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IV.3.1 Motivation

Dans la sectionIV.2.4, on a présenté une méthode qui permet d’obtenir une estimation correcte de l’état, tant qu’on s’intéresse aux cohérences entre |10ê et |01ê et pas au détail de la distribution de Fock. On a vu que cette méthode présente l’intérêt d’extraire plus rapidement l’information sur la phase de ces cohérences, en envoyant plus d’atomes qui y sont sensibles. Par ailleurs, cette méthode n’utilise que des atomes résonnants et ne né-cessite donc pas l’utilisation d’injections micro-onde, ni d’atomes dispersifs. Elle est donc plus facile d’emploi que la reconstruction qui utilise des mesures locales de la fonction de Wigner en plus des atomes résonnants. Cependant, on sait que les matrices d’effet obte-nues ne sont pas suffisantes pour espérer effectuer une tomographie complète de l’état. Par ailleurs, la présence d’artefacts sur les populations nous indique qu’elle n’est pas en mesure de reconstruire totalement la matrice densité. Dans ce chapitre, nous tentons de justifier qu’une telle tomographie, partielle, peut cependant être fiable pour étudier la cohérence

ρ10,01, qui est une des propriétés les plus intéressantes de l’état préparé, en particulier dans une perspective interférométrique. Cette approche peut aisément se généraliser à d’autres situations typiques en information quantique. En effet, la tomographie d’états quantiques est souvent un préalable à leur utilisation en vue de réaliser des protocoles d’information quantique. Dans ces protocoles, une information (le résultat d’un calcul, la valeur d’un paramètre physique qu’on souhaite mesurer) est souvent encodée dans une phase quantique ou, ce qui revient au même à un changement de base de mesure près, dans une population.

Afin d’assurer que la valeur obtenue pour la phase de ρ10,01 par la reconstruction de la section IV.2.4est fiable, on a préparé plusieurs états superposés avec des phases diffé-rentes, calibrées indépendamment. On a ensuite utilisé notre méthode de reconstruction et on a comparé la phase calibrée à celle obtenue par la reconstruction. Dans le but d’étudier le comportement statistique de la reconstruction et de le comparer aux barres d’erreur données par la reconstruction, on a aussi effectué une étude statistique systématique de la variance de la phase reconstruite.

IV.3.2 Préparation d’états de phases différentes et résultats obtenus. a) Protocole et calibration de la phase

Comme on l’a vu dans la section II.1, la phase φ de l’état |10ê + e|01ê dépend de la phase de la superposition atome-cavité |e, 0, 0ê + |g, 1, 0ê juste avant le transfert d’intrication de l’atome vers la deuxième cavité. On peut donc faire varier φ en modifiant la phase quantique relative entre les deux états atomiques |eê et |gê lors du trajet entre les deux cavités. Dans ce but, on applique un potentiel ajustable Vr sur une électrode de la zone de Ramsey située entre les deux cavités. Le déplacement des niveaux par effet Stark quadratique dépendant de ce potentiel, on peut alors modifier la phase de la superposition atomique. Afin de calibrer la variation de la phase de la superposition atomique avec Vr, on mesure la variation de la phase des franges de Ramsey entre R1 et R3 lorsque Vr varie. La figureIV.25 montre la variation de la phase atomique avec le potentiel appliqué. La phase varie de manière quadratique à cause de l’effet Stark. La courbe bleue est un

ajustement prenant en compte cette dépendance. On utilise cet ajustement pour calibrer la phase de l’état préparé.

Fig. IV.25 Probabilité de détecter les atomes QND dans |gê en fonc-tion du potentiel Vr appliqué à l’électrode R2 pendant leur traver-sée de l’expérience. La courbe en bleu correspond à un ajustement par la fonction Vr→ P0+ C/2 cos#2πf (Vr− V0)2+ ψ0$ avec les paramètres

P0 = 0.483 ± 0.001, C = 0.454 ± 0.003, f = 12.9 ± 0.4 V−2, V0= −0.03 ± 0.01 V et ψ0= 3.2 ± 0.5 rad. Les barres d’erreur importantes sur f et ψ0 sont dues au fait que ces deux paramètres sont liés et qu’on peut obtenir une courbe très proche de notre ajustement en les faisant varier conjointement. Si on fixe toutes les valeurs des paramètres qui jouent un rôle dans la phase sauf ψ0 et qu’on fait l’ajustement, on trouve des barres d’erreur de l’ordre de ±0.01 rad sur la phase. Les points φ(0), φ(1) et φ(2) ont été utilisés pour effectuer la reconstruction de trois états quantiques ˆρ(0), ˆρ(1) et ˆρ(2), différant uniquement par la phase des cohérences.

On choisit pour référence de phase la phase de l’état reconstruit dans le dernier pa-ragraphe de la session précédente. Cette phase est obtenue pour Vr = 0.320 ± 0.001 V. Notons ˆρ0 l’état correspondant. On a également préparé deux états ˆρ(1) et ˆρ(2) avec les potentiels respectifs Vr(1) = 0.346 ± 0.001 V et Vr(2)= 0.370 ± 0.001 V, correspondant aux phases respectives φ(1)= 1.52 ± 0.06 rad et φ(2) = 3.02 ± 0.06 rad. Ces potentiels sont ap-pliqués uniquement pendant le passage de l’atome injecteur. Les atomes sondes voient le

même potentiel pour les trois reconstructions. On dispose de 23888 matrices d’effet pour la reconstruction de ˆρ(1). Pour ˆρ(2), on en a 14467.

Fig. IV.26 Phases reconstruites par la tomographie par trajectoires en fonction des phases atomiques calibrées par les franges de la figureIV.25, en unités de π. Dans les deux cas, on a pris pour origine des phases la valeur obtenue pour la première des trois mesures, ce qui explique pourquoi il n’y a que deux points. Les barres d’erreur verticales sont celles obtenues par la reconstruction avec la formuleIV.3.2. Les barres d’erreur horizontales correspondent à l’incertitude sur la calibration due à l’incertitude sur Vr, qui vaut 1 mV.

La figure IV.27 montre les matrices densité reconstruites. Les matrices sont très proches les unes des autres, à l’exception de leur phase. Si on prend la valeur absolue pour rendre leurs phases quantiques identiques, on trouve les fidélités :

F1ρˆ(0)ML, ˆρ(1)ML2= 0.96, (IV.3.1a) F1ρˆ(0)ML, ˆρ(2)ML2= 0.95, (IV.3.1b) F1ρˆ(1)ML, ˆρ(2)ML2= 0.99. (IV.3.1c) La figureIV.26montre les phases mesurées φM L

0 = 0.91 ± 0.07 rad, φM L1 = 2.37 ± 0.08 rad et φM L

2 = 3.77 ± 0.06 rad correspondant respectivement à φ(0), φ(1) et φ(2). Les phases extraites de la reconstruction sont en accord avec les phases calibrées. Notre méthode permet donc d’extraire correctement l’information sur la phase de ρ10,01.

b) Incertitudes sur la phase

Les barres d’erreur fournies par la reconstruction sont censées nous donner une es-timation de la façon dont une grandeur mesurée varie, lorsqu’on répète plusieurs fois la

procédure entière de reconstruction. Afin de tester si elles remplissent correctement ce rôle, nous les avons comparées aux barres d’erreur statistiques correspondant à plusieurs reconstructions du même état. Dans ce but, on a utilisé les données utilisées pour la re-construction de ˆρ(1). On en a extrait 18000 trajectoires. Ces trajectoires ont ensuite été séparées en groupes de R trajectoires, pour différentes valeurs de R entre 100 et 9000. Pour chaque valeur de R, on tire aléatoirement les groupes de trajectoires. On effectue ensuite une reconstruction pour chaque groupe, dont on extrait une valeur de la phase φ. On calcule alors l’écart-type ˜σφ,R. Par ailleurs, notre méthode nous permet de calculer des barres d’erreur sur les éléments de la matrice densité, à l’aide de la formuleIII.4.13. On peut donc en tirer une barre d’erreur σ (φ) sur la phase, sous la forme :

σ (φ) = ñ (y10,01σ (x10,01))2+ (x10,01σ (y10,01))2 r2 10,01 , (IV.3.2) où x10,01= ℜ(ρ10,01), y10,01= ℑ(ρ10,01) et r2 10,01= x2 10,01+ y2 10,01.

Afin d’obtenir des résultats plus significatifs, on applique une méthode de bootstraping en répétant la procédure précédente 4 fois avec des tirages indépendants des groupes de trajectoires. On note alors éσ (φ)êR la moyenne de σ (φ) pour tous les groupes de R trajectoires des 4 tirages. On compare cette valeur à la moyenne ˜σφ,Rsur les 4 réalisations de l’écart-type.

La figure IV.28 montre les résultats de cette étude. On peut tout d’abord remarquer que les valeurs de éσ (φ)êR sont proches des incertitudes statistiques lorsqu’on répète la reconstruction. Elles fournissent donc une estimation correcte de celle-ci. On peut cependant remarquer qu’elles sont légèrement surestimées. Ceci est dû au fait qu’elles prennent uniquement en compte les variations locales de la vraisemblance au voisinage de son maximum. Elles ne permettent donc pas de prendre entièrement en compte les contraintes sur la matrice densité, qui limitent les états accessibles à la reconstruction et donc les plages de variation accessibles à leurs paramètres. On peut aussi remarquer que ˜σφ,R suit la décroissance attendue en 1/R, comme l’atteste l’ajustement en bleu.

L’insert de la figure IV.28 montre un histogramme des résultats obtenus pour la phase, pour 800 reconstructions effectuées avec R = 800. La courbe bleue est une gaussienne de largeur ˜σφ,R. On voit que l’intervalle d’incertitude de la valeur calibrée, en vert est en accord avec celui donné par la reconstruction. On peut de plus constater que la barre d’erreur éσ (φ)êR, figurée par la gaussienne rouge, est proche de l’incertitude statistique, mais légèrement plus élevée.

En conclusion, la phase quantique φ(1)M L extraite de la reconstruction correspond bien à la phase calibrée φ(1). Son incertitude a de plus le comportement statistique attendu et on peut en donner une borne supérieure à l’aide de σ (φ). La reconstruction, même si elle ne permet pas en théorie de reconstruire parfaitement l’état, fournit donc des résultats valides pour la phase en question.

(a) ˆρM L(φ(0))

(b) ˆρM L(φ(1))

(c) ˆρM L(φ(2))

Fig. IV.27 Matrices densité reconstruites pour les phases quantiques

φ(0)= 0 rad, φ(1)= 1.52 rad et φ(2)= 3.02 rad. Pour la phase φ(1), les barres d’erreur sur les populations sont tronquées. Elles valent σ (ρ01,01) = 0.57 et