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Rôle du système rénine angiotensine (RAS) dans la dysfonction endothéliale

Chapitre 3. La dysfonction endothéliale à l’origine des maladies cardiovasculaires

3.6. Rôle du système rénine angiotensine (RAS) dans la dysfonction endothéliale

3.6.1 Généralité et fonctionnement du système RAS

Le système rénine-angiotensine (RAS) est un système hormonal complexe qui, par une cascade endocrinienne enzymatique, régule des processus importants impliqués dans la stabilité hémodynamique (Lumbers 1995). En effet, les principales fonctions du RAS en condition physiologique sont le contrôle de la pression sanguine artérielle et de l’équilibre hydrosodé. Toutefois, l’activation pathologique du RAS mène à l’hypertension, l’hypertrophie cardiaque et à la fibrose tissulaire (Ma et al. 2010a). De plus, la rigidité artérielle causée par la stimulation chronique du RAS contribue à la progression de l’athérosclérose et à diverses complications cardiovasculaires et rénales (Durante et al. 2012). En condition physiologique, le RAS est activé par une baisse de pression artérielle. La cascade enzymatique débute par la sécrétion de rénine par le rein, au niveau de l’appareil juxtaglomérulaire. La rénine va ensuite catalyser la transformation de l’angiotensinogène, une protéine inactive produite par le foie, en angiotensine 1 (Ang1). L’Ang1 (sous forme de peptide inactif) sera clivée par l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ACE) qui est sécrétée au niveau pulmonaire, pour former l’angiotensine 2 (Ang2). Finalement, l’Ang2 biologiquement active peut alors se lier et stimuler ses deux récepteurs spécifiques, soit l’AT1 ou l’AT2 (Ma et al. 2010a) (figure 7).

Figure 7. Implication du système RAS dans les maladies cardiovasculaires. La rénine catalyse la transformation d’angiotensinogène en angiotensine 1 (Ang1) qui est ensuite transformé en angiotensine 2 (Ang2) par l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ACE). L’Ang2 produite peut se lier et activer deux récepteurs membranaires (AT1 et AT2) possédant des effets opposés bénéfiques et pathologiques. La rénine et la pro-rénine (forme inactive de la rénine) peuvent également lier le récepteur de la pro-rénine (P)RR et induire des voies de signalisation variées (Nguyen et al, 2010). La rénine peut aussi être activée par un deuxième mécanisme non protéolytique par liaison au récepteur (P)RR causant un changement conformationnel de celle-ci et libérant sont site actif pour l’angiotensinogène (Carey et al, 2008). Finalement, l’Ang1 et l’Ang2 peuvent aussi être clivés en différents métabolites peptidiques comme l’Ang 1-7, un ligand pour le récepteur MAS (G protein-coupled receptor MAS) qui peut activer des voies de signalisation alternatives associées à des effets protecteurs au niveau cardiaque, rénal et cérébral (Bader et al, 2014). Figure adaptée de : (Rajagopalan et al. 2013)

3.6.2. Rôle pathologique de l’Ang2 dans la dysfonction endothéliale

Collectivement, les différentes études suggèrent que les principaux effets pathologiques de l’Ang2 sont associés à l’activation de son récepteur AT1. L’AT1 est le récepteur le plus connu et est responsable des effets de vasoconstriction. L’activation de ce récepteur est impliquée dans l’induction de l’activité de l’aldostérone, la réabsorption de sodium par le rein, l’hypertrophie du myocarde, la prolifération des SMCs et la stimulation du système sympathique. Le récepteur AT2 est moins connu et les données actuelles suggèrent qu’il possède des fonctions anti-athérogène inverses à l’AT1. En effet, l’AT2 serait impliqué dans l’apoptose, l’inhibition de la prolifération des SMCs, l’induction de l’angiogenèse et la vasodilatation (Esper et al. 2006). D’un point de vue pathologique, l’Ang2 joue un rôle très varié et favorise la dysfonction endothéliale (figure 7). Par exemple, l’Ang2 agit comme médiateur pro-inflammatoire stimulant la production de cytokines et de chimiokines contribuant à la migration de cellules inflammatoires dans les tissus (Ruiz-Ortega et al. 2001). Lors de ce processus, l’Ang2 favorise l’adhésion des monocytes et des neutrophiles à l’endothélium, par l’induction de molécule comme VCAM-1 via l’activation de son récepteur AT1 (Prasad et al. 2001). De façon plus directe, il a été démontré chez le rat que l’Ang2 cause la dysfonction endothéliale en diminuant l’expression de divers facteurs vasodilatateurs et en favorisant la production d’anions superoxydes (Rajagopalan et al. 1996). Des études cliniques ont aussi démontré que l’inhibition d’Ang2 par des antagonistes du système RAS permet d’améliorer la fonction endothéliale qui est altérée en condition pathologique (Donnelly and Manning 2007). Cette restauration serait favorisée par l’augmentation de facteurs vasodilatateurs comme le NO et par un effet antioxydant (Tojo et al. 1996; Lupi et al. 2006). Également, l’Ang2 favorise la production de ROS vasculaires en induisant diverses enzymes NOX (Wang et al. 2001; Griendling et al. 1994)1) dont la NOX2 (Araujo et al. 2011). Une étude a confirmé l’importance pathologique de l’action Ang2/NOX2 dans la dysfonction endothéliale en condition diabétique. En effet, il a été démontré que l’inhibition de la signalisation dépendante de l’Ang2 permet de restaurer l’activité d’eNOS et d’inhiber l’expression de NOX2, améliorant ainsi la fonction endothéliale (Oak and Cai 2007).

Globalement, la stimulation chronique du système RAS favorise la dysfonction endothéliale. Les principaux effets pathologiques sont la vasoconstriction, la réduction du NO, le remodelage vasculaire, la création d’un phénotype pro-oxydant et pro-inflammatoire. Également, il a été démontré que l’inhibition du système RAS permet de récupérer la fonction endothéliale par un effet antioxydant (Durante et al. 2012 ; Ma et al. 2010 ; Imanishi et al. 2008).

3.6.3. Effets bénéfiques potentiels des inhibiteurs de l’enzyme de conversion

(ACEI) et des bloqueurs des récepteurs de l’angiotensine (ARB).

Jusqu’à présent, les études ont démontré une certaine efficacité des ACEI et des ARB pour améliorer la fonction endothéliale. Par contre, l’efficacité reste ambiguë selon certaines études. Une des causes fondamentales liée à cette problématique est que les différents antagonistes sont associés à une inhibition incomplète du système RAS (Shafiq, Menon, and Victor 2008). Par exemple, l’utilisation d’ARB produit une rétroaction négative sur la sécrétion de rénine. Cette rétroaction favorise la réaugmentation du niveau de pro-rénine plasmatique. Également, les ACEI peuvent par des mécanismes compensatoires causer une réaugmentation d’Ang1, favorisant la restauration partielle de l’Ang2 par des voies de signalisations ACE- indépendantes (Shafiq, Menon, and Victor 2008). Dans cette optique, l’utilisation d’inhibiteurs directs de la rénine pourrait théoriquement empêcher la réaugmentation de la pro-rénine et d’Ang1. En effet, le blocage du site catalytique de la rénine empêche d’une part la conversion d’angiotensinogène en Ang1, une étape limitante dans la production d’Ang2, mais aussi, inactive la pro-rénine plasmatique réaugmentée par le rétrocontrôle négatif (Nussberger et al. 2002).

3.6.4. Potentiel thérapeutique de l’Aliskiren sur la fonction endothéliale

L’Aliskiren (rasilez) est le seul inhibiteur direct de la rénine utilisé cliniquement dans le traitement de l’hypertension (depuis 2007) (Sanoski 2009). L’Aliskiren est un inhibiteur chimique qui agit en liant le site actif de la rénine, bloquant ainsi l’accès pour l’angiotensinogène et inhibant sa transformation en Ang 1. Contrairement aux ACEi, l’Aliskiren est donc un inhibiteur très sélectif ciblant une étape limitante du RAS dans la génération d’Ang 2. En effet, comme l’angiotensinogène est le seul substrat de la rénine et que la diminution d’Ang 1 par

l’inhibition directe de la rénine cause une déplétion importante en Ang1 nécessaire à la formation d’Ang 2, la rénine est considérée comme l’enzyme limitante clé du RAS. En effet, les ACEi ne réduisent pas complètement la production d’Ang2 car l’Ang 1 peut être convertie en Ang 2 par des voies alternatives indépendantes de l'ACE. Au niveau de ses propriétés physicochimiques, l’Aliskiren possède une hydrosolubilité élevée lui conférant une biodisponibilité accrue. De plus, l’Aliskiren possède une affinité très élevée pour la rénine avec un IC50 de 0.6 nM. Il possède une demi-vie d’environ 24h. Chez l’humain, l’Aliskiren exerce un effet antihypertenseur de façon dose dépendante avec des doses cliniques de l’ordre de 150- 600 mg/jour. Il est aussi important de noter que l’Aliskiren ne bloque pas l’interaction entre la rénine et le récepteur de la pro-rénine (P)RR dont l’activité est liée à différents effets pathologiques et physiologiques encore mal compris. Toutefois, l’Aliskiren possède l’avantage d’inhiber aussi la rénine activée de façon non protéolytique par liaison rénine/(P)RR (Allikmets, 2007; Sun et al, 2017; Verdecchia et al, 2008).

Comme tous les médicaments, il possède des avantages et des limitations. D’une part, l’aliskiren semble avoir des effets controversés au niveau de l’athérosclérose (Nussberger et al. 2008; Mihai et al. 2013; Nicholls et al. 2013) et d’autre part, des effets bénéfiques sur la fonction endothéliale (Chang et al. 2016; Moriya et al. 2013). Par exemple, une étude clinique a montré que l’aliskiren n’a pas d’impact sur la progression de l’athérosclérose des coronaires chez les patients avec une pré-hypertension (Nicholls et al. 2013). Il a aussi été suggéré que l’Aliskiren pourrait augmenter les plaques aortiques en présences de pathologies cardiovasculaires pré- existantes (Mihai et al. 2013). L’étude de Nussberger et ses collègues a quant à elle démontré que l’aliskiren préviendrait la progression de l’athérosclérose chez les souris hypercholestérolémiques (Nussberger et al. 2008). Les résultats de ces études sont donc contradictoires et une investigation plus poussée au niveau de l’athérosclérose doit être effectuée.

Au niveau endothélial, l’Aliskiren possède des propriétés bénéfiques intéressantes. En effet, plusieurs études ont démontré que l’aliskiren améliore la fonction de vasorelaxation en stimulant l’activation de voies de signalisation impliquées dans la production de NO (Hung et al. 2016; Gu et al. 2016). De plus, l’Aliskiren possède une action anti-inflammatoire et anti- oxydante (Del Fiorentino et al. 2010; Choi et al. 2011). Plus particulièrement, elle permettrait

l’inhibition du TNF-α, un important médiateur inflammatoire dans les cellules endothéliales (Del Fiorentino et al. 2010).