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CHAPITRE III MÉTHODOLOGIE

3.3 Le déroulement de l’enquête de terrain

3.3.2 Le recrutement

Si au départ nous recherchions un échantillon représentatif, cet objectif est rapidement apparu comme difficilement atteignable. En effet, le recrutement a été limité par plusieurs éléments hors de notre contrôle : le caractère – reconnu partout dans la littérature sur les recherches effectuées sur le graffiti – fermé et difficilement accessible de la sous-culture pour les outsiders, les limites de temps et les contraintes au regard de la disponibilité des participants et participantes potentielles. Nous avons donc dès le début renoncé à faire des sélections selon des critères sociaux ou culturels, déployant tout de même des efforts pour recruter plus de femmes. En effet, nous estimions que les perspectives de ces dernières offriraient des pistes d’analyse intéressantes quant à

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l’expérience de la normativité dans un milieu reconnu comme fortement masculin. Après la tenue des premières entrevues, nos critères de sélection se sont précisés et affinés, suivant les catégories de graffeurs et graffeuses auxquelles les participants à la recherche se sont identifiés ou comparés.

Globalement, nous cherchions à recruter des personnes s’identifiant comme graffeur ou graffeuse et étant impliquées dans la scène du graffiti à Montréal. La méthode « boule de neige » a orienté nos premières démarches en ce sens. Celle-ci consiste en une construction progressive de l’échantillon à travers une chaîne de références obtenues des informateurs280. Populaire dans le domaine des recherches sur la

déviance281, elle s’avère également être la méthode la plus efficace pour parvenir aux

populations marginalisées, cachées ou difficiles à atteindre282. Bien que

l’échantillonnage à partir d’un réseau de contacts présente des faiblesses évidentes quant à la représentativité des perspectives de personnes qui se retrouvent à l’extérieur du réseau en question, celui-ci demeure l’avenue la plus pratique dans le cas du graffiti, « due to the mutual trust needed in order to engage a criminalised group in a

research »283. Par ailleurs, bien qu’effectuées dans un souci d’avoir un échantillon plus

représentatif des diverses expériences de la pratique du graffiti à Montréal, nos tentatives de recrutement utilisant une autre méthode n’ont, pour la majorité des cas, pas été fructueuses. En effet, les contacts directs (plutôt que par l’entremise de références) avec des graffeurs et graffeuses sur Instagram ou Facebook n’ont été concluants qu’à l’égard de deux personnes dont le profil sur les réseaux sociaux fait également la promotion d’une pratique artistique ou de muraliste. Autrement, trois

280 Voir Patrick Biernacki et Dan Waldorf, « Snowball Sampling: Problems and Techniques of Chain

Referral Sampling » (1981) 10:2 Sociological Methods & Research 141 à la p 141.

281 Ibid à la p 142.

282 Noy, Chaim. « Sampling Knowledge: The Hermeneutics of Snowball Sampling in Qualitative

Research » (2008) 11:4 International Journal of Social Research Methodology 327.

283 Gemma Galdon Clavell et al, « The hands behind the cans » (2015) 1:1 Street Art & Urban Creativity

Scientific Journal 80 à la p 83; Voir également N Macdonald, Graffiti Subculture, supra note 90 aux pp 51, 55–57.

personnes ont pu être aisément recrutées à partir de notre propre cercle de connaissances.

Il faut dire qu’à mi-chemin au cours de la recherche de terrain, notre échantillon était relativement homogène (hommes avec plus de 10 ans d’expérience, devenus davantage impliqués dans le monde de l’art par l’entremise de l’emploi ou des études et qui s’identifient comme provenant de la génération précédente de graffeurs). Nous avions d’ailleurs appris au cours des entrevues effectuées l’existence d’une tension entre la nouvelle et l’ancienne génération de writers, et que celle-ci se manifestait, entre autres, par un rejet des règles du graffiti par les plus jeunes et le « bombage » assidu de murales. Nous avons donc questionné les participants qui nous ont semblé les plus avenants quant à la possibilité de nous référer à des femmes et à des graffeurs et graffeuses issus de la plus jeune génération ou qui pratiquent davantage le bombing. Nous avons ainsi pu recruter une personne de plus par l’entremise d’un des participants. D’autres participants ont répondu en offrant des recommandations, des pseudonymes de graffeurs et graffeuses à retrouver de nous-mêmes sur les réseaux sociaux, mais, mis à part pour un des informateurs, ils ont exprimé le désir qu’on ne mentionne pas que l’information provienne d’eux. Ainsi, plus d’une quinzaine de personnes (femmes et

bombers) ont été contactées sur le système de messagerie instantanée d’Instagram, que

ce soit via des recommandations, parce qu’elles ont été mentionnées dans une publication apparaissant dans notre fil d’actualités Instagram, ou encore parce qu’elles ont été nommées au cours d’une entrevue comme faisant partie du profil de bombers que nous recherchions. Seulement une poignée des personnes contactées ont répondu en manifestant un intérêt. Quoi qu’il en soit, cela n’a pas donné lieu, pour la majorité, à des entrevues ; au moment où nous les relancions plus spécifiquement pour fixer une rencontre à cette fin, nous faisions face soit à un refus, à une indisponibilité répétée ou simplement à une absence de réponse. Nous nous sommes également rendue aux boutiques Le Sino et Anonym Shop, informant l’employé sur place de ce projet de recherche et des profils recherchés. On nous a proposé de laisser nos coordonnées, nous

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informant qu’on tenterait de faire passer le mot. Nous n’avons reçu aucune nouvelles suivant cette démarche.