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5.3. F ORÇAGE ORBITAL DANS LE DEVELOPPEMENT ET LA DISTRIBUTION DES PALEOSOLS

5.3.7. Distribution autocyclique vs allocyclique des paléosols

Comme discuté en section 5.3.1, les successions verticales de paléosols ont été interprétées aussi bien comme étant d’origine autocyclique ou allocyclique en fonction de l’échelle temporelle associée. Mais la plupart du temps, les auteurs n’ont pas les moyens stratigraphiques de trancher la question.

Dans cette étude, nous avons vu, en introduction, qu’une simple division de l’intervalle de temps considéré par le nombre de paléosols enregistrés donnait un temps de récurrence proche de la période de l’obliquité. Si l’on considère maintenant non plus l’échelle « géologique » mais l’échelle astronomique, l’intervalle considéré se réduit à environ 2 Ma, ce qui donne une récurrence moyenne des paléosols tous les 44 et 40 ka, pour Beynes et le Saule Mort respectivement, ce qui confirme bien l’empreinte du cycle d’obliquité sur le climat au Miocène inférieur (p. ex. Shackleton et al., 1999). En détaillant pour chacun des

intervalles de temps corrélés par les isotopes, les valeurs obtenues oscillent entre 13 et 85 ka, appelant encore une fois une origine astronomique de la répartition des paléosols (Tabl. 5.4).

Nombre de paléosols Temps entre deux paléosols (ka)

Intervalle Durée (ka) BE SM BE SM

α -a 310±70 - 16 - 15-24 a – b 440±80 11 (14) 13 32-47 (25-37) 28-40 b –c 330±90 7 7 34-60 34-60 c – d 310±70 9 13 (18) 27-42 18-29 (13-21) d - e 610±70 10 8 54-68 68-85 e - f 350±80 9 9 30-48 30-48

Tabl. 5.4. Idem que le tableau 5.2 mais en prenant en compte l’échelle astronomique. Les cycles orbitaux,

notamment autour de l’obliquité, sont mis en valeur.

Les résultats précédents concernant le pourcentage de recouvrement du signal d’insolation (la « sensibilité » de chaque environnement à l’insolation, Fig. 5.20) ainsi que les valeurs seuils de durée de pédogénèse déduites montrent une grande cohérence entre deux coupes éloignées de plusieurs kilomètres, dans des environnements similaires (Fig. 5.20) :

- Un enregistrement (quasi) complet de l’insolation en domaine lacustre/palustre ; - 50 à 85% de recouvrement en domaine de plaine d’inondation distale et de transition

lac/cône alluvial ;

- Autour de 30% de recouvrement dans la ceinture de chenaux et le cône alluvial.

Cependant, les corrélations détaillées des paléosols avec les minima d’insolation montrent des anomalies (Fig. 5.18 & 5.19). Celles-ci sont marquées par (i) aucun paléosols correspondant à un pic d’IPed pourtant bien au-dessus de la valeur seuil (coupe de Beynes,

21.49 Ma, faciès de lac peu profond), (ii) aucun paléosols correspondant à un pic d’IPed proche

de la valeur seuil (coupe de Beynes, 22.08 et 20.92 Ma ; coupe du Saule Mort, 22.02 Ma ; tous en dépôts de plaine d’inondation distale), et (iii) un paléosol associé à un IPed en dessous

de la valeur seuil (coupe de Beynes, 20.62 Ma, dépôts de plaine d’inondation distale). Tous sont interprétés comme résultant de processus autocyclciques. Dans le premier cas, un remplissage de chenal isolé présent dans l’intervalle concerné comporte des nodules de pédogénèse à sa base (channel-lag). On peut imaginer que suite à une avulsion, le chenal ait pris une nouvelle trajectoire et ait érodé au passage le sol manquant. Dans les deux autres cas, lorsque les valeurs d’IPed sont proches de la valeur seuil, des fluctuations locales du taux de

sédimentation ont pu permettre le développement d’un sol lorsqu’elle était supérieure à la moyenne et au contraire l’oblitérer lorsqu’elle était inférieure.

L’environnement lacustre/palustre est très sensible aux fluctuations de l’insolation car peu profond. Le niveau du lac fluctuait en réponse aux changements de balance hydraulique. En domaine de plaine d’inondation et de cône alluvial, le taux de sédimentation est plus probablement le facteur de contrôle. La valeur seuil est plus élevée dans la ceinture de chenaux, où le taux de sédimentation est d’environ 10 cm/ka, celle de la plaine d’inondation distale montre des taux de sédimentation autour de 7 cm/ka (coupe de Beynes). La comparaison avec le Saule Mort est plus limitée car aucun dépôt de ceinture de chenaux n’a été observé.

Ces résultats semi quantitatifs appuient les interprétations d’autres études cyclostratigraphiques. En domaine lacustre/palustre, décrits comme très sensibles aux cycles de haute fréquence de l’insolation (Van Vugt et al., 1998; Steenbrink et al., 2000; Abdul Aziz

enregistrement des cycles d’insolation et par là même des cycles de haute fréquence (précession). La ceinture de chenaux et les cônes alluviaux n’enregistrent que les longues périodes de pédogénèse. Ces environnements sont plus sensibles aux processus autocycliques qui peuvent prendre le pas sur le contrôle allocyclique quand les cycles d’insolation sont courts, car ils influencent énormément l’équilibre entre sédimentation et pédogénèse (Kraus, 1987 ; Smith, 1990). Enfin, la plaine d’inondation distale a enregistré les cycles d’insolation dont la période était supérieure à celle de la précession. Chaque cycle n’est exprimé que par un paléosol ; des études ont mis en évidence des cycles comprenant plusieurs paléosols (~20 paléosols/cycle de 40 ka, Retallack, 1991 ; 3 paléosols/cycle de 40 ka, Retallack & Wynn, 2001; Retallack et al., 2004), parfois formant des variations verticales de maturité sinusoïdales (Bestland & Swisher, 1996). Cela pourrait s’expliquer par un taux de sédimentation plus élevé, comme dans le cas des paléosols du Kenya et du Pakistan (30 à 70 cm/ka, Retallack, 1991), ce qui suggérerait que les processus autocycliques sont plus limités dans notre secteur. Dans le cas de taux de sédimentation similaires aux nôtres, (la Formation John Day en Oregon Central, Retallack & Wynn, 2001), un contexte climatique différent pourrait être invoqué. Bestland (1997) le décrit comme un « climat doux et tempéré humide », qui a pu permettre le développement/préservation d’autres pédotypes (alfisols, inceptisols, entisols), ayant une durée de formation plus courte.

Fig. 5.20. Enregistrement de l’insolation En fonction de l’environnement/pédofaciès. Le long d’une section

transversale depuis la ceinture de chenaux jusqu’au cône alluvial, l’environnement module fortement l’enregistrement de l’insolation, ce qui se traduit par différentes sensibilités/potentiels d’enregistrements, et donc différents seuils. Le contrôle dominant varie également, entre des zones marquées par les processus autocycliques et d’autres par les processus allocycliques. Les taux de sédimentation sont pour les dépôts non décompactés.

Les exceptions sont les paléosols cumulatifs à la base de la coupe de Beynes et à 100-102 m sur la coupe du Saule Mort. Dans ces cas particuliers, les paléosols représentent à eux seuls plusieurs cycles d’insolation cumulés, deux dans le cas des paléosols cumulatifs de la coupe de Beynes, trois dans ceux du Saule Mort. Ces derniers représentent, d’un point de vue séquentiel, une SBZ de 3e ordre, corrélée au sommet de la BM3 de Châteauredon (voir en Chapitre 4).

Par conséquent, l’association de (i) une distribution moyenne des paléosols dans la fourchette de valeurs des cycles orbitaux, (ii) une bonne cohérence de la corrélation des valeurs d’ICa aux pics d’IPed, malgré quelques anomalies qu l’on peut expliquer par l’action de

processus autocycliques et (iii) des résultats concordants sur deux coupes séparées de plusieurs kilomètres, confortent l’hypothèse de départ d’un contrôle astroclimatique de la distribution et développement des paléosols dans ces dépôts fluviaux/alluviaux. Néanmoins, le contrôle autocyclique devient dominant dans les zones sources, que ce soit en domaine alluvial ou en domaine fluvial.