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Chapitre III : Syndrome d’ischémie-reperfusion

1. Définition et physiopathologie

2.4. La réparation tissulaire et fibrose interstitielle

Les cellules tubulaires épithéliales du rein ont une capacité remarquable de régénération et de prolifération suite à une lésion rénale aiguë. Ce potentiel régénérateur leur permet de s’adapter à leur nouvel environnement et de garantir le maintien d’une fonction biologique normale. Il dépend de l’intensité et la durée du stress subi par le tissu. Ainsi, lors d’un stress biologique modéré, les cellules épithéliales endommagées sont capables d’initier des voies de réparation qui permettent une récupération et une réparation rapide de l’intégrité cellulaire. En effet, les cellules tubulaires ayant survécu au stress ischémique, via la régulation positive de HIF-1α, se dédifférencient en cellules mésenchymateuses pour combler le vide laissé par les cellules rénales mortes et in fine participer au remodelage et à la réparation tissulaire.

À l'inverse, un stress cellulaire sévère comme celui provoqué par l’IR conduit les cellules épithéliales tubulaires à activer les voies de mort cellulaire, entraînant une perte de cellules fonctionnelles dans le rein (Havasi et Borkan, 2011). Ce phénomène impacte la viabilité à long terme du rein et contribue au développement d’une fibrose tubulo-interstitielle pouvant conduire à une dysfonction rénale chronique (Venkatachalam et al., 2010).

Le rôle protecteur de HIF-1α et son implication dans la réparation tissulaire après IR rénale mettent en jeu les microARN et notamment le miR-127-3p (Conde et al., 2017). Ainsi, le rôle du miR-146a en tant que médiateur de la réponse tubulaire et inflammatoire après IR rénale, a été démontré par l’utilisation de souris déficientes en microRNA-146a « souris miR-146a-/-» qui présentent des lésions tubulaire sévères, un infiltrat inflammatoire important et une fibrose accrue. Le miR-146a protège des lésions d’IR en inhibant l’activité IRAK-1 (pour « IL-1 Receptor- Associated Kinase 1 »), l’expression de NF-κB (pour « Nuclear Factor-κB ») et par conséquent de CXCL-1, limitant ainsi le développement des lésions ischémiques responsables de l’insuffisance rénale aiguë (IRA) et la progression vers une insuffisance rénale chronique (Amrouche et al.,

2017).

Dans les cas extrêmes d’IRA, liée à l’IR, où le rein est incapable de se régénérer, une insuffisance rénale chronique s’installe. Cette dernière est généralement causée par la mise en place d’une fibrose interstitielle. En effet, l'IR entraîne des lésions tubulaires et vasculaires ainsi qu’une inflammation interstitielle devant être contrôlées pour éviter le développement de cette fibrose interstitielle.

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2.4.2. La fibrose interstitielle rénale

Le mécanisme pathologique de la fibrose rénale correspond à une accumulation excessive de la matrice extracellulaire, une prolifération des fibroblastes interstitiels résidents remplaçant le parenchyme rénal, une dilatation tubulaire, une atrophie et une infiltration de cellules inflammatoires résultant de l'apoptose et la nécrose des cellules tubulaires et un dysfonctionnement global de l’organe. Ainsi, l’étude des mécanismes fibrosants et l’indentification de molécules anti-fibrosantes sont d’une importance majeure.

La mise en place de la fibrose tubulointerstitielle met en jeu un ensemble de facteurs qui comprennent le TGF- , le CTGF (pour « Connective Tissue Growth Factor »), PAI-1 (pour « Plasminogen Activator Inhibitor-1 »), la voie de signalisation NFκB, la NADPH-oxydase, l’ostéopontine, le TNF-α, le bFGF (pour « Basic Fibroblast Growth Factor ») des molécules d’adhésion vasculaire comme VCAM-1 (Klahr et Morrissey, 2000) et le récepteur de la (pro) rénine (PRR). L’ensemble de ces facteurs entraîne une production accrue de protéines de la matrice extracellulaire, qui est principalement faite de fibronectine et de collagène.

Dans l’exposé qui suit, nous nous centrerons sur le TGF- et le PRR ainsi que sur l’implication particulière des péricytes.

La voie de signalisation la plus connue et la plus décrite dans la mise en place des phénomènes fibrosants est sans nul doute celle du TGF- , et en particulier de l’isoforme TGF- 1. Ce dernier est largement exprimé par toutes les cellules du rein et en particulier au niveau des glomérules, et par les macrophages. Au cours de l’IR, le stress oxydatif résultant provoque une augmentation de l'expression TGF- à la surface des cellules mésangiales. Cette surexpression est sous l’action de l'angiotensine II (Klahr et Morrissey, 2000) (Nogueira et al., β017). L’activation du TGF-

participe à la prolifération, la différenciation et la migration cellulaires, au contrôle de la réponse immunitaire, à la prolifération des fibroblastes et à la stimulation du stress oxydatif via l'activité de la NADPH oxydase mésangiale (Nogueira, Pires, et Oliveira, 2017). La conséquence est l’accumulation de matrice extracellulaire dense dans l’interstitiel rénal. La rénine et l'aldostérone semblent également avoir des effets fibrogènes et cet effet ne paraît pas dépendre de l’action de l’angiotensine II (Nogueira, Pires, et Oliveira, β017).

Une étude récente rapporte une surexpression du récepteur de PRR par l’épithélium tubulaire rénal après une IR rénale chez la souris. Cette surexpression est associée à une accumulation de fibronectine et d’α-SMA (pour « α-Smooth Muscle Actin ») ce qui favorise la fibrose interstitielle

26 l’analyse histologique de biopsie rénale a également révélé une surexpression de PRR rénale chez l’homme (Li et al., 2017). De nombreux travaux ont exploré la possibilité de prévenir pharmacologiquement la fibrose, partant d’observations cliniques et expérimentales. Ainsi, une administration d'α-Klotho, protéine fortement exprimée dans le rein et possédant des propriétés anti-fibrotiques, entraîne la réduction des lésions d’IR et atténue la fibrose interstitielle (Hu et al.,

2017).

Les péricytes, en se détachant de l’endothélium vasculaire après IR rénale, prolifèrent de manière excessive, perdent leur capacité à produire l’EPO (Érythropoïétine) et se transforment en myofibroblastes capables de synthétiser les composants protéiques de la matrice extracellulaire (Kloc et al., 2015) (Kramann et Humphreys, 2014). Les péricytes sont considérés comme la principale source de myofibroblastes. Ce processus de transformation est initié par la mise en jeu des voies de signalisation du VEGF, produit par les péricytes eux-mêmes, et du PDGF (pour « Platelet-Derived Growth Factor ») produit par les cellules endothéliales (Kramann et Humphreys, 2014) (Kloc et al., 2015).

Enfin, comme nous le traiterons dans le chapitre suivant, le système immunitaire inné a une place centrale dans le processus inflammatoire associé à l’IR rénale. Or il est aussi une composante essentielle de la réparation tissulaire et de la mise en place de la fibrose tubulointerstitielle. Ainsi, les macrophages pro-inflammatoires recrutés dans les heures qui suivent l’IR se polarisent au bout de 5 à 7 jours en macrophages anti-inflammatoires de type M2. Ces derniers produisent du TGF- et de l’IL-10 indispensables au processus de réparation tissulaire (Huen et Cantley, 2017). γ. Mécanismes de l’inflammation stérile médiée par l’IR

Les changements métaboliques, la production d’ERO, le stress du RE, les perturbations de la fonction mitochondriale et la souffrance tissulaire sont autant d’éléments complémentaires convergents de la réaction inflammatoire responsable des lésions associées à l’IR rénale. Cette inflammation, qui n’est pas déclenchée par un agent pathogène mais par des signaux liés au stress cellulaire, est dénommée « inflammation stérile ». A l’image de l’inflammation médiée par un agent pathogène, l’inflammation stérile met en jeu les cellules et les médiateurs de l’immunité innée afin de faire face aux dommages tissulaires et d’initier la réparation des dégâts engendrés. Selon cette définition, l’IR rénale en expérimentation animale est donc un modèle d’inflammation stérile. L’ensemble des données présentées ci-dessous sont issues de travaux de la littérature réalisés en modélisant l’IR rénale chez la souris.

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