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Chapitre III : Syndrome d’ischémie-reperfusion

1. Définition et physiopathologie

3.2. Recrutement leucocytaire

Dans les premières 24 heures qui suivent la reperfusion, un recrutement important de cellules immunitaires est observé. Cet infiltrat est principalement composé de PNN, de monocytes/macrophages et de différentes populations lymphocytaires innées (cellules NK) ainsi que des populations lymphocytaires T et B ayant un caractère inné (cellules NKT et B-1) (Figure

4).

Les monocytes/macrophages et les PNN. Dès 30 minutes suivant le déclenchement de la séquence d’IR, des PNN et des monocytes circulants (qui se différencieront in situ en macrophages pro-inflammatoires dits de type « M1 ») sont recrutés. Ce recrutement atteint un pic à β4 heures et persiste jusqu’à 7 jour post-IR (Ysebaert et al., 2000). Ces cellules de l’inflammation produisent des ERO, tels que le H2O2 et le NO et des cytokines pro-inflammatoires exacerbant les lésions tissulaires.

Figure 3 : Principales chimiokines impliquées en IR rénale et leurs cibles immunitaires. D’après Chung et al., 2011

30 Les PNN. Le recrutement et l’activation des PNN qui dépend en partie de l’IL-17 induit une

production d’IL-17A par ces dernières, de manière dépendante de l’IL-23. Cette boucle d’amplification permet d’attirer de plus en plus de PNN activés au site de l’inflammation, participant de ce fait à l’aggravation des dommages tissulaires (Li et al., 2010).

Les cellules NKT. Le recrutement de PNN, qui est requis dans la genèse des lésions rénales, met en jeu les cellules iNKT. En effet, le groupe d’Okuza a montré que les souris dépourvues de cellules iNKT avaient moins de lésions rénales et moins de recrutement de PNN producteurs d’IFN- et d’IL-17 (Li et al., 2007). Dans un travail indépendant, le recrutement des cellules NKT a été observé dès 3 heures après la reperfusion (Ascon et al., 2006). Il faut noter que les cellules NKT constituent une population lymphocytaire T hétérogène qu’on peut classer en NKT de type I et II. Pour une pathologie donnée, ces différentes sous-populations de cellules NKT peuvent avoir des fonctions opposées. En modélisation de l’IR rénale in vivo et in vitro, les cellules NKT de type II, après activation par le sulfatide, protègent les cellules tubulaires épithéliales contre les lésions d’IR. Cet effet protecteur passe par un mécanisme mettant en jeu HIF-1α et la cytokine anti-

Figure 4 : Analyse de l’infiltrat leucocytaire intra-rénal après IR chez la souris. Les

différentes populations leucocytaires ont été identifiées par cytométrie en flux dans la fenêtre des cellules vivantes CD45(+) 7AAD(-). D’après Li et Okusa, β010.

31 inflammatoire IL-10 (Yang et al.,β011). L’implication des cellules NKT de type I (cellules iNKT)

dans les phénomènes d’IR rénale fera l’objet de la partie III de notre introduction générale.

Les lymphocytes NK. Les travaux d’Ascon et al., et de Zhang et al. ont décrit un recrutement délétère des lymphocytes NK dans l’IR rénale. Ainsi, les cellules NK (CDγ(-) NK1.1(+)) sont recrutées de manière précoce, entre 3 à 4 heures après IR, pour décroître très rapidement, leur nombre dans le rein ischémié étant 24 heures post-IR inférieur à celui du rein contrôle (Ascon et al., 2006) (Zhang et al., 2008). De plus, la déplétion en cellules NK confère aux souris une protection contre les lésions d’IR. En miroir, la reconstitution des souris déficientes en cellules NK, par transfert adoptif, induit des lésions semblables à celles du phénotype sauvage. La modélisation in vitro, par la même équipe, a permis de proposer un mécanisme d’action expliquant

le rôle délétère des cellules NK en IR rénale. Au contact des cellules tubulaires épithéliales, qui surexpriment la molécule Rae-1, les cellules NK, via leurs récepteurs de surface NKG2D (pour « Natural Killer Group D2 »), dégranulent, libérant la perforine, ce qui provoque la mort des cellules tubulaires (Zhang et al., 2008).

Cellules T CD4(+). La littérature s’accorde pour attribuer aux cellules T CD4(+) un rôle clé dans

la genèse et le contrôle des lésions précoces et tardives accompagnant l’IR. Les lymphocytes T CD4(+) sont présents dans les lésions précoces d’IR rénale et persistent jusqu’à 11 semaines (Kinsey et al., 2010) (Day et al., 2006). Il s’agit de cellules effectrices de phénotype activé (CD69(+)) et effecteur-mémoire (CD44highCD62L(+)) qui contiennent le pool de cellules CD4(+) iNKT auxquelles on attribue des fonctions délétères (Day et al., 2006) (Li et al., 2007). Ainsi, les souris déficientes en cellules T CD4(+) sont protégées contre l’IR rénale.

A l’inverse, les lymphocytes Treg (CD4(+)CDβ5(+)FoxP3(+)), dont le recrutement commence dès 24 heures après la reperfusion (Kim et al., 2014) et persiste entre 3 à 10 jours post-IR (Gandolfo et al.,β009), limitent le processus inflammatoire par la production d’IL-10 (Kinsey et al., 2009). Le transfert adoptif de lymphocytes Treg avant la séquence d’IR rénale protège les souris contre les lésions rénales (Cho et al., 2010) (Kinsey et al., 2010) tandis que leur transfert adoptif après la séquence d’IR rénale diminue la production d’IFN- et accélère la réparation tissulaire (Gandolfo

et al., 2009).

Les lymphocytes B. Des fonctions protectrices et délétères ont été attribuées aux cellules B au cours de l’IR rénale (Burne-Taney et al., 2003) (Renner et al., 2010) (Jang et al., 2010). Les cellules B-1 auraient successivement des effets délétères et protecteurs sur le rein après IR. Ainsi, dès β4 heures après la reperfusion et sous l’effet de la chimiokine CXCL-13, les cellules B-1,

32 productrices d’IgM, migrent du péritoine vers le rein ischémié où elles exercent leur effet précoce délétère. Au bout de 3 jours, leur différenciation en cellules plasmablastiques exprimant CD126 leur permettrait, par un mécanisme mettant en jeu l’IL-10 et le VEGF, de faciliter la régénération tubulaire après une lésion rénale aiguë (Renner et al., 2010) (Jang et al., 2010). Indépendamment, la sous-populations B régulatrice (Breg) (CD1dhighCD5(+)) productrice d’IL-10 pourrait aussi exercer une fonction protectrice après IR rénale (Renner et al., 2010).

En conclusion, la physiopathologie de l’IR rénale implique des processus à la fois

biochimiques et immunologiques pour aboutir aux dommages tissulaires. La compréhension des mécanismes sous-jacents précoces impliqués dans l’initiation de la réponse immuno- inflammatoire permettra d’identifier des cibles thérapeutiques. Pour ce faire, l’élaboration de modèles expérimentaux tant cognitifs que pré-cliniques reste incontournable.

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Deuxième partie

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