs des capacités limitées en attention soutenue auditive et visuelle (Ebert & Kohnert, 2011). Cette faiblesse attentionnelle entraînerait alors des limitations dans le traitement de l’information, ce qui freinerait par la suite les processus d’acquisition du langage (Finneran & al., 2009). Selon Kapa et Plante (2015), les difficultés rencontrées par les TDL s’observeraient également pour les FE et notamment pour l’ensemble des composantes présentes dans le « Developmental Integrative Framework Model » (Garon & al., 2008), c’est-à-dire l’attention sélective et soutenue, la MdT, l’inhibition et la flexibilité cognitive. Le déficit en MdT, et plus précisément l’atteinte de la boucle phonologique, est d’ailleurs bien connu chez les TDL puisqu’il est considéré comme un des marqueurs caractéristique de ce trouble (Delage et Frauenfelder, 2020). Pour rappel, selon Jakubowicz (2005 ; 2011) les capacités limitées en MdT seraient liées aux difficultés rencontrées pour le traitement des phrases complexes chez les TDL.

Montgomery et Evans (2009) ont en effet observé que les TDL montraient de moins bonnes performances en MdT et que leurs compétences en compréhension de phrases étaient inférieures à celles d’enfants de même âge mais similaires à celles d’enfants de même niveau de compétences en MdT. De plus, des corrélations entre les mesures de MdT et de compréhension de phrases simples et complexes ont été observées dans ce groupe, ce qui soutient d’autant plus la théorie de la complexité syntaxique (Jakubowicz, 2005 ; 2011)

Déficits langagiers chez les TDAH

Le TDAH est très souvent associé aux troubles des apprentissages affectant « l’expression orale, le langage écrit, l’acquisition des coordinations ou l’apprentissage des mathématiques » (Puerper-Ouakil & al, 2006). Selon Cohen et al. (1993) et Oram et al. (1999), 40 à 60% des enfants TDAH présentent des déficits langagiers comorbides. D’après plusieurs auteurs (voir Redmond, 2004), les TDAH montreraient en effet un retard dans l’apparition des premiers mots et des premières combinaisons de mots, des performances inférieures aux tests standardisés de langage ainsi que des difficultés pragmatiques. Selon une méta-analyse (Korrel, Muller, Silk, Anderson et Sciberras, 2017), de nombreuses données empiriques soutiennent la présence de déficits linguistiques généraux sur les versants expressif, réceptif et pragmatique chez les enfants TDAH. Cette atteinte du langage, observée même en l’absence de troubles langagiers comorbides, ferait alors partie

intégrante du profil TDAH. Elle découlerait en fait des atteintes dans les FE (Oram & al., 1999) et plus spécifiquement en MdT (Hutchinson & al., 2012).

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