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5.3. F ORÇAGE ORBITAL DANS LE DEVELOPPEMENT ET LA DISTRIBUTION DES PALEOSOLS

5.3.4. Reconstitution des paléoenvironnements et des pédofaciès

Bien que les environnements de dépôt des coupes aient déjà été déterminés par l’analyse des faciès et microfaciès (en Annexe), nous voyons ici comment les index, ainsi que les diagrammes isotopiques croisés, aident à la reconstitution paléoenvironnementale.

Les deux index sédimentologiques donnent des informations supplémentaires sur les différents environnements identifiés à partir de l’analyse des faciès, notamment en ce qui a trait à l’élévation de la nappe et la toposéquence (Fig. 5.13 & 5.14).

L’index d’hydromorphie - . L’évolution verticale de l’hydromorphie, dans les deux coupes étudiées, est très parallèle à celle des environnements (Fig. 5.13). Ainsi, dans la coupe de Beynes, les valeurs de IHyd augmentent régulièrement jusqu’à un maximum entre 70 et

90 m, correspondant à l’environnement lacustre/palustre (Fig. 5.13A). De même, sur la coupe du Saule Mort on observe, après une tendance à la diminution (0-50 m), une augmentation jusqu’à un maximum vers 86-102 m, également dans l’environnement lacustre/palustre (Fig.

5.13B). Dans les deux coupes, l’index diminue globalement ensuite, mais de manière très

irrégulière dans les environnements de plaine d’inondation. Les fortes valeurs d’hydromorphie sont donc associées aux environnements lacustres, peri-lacustres et de ceinture de chenaux, où le drainage est faible et où le niveau de la nappe est le plus proche de la surface. A l’opposé, les paléosols non hydromorphes (IHyd de 1 ou 2) sont restreints à la

base de la coupe et appartiennent aux environnements alluviaux distaux et palustres, mieux drainés et/ou avec une nappe plus profonde. L’ambivalence du milieu palustre, tantôt hydromorphe, tantôt oxydé, peut être expliqué par des variations dans l’amplitude de battement de la nappe. Celles-ci pourraient être mises en relation avec l’évolution au long terme du niveau de base : par comparaison avec le découpage séquentiel, un milieu lacustre/palustre « rouge » marquerait un bas niveau (SBZ) alors qu’un intervalle lacustre/palustre « gris » serait plutôt associé à un haut niveau (MFZ).

L’index d’accumulation des carbonates - . L’évolution verticale de la maturité des sols (ICa) est plus complexe puisqu’elle reflète l’influence de plusieurs facteurs : le degré de

drainage du sol (un sol drainé facilite l’ETP et donc la précipitation des carbonates), la distance au chenal (temps de formation), la nature de la « roche mère » (carbonatée ou non), le climat (notamment les précipitations) (Fig. 5.14).

Sur la coupe de Beynes, les valeurs d’ICa sont globalement décroissantes avec une légère

remontée/stabilisation sur les 25 derniers mètres. Ces résultats montrent au premier abord une évolution depuis un environnement drainé et à forte ETP (alluvial distal) à un environnement moins drainé (lacustre) ; cette évolution est néanmoins localement amplifiée (10 m) ou inversée (40-55 m) par la nature du substrat, très carbonaté par endroit, particulièrement en domaine palustre, où la pédogénèse s’installe sur les carbonates lacustres (Fig. 5.14A). Le signal ICa sur la coupe du Saule Mort est marqué par les très nombreux calcaires palustres,

créant des oscillations surnuméraires et de grande amplitude, traduisant un biais par la nature du substrat (Fig. 5.14B). On note toutefois des phases globales de plus grande maturité (0-23 m, 36-55 m) correspondant aux environnement de dépôts bien drainés.

Comme pour l’hydromorphie, les valeurs hautement fluctuantes d’ICa sont associées aux

dépôts de plaine d’inondation. Les valeurs les plus faibles correspondent aux faciès silteux

Fig. 5.13. Evolution de IHyd et paléoenvironnements des coupes de Beynes et du Saule Mort. A. Coupe de Beynes. B. Coupe du Saule Mort.

lacustres et aux sables de plaines d’inondation proximale où le taux de sédimentation élevé à dû jouer un rôle majeur. En contrepartie, les valeurs maximales sont liées aux faciès palustres, puisque déjà carbonaté à l’origine, ainsi qu’à quelques paléosols du bas de la coupe, où le développement de l’horizon Bk a été favorisé par un bon drainage/ETP ainsi qu’un taux de

sédimentation plus faible.

La comparaison de l’index d’accumulation des carbonates développé dans cette étude avec celui de Machette (1985), sur l’exemple de la coupe de Beynes, montre que, bien que les deux indices donnent des résultats similaires, celui de Machette ne différencie pas les paléosols correspondant à des ICa de 0 à 5% et qui constituent pourtant la majeure partie des

paléosols de la série (Fig. 5.14 C).

Fig. 5.14. Evolution de la maturité des paléosols des deux coupes étudiées. A. Coupe de Beynes. B. Coupe du

Saule Mort. C. Index de maturité de Machette (1985) pour la coupe de Beynes.

Une troisième façon de caractériser l’évolution paléoenvironnementale est l’utilisation des diagrammes croisés δ18O/δ13C (voir section 3.2.4.2). L’application aux données de la

coupe de Beynes par exemple illustre très bien les variations d’environnements (Fig. 5.15). L’ensemble des points isotopiques est assez concentré en une même zone, incluse dans le

paysage restait littoral ; l’ensemble de la série est, nous l’avons vu en effet, de type deltaïque/plaine côtière, et le trait de côte ne devait pas être éloigné de plus de quelques kilomètres, ce que confirment les dépôts tidaux contemporains de la région de Digne (Auribeau, Saint Symphorien, Maurel, voir Couëffé, 2003).

Nous avons regardé de plus près l’évolution de la position de ces points dans le diagramme (Fig. 5.15 C). Il s’avère que l’on peut distinguer 6 ensembles chronologiques : le premier, avec les couples 18O/13C les plus enrichis, est assez flou, il correspond à des environnements variés (cône alluvial, marécage) qui ne sont visiblement pas individualisés ici. Les groupes II, III et IV montrent un appauvrissement régulier des couples 18O/13C, une

évolution parallèle à celle de l’hydromorphie (Fig. 5.13A). Les deux derniers groupes (V et VI) montrent un retour à un enrichissement relatif des couples 18O/13C, de même en parallèle des chutes de IHyd observées.

La question de la signifiance (au sens chimique) de variations isotopiques aussi fines (parfois de l’ordre de 0,1‰, l’erreur analytique étant de 0,06‰) peut être discutée, toutefois, la coïncidence des deux évolutions ne peut être ignorée. Le diagramme couplé étant un indicateur d’environnement, dans notre cas plus ou moins côtier ou continental, la similarité de son évolution avec celle de l’hydromorphie nous permet d’en déduire que l’hydromorphie serait liée au niveau de base, en relation avec le niveau marin, comme proposé en section 4.5.2. L’outil du diagramme isotopique croisé serait, dans cet exemple au moins, un appui à l’interprétation séquentielle des dépôts.

A la suite des différentes approches (analyse de faciès, index sédimentologiques et diagramme isotopique), les environnements, pour les coupes de Beynes et du Saule Mort, ont été reconnus :

Coupe de Beynes

- De 0 à 8 m, les lentilles conglomératiques (assez bréchiques), avec des paléosols peu développés et marmorisés marquent un environnement alluvial ;

- De 8 à 24 m, les paléosols sont unicolores et très « rouges », les faciès associés sont des calcaires palustres. L’ensemble est interprété comme un domaine péri-lacustre soumis à de fortes périodes d’assèchement ;

- De 24 à 34 m, de rares lentilles conglomératiques et des paléosols marquent un environnement de transition vers le cône alluvial ;

- De 34 à 42 m, on retrouve l’association de faciès du premier intervalle ;

- De 42 à 57 m, l’association de faciès lacustres/palustres, de paléosols hydromorphes et de chenaux conglomératiques indique un environnement de transition entre le cône alluvial et le lac ;

- De 57 à 90 m, les calcaires palustres et les paléosols hydromorphes indiquent un environnement sinon lacustre vrai, en tout cas palustre. La faible étendue (quelques centaines de mètres) des calcaires amènent à interpréter ces étendues d’eau comme des étangs/marécages (équivalents aux ponds anglo-saxons). Bien que d’hydromorphie opposée, cet intervalle correspond au même environnement que le 8-24 m.

- De 90 à 150 m, faciès et pédofaciès indiquent une transition progressive depuis un environnement de ceinture de chenaux vers une plaine d’inondation plus distale.

Fig. 5.15. Evolution des paléoenvironnements d'après les diagrammes isotopiques δ18O/δ13C. A. Rappel du modèle de Cerling (1984), avec, en rouge, les points de Beynes et de Châteauredon. B. Position générale des données de la coupe de Beynes. C. Evolution en détail. D. Comparaison des groupes isotopiques avec les environnements déterminés auparavant.

Coupe du Saule Mort

- De 0 à 42 m, l’association de passées conglomératiques éparses et les paléosols d’hydromorphie moyenne à faible indique un environnement de cône alluvial distal ; - De 48 à 55 m (masque entre 42 et 48 m), les calcaires palustres et les conditions très

peu hydromorphes rappellent le deuxième intervalle de la coupe de Beynes, c’est un environnement lacustre/palustre ;

- De 55 à 60 m, une transition s’opère vers l’intervalle suivant. Cette trnaistion est marquée par une brusque chute de la maturité des paléosols ;

- De 60 à 85 m, les alternances de paléosols et dépôts de débordement type crevasse splays sont interprétées comme un milieu de plaine d’inondation distale ;

- De 85 à 102 m, les calcaires palustres et l’hydromorphie élevée marquent clairement un intervalle lacustre/palustre ;

- De 102 à 140 m (pour la partie de la coupe étudiée), de nouveau, l’association des faciès est caractéristique d’une plaine d’inondation distale.

Si l’on considère la succession des deux coupes du point de vue temporel, la corrélation isotopique montre que la coupe du Saule Mort débute avant celle de Beynes. Toutefois, on remarque la simultanéité de l’intervalle à paléosols unicolores associés au faciès palustres. De même, le second intervalle lacustre/palustre est en partie concomitant (Fig. 5.7).