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RELANCER L’ÉCONOMIE MAIS RESTER LUCIDE SUR L’ÉTAT DES COMPTES PUBLICS

TERRITORIALES

IV. RELANCER L’ÉCONOMIE MAIS RESTER LUCIDE SUR L’ÉTAT DES COMPTES PUBLICS

La préservation du tissu productif, qui est au cœur du plan de soutien du Gouvernement, est la bonne stratégie, tant sur le plan économique que budgétaire.

En dépit de la dégradation des comptes publics, avec un creusement du déficit et de la dette publics sans précédent, la commission des affaires

économiques soutient la stratégie gouvernementale consistant à mettre en place des mesures de soutien massives, sans chercher pour l’heure à augmenter les impôts ou à diminuer les dépenses, afin de préserver le tissu productif et à éviter la multiplication des dépôts de bilan en attendant la fin de la pandémie et la reprise de l’activité.

En effet, à court terme, le surcroît de déficit public lié à la crise de la Covid-19 ne devrait pas se traduire par une charge de la dette excessive dès lors que les coûts de financement de la France sont négatifs sur les échéances les plus courtes et se situent au voisinage de zéro à dix ans. Si la confiance des marchés et le soutien monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) paraissent donc de nature à prémunir la France contre une hausse de la charge de sa dette à court terme, il est cependant nécessaire de s’interroger sur la soutenabilité de la stratégie gouvernementale à moyen terme.

Une fois la situation économique revenue à la normale, il sera plus que jamais nécessaire d’infléchir progressivement la trajectoire d’endettement de la France, chaque crise nous rapprochant un peu plus du seuil au-delà duquel une hausse supplémentaire du déficit et de la dette publics est susceptible de remettre en cause la soutenabilité de la politique budgétaire. Il faut rappeler sur ce point que les charges d’intérêt de la dette, de 42,1 Mds d’euros en 2019, évoluent à la hausse avec les taux d’intérêt : un retournement de ces derniers nous exposerait donc à une charge rapidement insoutenable sur le plan des finances publiques.

Comme le souligne le rapporteur général de la commission des finances du Sénat dans un récent rapport, « garder une marge de manœuvre suffisante par rapport à ce seuil sera d’autant plus indispensable qu’il ne peut être apprécié avec exactitude. En effet, pour des niveaux d’endettement très élevés, un surcroît d’endettement de faible ampleur peut parfois se traduire par une élévation brutale des taux d’intérêt auxquels l’État se finance sur les marchés financiers »1.

Selon le troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR 3), le déficit public pour l’année 2020 devrait s’établir à 11,4 % du PIB, soit un niveau jamais vu depuis la création de l’Insee en 1946 et une dégradation considérable par rapport à l’année 2019 où le déficit avoisinait les 3 % du PIB et la dette 98 % du PIB.

1 Rapport n° 406 (2019-2020) de M. Albéric de MONTGOLFIER, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 avril 2020.

Le niveau estimé du déficit public dépasserait, de loin, celui qu’a connu la France au cours de crises précédentes. Suite à la récession de 1993, le déficit s’est établi à 6,4 % du PIB. Même après le déclenchement de la crise de 2008, pourtant sans doute la plus grave depuis 1929, les déficits publics n’ont jamais dépassé 7,2 % en 2009 et 6,9 % en 2010.

L’aggravation prévue du déficit public est la conséquence directe de la récession causée par la pandémie qui pèse en effet sur les deux composantes du solde budgétaire : elle réduit les recettes publiques, d’une part, et provoque une augmentation des dépenses publiques, d’autre part.

Tout d’abord, l’État subit une diminution de ses ressources proportionnelles à l’activité économique. Conséquence de la consommation atone au cours du confinement, les recettes de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ont ainsi chuté de plus de 8,5 milliards d’euros par rapport à la fin avril 2019. De même, le report des échéances fiscales a amputé les recettes d’impôt sur les sociétés (IS) de près de 12 milliards d’euros.

Dans le même temps, les dépenses publiques ont fortement augmenté pour pallier le recul de la dépense privée et atténuer l’impact de la crise. L’exécutif multiplie, à raison, les plans de soutien aux secteurs les plus touchés par la crise du Covid-19, comme le tourisme, l’automobile et l’aviation.

Selon le deuxième PLFR, les mesures de chômage partiel coûteraient 24 milliards d’euros, un montant relevé de 3,3 milliards d’euros par le troisième PLFR. Ainsi, pendant cette crise, plus que jamais, le budget de l’État joue à plein son rôle contra-cyclique.

Ce plan est cependant de moindre ampleur que le plan de soutien déployé par l’Allemagne, qui s’élève à 1 100 milliards d’euros, soit près d’un tiers de la richesse totale produite par ce pays. En outre, nos voisins allemands ont annoncé en juin un plan de relance de 130 milliards d’euros.

Une des raisons des capacités budgétaires considérables de l’Allemagne est la situation de ses finances publiques.

Alors que la France n’a plus eu de budget équilibré depuis 1974, et que le déficit public atteignait encore 3 % en 2019, l’Allemagne enregistre des

excédents budgétaires depuis 2014, celui de 2019 s’élevant à 1,4 point de PIB (et même à 1,9 point de PIB en 2018).

La comparaison est encore plus frappante en ce qui concerne la dette publique : nos voisins allemands ont abordé la crise avec un niveau de dette représentant 60 % du PIB, tandis que la nôtre atteignait quasiment 100 % en 2019.

Cette situation nous rappelle combien le sérieux budgétaire en période de « haut de cycle », s’il ne peut pas être l’horizon indépassable de toutes les politiques publiques, doit en tout état de cause être recherché et poursuivi.

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