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5.3. F ORÇAGE ORBITAL DANS LE DEVELOPPEMENT ET LA DISTRIBUTION DES PALEOSOLS

5.3.1. Forçage orbital dans les dépôts continentaux : une brève revue bibliographique

De très nombreuses études paléoclimatiques, qui appuient la théorie de Milankovitch (1941) de l’origine astronomique des cycles climatiques, ont été conduites sur les sédiments marins (carottages marins profonds, Hays et al., 1976; Shackleton & Opdyke, 1977 ; affleurements, Fischer, 1991; Fiet et al., 2001; voir D’Argenio et al., 2004 pour des cas d’études). Si la sédimentation marine a reçu et reçoit toujours les faveurs des chercheurs, c’est que la sédimentation peut y être considérée comme quasi-continue mais surtout parce que ces séries sont très bien calibrées, notamment par la biostratigraphie.

En domaine côtier, les études sur les cyclothèmes de séries à charbon (plateformes silicoclastiques) ou carbonatés, ont contribué à valider l’origine astronomique de la sédimentation, plus rythmique que cyclique (Strasser, 1988; Martin-Chivelet, 1992; Tandon & Gibling, 1994; Miller et al., 1996; Buonocunto et al., 1999; Zühlke et al., 2003).

En domaine continental, de nombreuses études ont porté sur les systèmes lacustres et les loess, la plupart sur les dépôts quaternaires (Kukla & An, 1989; Lu et al., 1999; Heslop et al., 2000, pour les dépôts de loess; Prokopenko et al., 2001 ; Guiter et al., 2003; Leng & Marshall, 2004 pour les dépôts lacustres), mais des études sur les dépôts anciens existent aussi (Bradley, 1929; Olsen, 1986; Olsen & Kent, 1996; Van Vugt et al., 1998 ; Steenbrink et al., 2000 ; Abdul Aziz et al., 2000, 2004 ; Abdul Aziz, 2001, pour les dépôts lacustres ; Tramp

Kristy et al., 2004, pour les loessites). Dans ces environnements, les paléosols marquent la cyclicité des dépôts, et sont utilisés pour les analyses cyclostratigraphiques. Dans les loess chinois, la limite entre un paleosol et les loess non altérés sus-jacents reflète la transition depuis une période interglaciaire vers une période glaciaire (Lu et al., 1999). Dans les systèmes lacustres, les paleosols marquent les périodes d’émersion, en relation avec un climat plus sec pendant lequel le niveau du lac baisse (Abdul Aziz, 2001). Notons que les cycles carbonatés côtiers sont également marqués par des paléosols, indiquant une baisse du niveau marin (Strasser, 1988).

Les variations verticales de la maturité des paléosols ont été interprétées aussi bien comme étant d’origine autogénique ou allogénique en fonction de l’échelle temporelle considérée : par migration du chenal (Kraus, 1987 ; Smith, 1990), par des variations du niveau de base, c'est-à-dire contrôlées par l’eustatisme (Kraus, 1992 ; Retallack, 1998) ou par la tectonique (Atkinson, 1986 ; Retallack, 1998). Ces différents cas représentent des fourchettes de temps allant de quelques milliers d’années (période d’avulsion d’un chenal, p. ex. Bridge & Leeder, 1979) à plusieurs Ma (cycles de 3e ordre). Entre ces valeurs extrêmes se situe la bande périodique de Milankovitch, entre 20 et 400 ka. Mais la plupart du temps, les auteurs n’ont pas les moyens de trancher la question entre des processus autocycliques et allocycliques de type cycles orbitaux, étant donné la maigre contrainte stratigraphique généralement existante dans ce type de séries.

De fait, l’utilisation des paléosols comme marqueurs du forçage orbital dans le domaine alluvial ou fluviatile est très rare (Retallack, 1991; Bestland & Swisher, 1996; Retallack & Wynn, 2001; Günster & Skowronek, 2001; Çiner et al., 2002; Retallack et al., 2004) et ces études manquent souvent d’un calage stratigraphique précis. Retallack (1991) a été le premier à montrer un lien tangible entre la distribution verticale des paléosols et les cycles de Milankovitch, dans les dépôts des Siwalik du Pakistan. Partant d’une estimation du temps de développement des différents types de paléosols rencontrés (par analogie avec les homologues actuels) et d’un calage biostratigraphique, l’auteur montre que l’expansion et le retrait du système fluviatile reflète les cycles de 40 et 100 ka (Retallack, 1991, p 222-226). Günter & Skowronek (2001) ont étudié les paléosols dans les dépôts alluviaux et loessiques plio- pléistocènes du bassin de Grenade (Espagne). Ils décrivent des influences à long terme et à court terme du climat sur le développement des paléosols, et proposent, pour la partie pliocène, des rythmes induits par les cycles de précession et/ou d’obliquité. Çiner et al. (2002) ont étudié les dépôts continentaux miocènes bassin de Sivas (Turquie), où ils décrivent des cycles de trois ordres de grandeur, le deuxième étant attribué au cycle de 400 ka, par comparaison avec l’étude de Sadler & Kelly (1993). Bestland & Swisher (1996), puis consécutivement Retallack & Wynn (2001) et Retallack et al. (2004), ont mené des études sur les dépôts continentaux de la Formation John Day en Oregon. Dans ces dépôts à dominante volcanoclastique (le calibrage s’appuie sur plusieurs datation K/Ar et Ar/Ar de niveaux de bentonites), ils montrent que l’augmentation et la diminution de la maturité des paléosols a été controlée astronomiquement (cycles de 40 et 100 ka). Les cycles sont composés de plusieurs paléosols (3 pour les cycles à 40 ka dans Retallack et al., 2004). Cependant, aucune de ces études ne propose de comparaison directe avec la courbe d’insolation.

Les études cyclostratigraphiques mêlant conjointement paléosols et courbe d’insolation sont pour la grande majorité limitées aux dépôts quaternaires de loess (Lu et al., 1999; Heslop et al., 2000 ; Sun et al., 2006). Les seules études anté-quaternaires comparant l’enregistrement sédimentaire continental avec l’insolation, et mettant en jeu les paléosols, sont celles d’Abdul- Aziz (Abdul-Aziz, 2001 ; Abdul-Aziz et al., 2003, 2004), sur les dépôts lacustres du bassin de Catalayud, en Espagne. Les proxys (traceurs) utilisés pour établir des séries temporelles sont le plus souvent les paramètres magnétiques (notamment la susceptibilité magnétique) et/ou la

CaCO3 et le paramètre de colorimétrie L* (qui mesure la composante grise de la couleur des

sédiments), et le passage en temps s’effectue grâce au calage GPTS, après une première analyse spectrale des deux signaux en mètres.