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Chapitre 4. L’athérosclérose

4.4. Rôle de l’immunité et de l’inflammation dans l’athérosclérose

4.4.3. Recrutement des cellules immunes à la paroi des vaisseaux

4.4.3.1. Adhésion des leucocytes à l’endothélium

Durant le processus initial de l’athérosclérose, les leucocytes mononucléaires incluant les monocytes et les lymphocytes vont adhérer à l’endothélium (figure 11). Pour ce faire, les ECs normalement résistantes à l’adhésion leucocytaire doivent être activées par divers médiateurs (oxLDL, TNF-α, IL-1, ROS) stimulant l’expression de protéines membranaires d’adhésion telles que VCAM-1 et ICAM-1 (Hansson 2001). L’induction de VCAM-1 et ICAM- 1 est en grande partie régulée par le facteur de transcription nucléaire (NF-κB), qui est activé par diverses cytokines et conditions inflammatoires (Collins et al. 1995). L’hypercholestérolémie est un autre facteur important qui favorise l’inflammation de la paroi vasculaire et l’expression de VCAM-1 par l’endothélium (Li et al. 1993). ICAM-1 est principalement exprimé par des mécanismes dépendants des cytokines et par le stress hémodynamique artériel, notamment en condition d’hypertension (Walpola et al. 1995).

Une fois adhérés à l’endothélium, les leucocytes vont migrer dans l’intima par transmigration endothéliale sous l’influence de facteurs chimioattractants. Divers types cellulaires (ex : ECs, SMCs, macrophages) produisent des molécules chimiotactiques nécessaires à l’attraction de cellules inflammatoire dans l’intima artérielle (Hansson 2001).

Parmi ces facteurs, le MCP-1 (monocyte chemotactic proteine-1) est le plus important et le plus caractérisé. En effet, il permet la migration et la diapédèse des monocytes adhérés vers l’espace sous-endothélial par sa liaison à son récepteur CCR2 (C-C chemokine receptor type 2) à la membrane monocytaire (Deshmane et al. 2009).

Figure 11. Étapes d’adhésion des leucocytes à l’endothélium et principales molécules impliquées. Figure adaptée de : (Vestweber 2015)

4.4.3.2. Macrophage : processus de différenciation et formation en cellule spumeuse Les macrophages sont des éléments clés dans l’athérosclérose participant à l’inflammation et à la formation de cellules spumeuses. Leurs actions dépendent largement de leur capacité à produire plusieurs médiateurs pro-athérogéniques comme des ROS, des cytokines, des chimiokines, des facteurs de croissance et des MMPs (Hansson 2001). Les différentes molécules produites vont alors contribuer à amplifier l’inflammation de la plaque, stimuler la prolifération des SMCs, mais aussi, à la déstabilisation de la plaque athérosclérotique. Les macrophages peuvent également déclencher une réponse immunitaire adaptative en présentant des antigènes pour différentes cellules immunes. Durant

l’athérogénèse, les monocytes localisés dans l’espace sous-endothélial vont se transformer en macrophages sous l’influence de facteurs de différenciations comme le M-CSF (macrophage- colony-stimulating-facteur). Le M-CSF est produit et sécrété par différents types cellulaires comme les macrophages, les ECs, les fibroblastes et les lymphocytes (Tojo et al. 1999). Plusieurs études ont confirmé l’importance du M-CSF dans le processus de différenciation des monocytes en macrophages. Par exemple, une diminution significative de l’athérosclérose est observée chez les souris hypercholestérolémiques déficientes en M-CSF (de Villiers et al. 1998; Smith et al. 1995).

Un des processus les plus importants dans l’athérogénèse est la transformation des macrophages résidents de l’intima en cellules spumeuses. Ce processus est caractérisé par une accumulation incontrôlée des oxLDL et du cholestérol estérifié dans les macrophages. Cette accumulation sous forme de gouttelettes lipidiques dans le cytosol des macrophages les transforme en cellules spumeuses (Yu et al. 2013). Afin de capter et d’internaliser les différents lipides, les macrophages doivent exprimer des récepteurs scavenger (SR) responsables de la reconnaissance et de la liaison des oxLDLs (figure 12). Les principaux récepteurs pour les oxLDLs sont le LOX-1, le SR-A et le CD36. De façon intéressante, les récepteurs SR-A et CD36 participeraient à 75-90 % de l’internalisation totale des oxLDLs dans les macrophages (Kunjathoor et al. 2002). L’expression de ses récepteurs est finement régulée par diverses cytokines dont les principales sont le TNF-α, IL-4, IL-6 et INF-γ. Ces cytokines sont sécrétées par différentes cellules (macrophages, TH-1, TH-2 et SMCs) (de Villiers et al. 1998). Les cellules spumeuses vont grandement contribuer à la formation du corps lipidique en libérant d’importantes quantités de lipides lors de leur mort par nécrose (Kunjathoor et al. 2002). Également, il est maintenant connu que les macrophages peuvent acquérir deux phénotypes différents (M1 et M2) possédant des fonctions inverses dans l’athérosclérose (Leitinger and Schulman 2013). Ce processus d’acquisition phénotypique est appelé polarisation des macrophages et sera discuté à la section suivante.

Figure 12. Formation de la cellule spumeuse. Récepteurs et mécanismes d’internalisation (bleu) et d’élimination (vert) des lipides par les macrophages. Voies de signalisation impliquées dans l’induction de l’inflammation et de l’apoptose par les oxLDL (rouge). Figure adaptée de : (Moore, Sheedy, and Fisher 2013b)

4.4.3.3. La polarisation des macrophages : diversité des phénotypes

Au cours des dernières années, plusieurs études se sont intéressées à mieux caractériser la grande diversité des populations de macrophages, notamment leurs différentes fonctions en condition pathologique. Malgré les progrès majeurs, les mécanismes précis menant à l’acquisition d’un phénotype particulier dans l’évolution de l’athérosclérose demeurent controversés. En effet, il est maintenant connu que les macrophages présentent des fonctions hautement hétérogènes, en fonction des stimuli et du micro-environnement dans lequel ils sont

localisés. Par exemple, ils peuvent changer de phénotype lors de dommages tissulaires, ce qui leurs confère une grande plasticité (Leitinger and Schulman 2013).

Classiquement, deux sous-types principaux de macrophages (M1 et M2) ayant des rôles inverses sont retrouvés dans les plaques d’athéromes (figure 13). Les M1 sont caractérisés pro- inflammatoires et pro-athérogéniques, alors que les M2 possèdent des fonctions inverses. En effet, les M2 sont impliqués principalement dans la phase de résolution inflammatoire, la réparation tissulaire et la régression de l’athérosclérose (Peled and Fisher 2014). Par exemple, il a été démontré que la quantité de M1 et de M2 est augmentée dans les plaques en progression. Toutefois, les M1 sont prédominants dans les plaques instables alors que les M2 sont nombreux dans l’adventice des plaques stabilisées (Stoger et al. 2012). Les stimuli et les mécanismes à l’origine de la polarisation des macrophages sont multifactoriels et divergent selon le micro- environnement. Les paragraphes suivants discuteront du rôle général des M1 et des M2 dans la phase de progression et de régression de la plaque athérosclérotique.

La polarisation des macrophages en M1 peut être induite par plusieurs stimuli tels que des ligands des récepteurs TLR (tool-like-receptor) incluant le LPS et l’IFNγ. Ces deux ligands sont fortement produits en condition hypercholestérolémique par les TH1. Les M1 sont reconnus pour générer de multiples médiateurs pro-inflammatoires comme le TNF-α, l’IL-1β, IL-6, IL- 12, iNOS et MMPs (Hanna et al. 2012; Peled and Fisher 2014; Leitinger and Schulman 2013). La sécrétion de ces divers facteurs a pour conséquence de maintenir l’environnement inflammatoire favorisant la progression de l’athérosclérose. De plus, la synthèse de MMPs contribue à la dégradation de la MEC menant à la formation de plaques instables et compliquées. La production de facteurs pro-athérorogéniques par les M1 stimule l’activation des ECs et des SMCs (Chinetti-Gbaguidi et al. 2011). Aussi, les M1 causent des altérations au métabolisme lipidique en diminuant l’expression d’ABCA1, un important transporteur inverse de cholestérol, ce qui favorise la formation de cellules spumeuses (Maitra, Parks, and Li 2009).

Figure 13. Polarisation des macrophages M1 vs M2 : rôles et caractéristiques. Figure adaptée de : (Laskin 2009)

Contrairement aux M1, la polarisation des macrophages en M2 est induite par des cytokines (IL-4 et IL-13) produites par les TH2 (Tiemessen et al. 2007). Les M2 sont caractérisés par l’expression de marqueurs comme le CD163 et le CD206, la production de cytokines anti-inflammatoires incluant que le TFG-β et l’antagonisme des récepteurs à l’IL-1 et l’IL-10. Basées sur le sécrétome spécifique des M2, des études ont confirmé qu’ils participent activement à la réparation tissulaire et que leur nombre est augmenté significativement dans les plaques d’athéromes en régression (Feig, Rong, et al. 2011; Feig, Parathath, et al. 2011). Toutefois, les mécanismes à l’origine de l’enrichissement en M2 dans les plaques en régression demeurent encore mal compris. Hypothétiquement, des études suggèrent que cet enrichissement pourrait être le résultat de trois processus: 1) le changement de phénotype M1 en M2 par le micro-environnement (Gordon and Martinez 2010), 2) le remplacement des M1 résidents par des M2 attirés aux sites athérosclérotiques (Llodra et al. 2004) et 3) la prolifération des M2 de

l’intima (Davies et al. 2013). La contribution des M2 à la régression de plaque est principalement liée à leur fonction lors du remodelage tissulaire et leur rôle anti-inflammatoire via l’IL-13. Par exemple, chez la souris hypercholestérolémique, l’IL-13 diminue le recrutement des monocytes en inhibant l’induction de VCAM-1. Aussi, le niveau d’expression d’IL-13 est inversement corrélé à la quantité de M1 et associé à une augmentation des M2 dans les plaques athérosclérotiques (Cardilo-Reis et al. 2012). Finalement, il a été démontré que l’hyperglycémie, un important facteur de risque cardiovasculaire, diminue l’enrichissement des M2 (Parathath et al. 2011). Parmi les autres fonctions bénéfiques des M2, nous retrouvons la sécrétion de collagène stabilisant la plaque (Schnoor et al. 2008) et leur capacité à éliminer les débris cellulaires empêchant ainsi l’expansion du corps nécrotique (Zizzo et al. 2012).