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Chapitre I : Biologie des lymphocytes iNKT

2. Les lymphocytes iNKT

2.9. Les lymphocytes iNKT et la molécule CD1d

Comme déjà évoqué, c’est la molécule CD1d, appartenant à la famille CD1 des molécules de CMH de classe I non classiques et non polymorphiques, qui présente les antigènes lipidiques aux cellules iNKT.

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2.9.1. La famille du gène CD1

Chez l’homme, le locus CD1 situé sur le chromosome 1 comprend cinq gènes (CD1a à

CD1e). Dans les cellules myéloïdes, l’expression des gènes CD1a, CD1b, CD1c et CD1e est inductible et celle du gène CD1d est constitutive (Dascher et Brenner, 2003). Les protéines CD1a, CD1b et CD1c sont impliquées dans la présentation d’antigènes lipidiques d’origine exogène alors que la protéine CD1d est impliquée dans la reconnaissance des glycolipides tant exogènes qu’endogènes (Salio et al., 2014). Chez les rongeurs, le locus CD1 comprend seulement deux gènes : CD1d1 et CD1d2 qui sont homologues au CD1d humain (Dascher et Brenner, 2003).

2.9.1.1. Structure des protéines CD1

Principalement exprimées dans le thymus (Canchis et al., 1993), les protéines de la famille CD1, à l’image des molécules du CMH de classe I et II, sont composées d'une chaîne α transmembraire qui s'associe de manière non covalente à une chaîne β-microglobuline. La chaîne α se replie pour former trois domaines extracellulaires (α1, α2 et αγ). Les domaines α1 et αβ délimitent un sillon hydrophobe contenant une poche dans laquelle les ligands lipidiques se fixent. Pour la molécule CD1e, la chaîne α est clivée au niveau des endosomes tardifs entre les domaines αγ et le domaine transmembranaire, générant ainsi une forme soluble et active de CD1e qui reste dans le compartiment intracellulaire (Angénieux et al., 2000) (Salle et al., 2005).

2.9.1.2. La molécule CD1d

La protéine CD1d est donc une glycoprotéine transmembranaire de type « CMH-I-like », fortement conservée au cours de l’évolution, exprimée par la majorité des cellules hématopoïétiques et notamment les CPA. Ainsi, les DC, les monocytes/macrophages et les lymphocytes B sont capables d’interagir via leur CD1d avec les cellules iNKT (Salio et al., 2014). Peu exprimée par les organes non-hématopoïétiques, CD1d est néanmoins présente au niveau de l’épithélium intestinal, des voies biliaires (Tsuneyama et al. 1998), de l’épithélium tubulaire rénal (Canchis et al., 199γ) ainsi qu’au niveau des hépatocytes, des cellules de Küpffer et des cellules

endothéliales sinusoïdales du foie adulte (Agrati et al., 2005).

La molécule CD1d est synthétisée au niveau du réticulum endoplasmique où elle peut lier des glycolipides endogènes et être par la suite exportée vers la membrane plasmique (Brozovic etal.,

2004) (Dougan et al., β005). Une fois à la membrane plasmique, CD1d, à l’inverse des molécules

du CMH de classe I, présente les antigènes lipidiques grâce à ses deux poches hydrophobes (nommé A’ et F’) (Figure 22) (Moody et al., 2005). Les souris transgéniques CD1d-/- dont le gène codant CD1d est invalidé, ne possèdent ni cellules iNKT ni cellules NKT de type II, ce qui

93 confirme l’importance majeure de cette molécule dans le développement de ces populations lymphocytaires (Bendelac et al., 2007).

Figure 22 : Structure des molécules CD1d humaine et murine. D’après Moody et al., 2005

2.9.2. Ligands reconnus par les lymphocytes iNKT

La nature et l’origine des ligands restreints par CD1d restent peu connues. Néanmoins, plusieurs ligands présentés par CD1d ont été décrits comme possédant des effets activateurs sur les cellules iNKT. Les ligands identifiés jusqu’à maintenant sont des antigènes de nature lipidique ou glycolipidiques à caractère amphiphile possédant une tête hydrophile et une queue hydrophobe. Les chaînes alkyles de ces antigènes se positionnent dans les poches hydrophobes profondes alors que la partie hydrophile polaire reste à la surface de la molécule CD1d (Koch et al., 2005) (Salio

et al., 2014). Ceci facilite le contact avec le TCR à la fois de l’antigène et des deux chaînes α1 et αβ de CD1d. Ainsi, lors de la présentation de l’α-GalCer, les domaines CDR1α et βα hypervariables du TCR sont en contact direct avec le CD1d tandis que la boucle CDRγα du TCR interagit avec le ligand α-GalCer (Moody et al., 1997) (Koch et al., 2005) (Zajonc et al., 2005).

2.9.2.1. Ligands exogènes

L’α-GalCer fut le premier ligand des lymphocytes iNKT à être identifié, ceci en 1995, lors de recherches visant à identifier des composées anti-tumoraux issus de l’éponge marine Agelas mauritianus (M. Morita et al. 1995). Par la suite, la structure de cette molécule a été modifiée pour donner lieu à une molécule synthétique ou « KRN7000 » plus efficace que la forme naturelle (Kobayashi et al., 1995) (Yamaguchi et al., 1996).

94 Ce glycolipide, en se fixant au CD1d, permet l’activation du TCR des lymphocytes iNKT et leur production de cytokines. L’α-GalCer est un glycosphingolipide constitué d’une partie hydrophobe, comprenant un céramide qui se fixe dans la poche F' du CD1d et d’une chaîne acylée qui se fixe dans la poche A' de CD1d, permettantau galactose de se fixer au TCR (Moody et al., 1997) (Koch

et al., 2005) (Zajonc et al., 2005).

Des analogues structuraux de l’α-GalCer comme l’OCH (Miyamoto et al., 2001), le PBS-25 (Zajonc et al., 2005), le PBS-57 ou encore le Nu-α-GalCer (Aspeslagh et al., 2011) (Guillaume et al., 2015) sont également capables d’activer les cellules iNKT mais de manière moins efficace que l’α-GalCer (Carreño et al., 2016) (Figure 19).

Des ligands exogènes d’origine microbienne provenant pour la plupart de bactéries et reconnus par les cellules iNKT dans le contexte CD1d ont été identifiés. Ces composés comprennent le monogalactosyl-diacylglycérol BgGL-II, un α-galactosyl-diacylglycérol isolé de la bactérie

Borrelia burgdorferi (Kinjo et al.,β006), les α-glucosyl-diacylglycérols présents à la surface de la

bactérie Streptoccoccus pneumoniae (SPN-Glc-DAG) (Kinjo et al., β011), l’α-

galacturonocéramide GSL-1 (pour « GlucoSphingoLipid-1 »), composant principal de la paroi des bactéries du genre Sphingomonas (Sriram et al., 2005) (Mattner et al., 2005) (Bendelac et al,

.2007), le phosphatidylinositolmannoside (PIM) produit par Mycobacterium bovis (Brigl et al.,

2011) et enfin, un lipopeptidophosphoglycane (LPPG) isolé de la membrane du parasite protozoaire Entamoaba histolytica (Lotter et al., 2009).

L’ensemble de ces ligands exogènes naturels des cellules iNKT induisent leur production de cytokines et/ou stimulent leur pouvoir cytotoxique.

2.9.2.2. Ligands endogènes

Les constituants lipidiques des cellules des mammifères et notamment ceux des membranes biologiques comme les glycosphingolipides et les phosphoglycérolipides, représentent une source importante d’antigènes naturels capable de stimuler les cellules T non conventionnelles, y compris les cellules iNKT.

La molécule CD1d est susceptible de présenter des ligands endogènes comme le phosphatidylinositol (PI), le phosphatidylglycérol (PG), la phosphatidyléthanolamine (PE) ou le lysophos-phatidyl-éthanolamine (lysoPE) qui peuvent stimuler les cellules iNKT murines et humaines (Gumperz et al., 2000) ( Brennan et al., 2013). Mais la réactivité pour ces antigènes est considérée comme faible et souvent peu reproductible.

Il avait été proposé que l’isoglobo-trihexosylceramide (iGB3) soit le ligand naturel assurant la sélection thymique des cellules iNKT (Zhou et al,. 2004) mais plusieurs travaux ont infirmé cette

95 hypothèse, en particulier du fait que les cellules iNKT des souris invalidées pour l’iGbγ synthase ont un développement normal (Porubsky et al.,β007). D’autres antigènes ont été proposés comme

pouvant être des ligands naturels et physiologiques de la sélection thymique des cellules iNKT : des phospholipides, des gangliosides ou les galactocéramides (Bendelac et al., 2007).

Un des problèmes majeurs rencontrés dans la recherche du ligand endogène des lymphocytes iNKT était que parmi les antigènes expérimentaux, seuls ceux comprenant un anomère en position  du sucre, étaient capables de stimuler les cellules iNKT alors qu’un certain nombre d’arguments prédisait que les mammifères ne synthétisent pas de forme anomérique  (Kim et al., 2014). En raison de « l’impossibilité » de trouver des anomères  glycosphingolipides produits chez les mammifères, certains anomères  (dont le -GlucosylCeramide ou -GluCer) ont été testés, ceci avec succès (Brennan et al., 2011). Cependant, Kain et al., (2014) après avoir préparé du - GluCer, ont observé qu’après dégradation de cette préparation par de la -glucosidase, celle-ci conservait sa capacité à stimuler les lymphocytes iNKT. Dans un second temps, ils ont confirmé que les cellules de mammifères étaient susceptibles par une voie métabolique non identifiée de synthétiser l’-GalCer (Kain et al., 2014).