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I.5 Techniques d’électrodynamique quantique

II.1.3 Propriétés de l’état |10ê + |01ê

L’état |10ê + e|01ê est un état propre de l’opérateur parité globale, qui contient un seul photon. L’information pertinente pour l’interférométrie dans cet état est la phase quantique. Lorsqu’on laisse évoluer cet état dans les deux cavités, à des échelles de temps suffisamment faibles devant la décohérence, il se transforme comme :

|10ê + e0|01ê Ô→ e−iωc1(t−t0)1|10ê + e0−iδ(t−t0)|01ê2, (II.1.5) Ô→ ˆR1(−ωc1t) ⊗ ˆR2(−ωc2t)1|10ê + e0|01ê2,

où δ = ωc2− ωc1. Il s’agit de l’évolution déjà mentionnée dans la sectionI.1.4. La fonction de Wigner de l’état |10ê + |01ê a pour équation (voir annexeE)

Fig. II.3 Fonction de Wigner de l’état |70ê+|07ê. ℜα1et ℑα1varient entre -1,5 et 1,5. ℜα2 et ℑα2 varient entre -3 et 3. La fonction est invariante par rotation d’un des paramètres complexes d’un septième de tour. Le contraste est exagéré pour plus de visibilité.

(a) Fonction de Wigner de l’état |10ê + |01ê

(b) Fonction de Wigner de l’état |10ê − i |01ê

Fig. II.4 Fonctions de Wigner des états |10ê + |01ê et |10ê − i |01ê. Après une durée π/(4δ), l’état |10ê + |01ê est transformé en l’état |10ê − i |01ê. La phase de cet état nous renseigne donc sur le désaccord entre les cavités.

Elle est tracée figure II.4a. Lorsque l’injection est nulle dans les deux cavités, on mesure simplement la parité de l’état qui vaut -1 puisqu’il y a un nombre impair de photons. Si on injecte dans les deux cavités en phase, la fonction de Wigner devient positive lorsque les amplitudes d’injection sont suffisamment grandes, tandis qu’elle est négative si on injecte dans les deux cavités en opposition de phase avec la même amplitude. On verra dans le paragraphe suivant une façon d’interpréter cette propriété. La figureII.4bmontre la fonction de Wigner de l’état |10ê − i |01ê. Celle-ci correspond à l’état obtenu après un quart de période d’évolution à la pulsation −δ. Les fonctions obtenues en balayant α2 ont tourné d’un quart de tour dans le sens anti-trigonométrique.

Fonction de Wigner à un photon et changement de base

Pour mieux comprendre la fonction de Wigner de l’état |10ê+|01ê, on peut effectuer un changement de base de modes pour prendre une base qui prend directement en compte la délocalisation du photon. On va supposer pour simplifier que les deux modes ont la même fréquence et la même pulsation de Rabi Ω0 au centre du mode, positive. Considérons les opérateurs d’annihilation ˆb1 et ˆb2 définis par :

ˆb1 = ˆa1+ ˆa2

2 , ˆb2= aˆ1− ˆa2

2 . (II.1.7)

Ces opérateurs vérifient :

è ˆbi, ˆbié= 1, (II.1.8a) et, pour i Ó= j, è ˆbi, ˆbjé= 0, (II.1.8b) è ˆbi, ˆbjé= 0, (II.1.8c) ce qui en fait une base de modes convenable pour le champ compris dans les cavités. On vérifie par ailleurs que :

ˆb

1ˆb1+ ˆb2ˆb2 = ˆa1ˆa1+ ˆa2ˆa2. (II.1.9) Le terme d’interaction du hamiltonien de Jaynes-Cummings peut se récrire dans cette nouvelle base : ˆ Hint= −i~Ω20 1σˆ+ˆb1f˜1(r) − ˆσˆb 1f˜1(r) + ˆσ+ˆb2f˜2(r) − ˆσˆb 2f˜2(r)2, (II.1.10) avec ˜ f1(r) = f1(r) + f2(r) 2 , ˜ f2(r) = f1(r) − f2(r) √ 2 . (II.1.11) Ces fonctions sont montrées sur la figure II.5b. Il s’agit d’un changement de base non local : la nouvelle base fait intervenir des modes qui ont des composantes sur les deux cavités.

Dans cette nouvelle base, l’état s’écrit simplement : |10êa√+ |01êa

2 = ˆb

(a) Fonctions de répartition spatiale as-sociées aux modes ˆa1 et ˆa2.

(b) Fonctions de répartition spatiale as-sociées aux modes ˆb1 et ˆb2.

Fig. II.5 Changement de mode {ˆa1, ˆa2} ↔ {ˆb1, ˆb2}. Les modes de la première base sont localisés chacun sur une cavité, tandis que ceux de la deuxième sont délocalisés sur les cavités et diffèrent par la phase relative des champs associés aux deux cavités.

Il s’agit d’un état dans lequel un photon se trouve dans le mode ˜f1. On peut exprimer la fonction de Wigner de l’état |10ê + |01ê à partir de la fonction de Wigner dans la base {ˆb1, ˆb2}. En effet, on montre facilement que :

ˆ

Da11) ˆD2a2) = ˆDb1( ˜α1) ˆDb2( ˜α2), (II.1.13) où ˆDik désigne un déplacement dans le mode i de la base k et où

˜ α1= α1+ α2 2 , α˜2 = α1− α2 √ 2 . (II.1.14) Comme l’opérateur parité est le même dans les deux bases, en vertu de l’identité II.1.9, on en déduit qu’on a l’identité :

W|10ê+|01ê1, α2) = W|10ê( ˜α1, ˜α2). (II.1.15) Lorsqu’on choisit des amplitudes complexes égales α1= α2 = α de la fonction de Wigner de l’état |10ê + |01ê, on a ˜α1 =√

2α et ˜α2 = 0. La fonction obtenue est donc la fonction de Wigner d’un état de Fock à un photon dans un seul mode :

W|10ê+|01ê(α, α) = W|1ê(√

2α). (II.1.16)

Si on prend en revanche des amplitudes de phases opposées α1= −α2= α, alors ˜α1 = 0 et ˜

α2=√

2α. On obtient la fonction de Wigner du vide, qui est multipliée par -1 puisqu’on a toujours 1 photon dans le mode ˆb

2 :

W|10ê+|01ê(α, −α) = −W|0ê(√

2α). (II.1.17) On a donc montré qu’on pouvait voir l’état |10ê+|01ê comme un état de Fock monomode, dans une base adéquate, au prix d’utiliser des modes qui présentent plusieurs composantes séparées dans l’espace. C’est en fait toujours possible pour un état à un photon ( [43], chapitre V). Ce ne serait plus le cas pour un état noon à plusieurs photons.

Oscillations de la fonction de Wigner

Lorsqu’on fixe les modules de α1 et α2 et qu’on fait varier φw ≡ arg α1 − arg α2, la fonction de Wigner des états noon varie sinusoïdalement. L’oscillation qui en résulte effectue une période lorsque φw varie de 2π. On peut montrer que le contraste maximum est obtenu lorsque |α1| = |α2| ≡ r.

La figure II.6montre des coupes de la fonction de Wigner pour α1 = α2 ∈ R, c’est-à-dire pour φw = 0, pour différents états. On retrouve les résultats du paragraphe précédent. La fonction de Wigner de l’état |10ê + |01ê est égale dans ce cas, à une homothétie près, à celle d’un état de Fock à un photon dans un mode. La fonction de Wigner de |10ê − |01ê est quant à elle égale à l’opposé de celle de l’état vide. Enfin, les coupes des fonctions de Wigner des états |10ê ± i |01ê, |10ê, |01ê et |10ê é10| + |01ê é01| sont identiques et situées entre les courbes de |10ê + |01ê et |10ê − |01ê. Pour distinguer la fonction de Wigner de l’état |10ê + i |01ê et celle de l’état mélangé, il faut changer φw. En faisant varier la phase de l’état |10ê + e|01ê, on obtient un ensemble de courbes qui balaie l’espace compris entre les courbes obtenues pour |10ê + |01ê et |10ê − |01ê.

Le contraste CW obtenu lorsque φw varie, pour r donné, est égal à la différence au point r entre la fonction de Wigner de l’état |10ê+|01ê et celle de |10ê−|01ê. La figureII.7 montre son évolution en fonction de r. Le maximum de contraste est atteint pour r = 1/2 et vaut CW = 0.736. Il s’agit cependant d’un contraste de la fonction de Wigner, qui varie entre -1 et 1. Le contraste sur l’oscillation de probabilité est deux fois plus faible et vaut donc 0.368. Cette valeur est assez faible, alors qu’il s’agit de la plus grande distance sur deux mesures entre deux états purs orthogonaux. La fonction de Wigner ne semble donc pas être l’outil le plus approprié pour discriminer les états noon.

État |10ê + |01ê et intrication

L’état |10ê+|01ê est un état maximalement intriqué des deux cavités. Une manière de le montrer serait de mesurer un signal de Bell en transférant l’intrication des cavités vers deux atomes et en mesurant ceux-ci. Cette méthode constitue une preuve définitive de l’intrication mais nécessite de faire des expériences à trois atomes, coûteuses en temps de mesure. Elle est par ailleurs sensible aux imperfections expérimentales et en particulier à la décohérence. En dessous d’un certain seuil, elle ne permet plus de mettre en évidence l’intrication, même si l’état n’est pas séparable. Enfin, la mesure du signal de Bell ne donne que très peu d’information sur l’état quantique du système.

Un autre critère pour détecter l’intrication pour des états à deux modes est la violation d’une inégalité de Bell généralisée, dans la fonction de Wigner [67] [68]. Cette méthode a été proposée pour des états chats de Schrödinger pour notre dispositif [66] et récemment démontrée pour un champ micro-onde couplé à un circuit supraconducteur [69]. Elle est cependant peu adaptée aux états noon. En effet, leur fonction de Wigner a une enveloppe gaussienne centrée sur l’origine, tandis que les termes dus aux cohérences non locales sont nuls à l’origine, ce qui réduit la valeur qu’on peut espérer observer sur un signal de Bell dans l’espace des phases. Il devient alors plus difficile de mettre en évidence une violation d’inégalité de Bell, et même impossible pour n ≥ 3.

Dans la suite, nous allons développer une autre approche, inspirée de l’interférométrie, pour étudier les cohérences non locales responsables de l’intrication de l’état |10ê + |01ê.

Fig. II.6 Fonctions de Wigner de différents états pour une injection identique dans les deux cavités α1 = α2 = r. La courbe obtenue pour l’état |10ê + i |01ê est identique à celles obtenues pour les états |10ê − i |01ê, |10ê, |01ê et |10ê é10| + |01ê é01|.