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d Reconnaissance multivalente des oligosaccharides portés par les ASGP

CHAPITRE I- VECTORISATION DE CHELATEURS DU CU(I) VERS LA LECTINE

III.4. d Reconnaissance multivalente des oligosaccharides portés par les ASGP

les ASGP

Des études empiriques sur l’effet de la multivalence des ASGP ont été réalisées. Les résultats obtenus avec des lectines solubilisées sont qualitativement similaires à ceux obtenus avec les lectines sur membrane cellulaire. Cependant, d’un point de vue quantitatif, les valeurs d’IC50 sont supérieures pour l’utilisation de lectines solubilisées. Les contrastes entre les inhibiteurs puissants et faibles sont moins prononcés, et l’effet de la multivalence est également moins marqué.146 Comme mentionné précédemment, ceci s’explique par le fait que les lectines solubles n’ont pas le même niveau d’oligomérisation, la même accessibilité aux domaines de reconnaissance de leurs différentes sous-unités ni la même organisation que celle observée à la membrane. De plus, la structure de la lectine diffère suivant son origine entre les différents mammifères couramment utilisés (rat, lapin, homme…).160

Influence de la densité de Gal sur l’efficacité de reconnaissance

L’affinité de l’ASGP-R est fortement dépendante du nombre de galactosides portés par le ligand. Cette observation a été effectuée dès la découverte de la lectine, soulignant notamment que la capacité des lectines de rat à être retenues sur gel de polyacrylamide fonctionnalisé par des Gal requiert un nombre minimal de sucres et un arrangement particulier de ces derniers.161

Il a été démontré que l’affinité de liaison des ASGP à la lectine ASGP-R augmente avec le nombre de galactosides par moles de protéines. Par exemple la protéine ASOR, qui comporte 20 Gal par moles de protéines, a une affinité 50 fois plus élevée pour l’ASGP-R humain que celles de l’asialocéruloplasmine qui n’en contient que la moitié, environ 12 Gal/mol.118

Des ligands oligosaccharidiques mono-, bi-, et tri-antenne portant des LacNAc ont été construits sur le modèle de l’ASOR et de l’asialofétuine. Ils reproduisent les oligosaccharides branchés portés par ces glycoprotéines (figure31). Ces derniers possèdent des IC50 de l’125I-ASOR respectivement de 1.10-3, 1.10-6 et 5.10-9 M (tableau 7). la présence d’un

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quatrième LacNAc n’a qu’un faible effet sur l’affinité, qui atteint alors 1.10-9 M :

l’augmentation d’affinité de mono- à trivalent est drastique, puis atteint un palier.162

Tableau 7 : Valeurs d’IC50 obtenues par compétitions avec l’125I-ASOR (≈ 6.10-10 M). D’après Lee et al., Glycoconj.

J., 2000, 17, 543. IC50 (µM) Hépatocyte (lapin) Lectine soluble (lapin/rat) Monovalent galactosides 400-700 400-800 Divalent PENTA-2,4 PENTA-2,6 BI-GP 0,3 4,5 2,4 30 70 Non déterminé Trivalent NONA-I NONA-II TRI-GP 0,007 0,15 0,006 0,9 2,2 Non déterminé Tétravalent UNDECA 0,0034 3,0

Toutes ces observations valident l’hypothèse que la lectine ASGP-R interagit avec les ligands de manière multivalente.118,162 La croissance exponentielle de l’affinité observée des ligands mono- à trivalents tend à montrer que cette interaction multivalent résulte d’une combinaison de plusieurs mécanismes de reconnaissance.

Les petits ligands oligosaccharidiques beaucoup moins denses en sucre que les ASGP atteignent des affinités pour la lectine comparables aux ASGP elles-mêmes.162 Par ailleurs, pour une même valence, le potentiel inhibiteur peut varier d’un facteur 100 entre deux ligands (tableau 7). Par conséquent, le nombre de sucre est primordial mais leur

arrangement spatial influence aussi fortement l’affinité.

Influence de la géométrie du ligand sur l’efficacité de reconnaissance par l’ASGP-R Pour favoriser l’interaction simultanée de plusieurs sucres du ligand avec les domaines de reconnaissance de l’ASGP-R, le ligand doit répondre à quelques conditions structurales. Les distances entre les sucres et la flexibilité du ligand sont des paramètres clés pour lui permettre de s’adapter à la conformation du récepteur.

L’organisation des sous-unités à la membrane des hépatocytes est déterminante pour la reconnaissance des ligands.131 Il a été remarqué, sur hépatocytes de rat et de lapin, que

l’encombrement stérique de certains ligands est un facteur limitant pour leur

reconnaissance par l’ASGP-R. Le nombre de sites de liaison disponibles à la membrane pour un ligand donné dépend donc directement de sa taille et de son architecture.163 De ce fait, l’ASOR ne peut pas saturer tous les sites de liaison du Gal à la surface des hépatocytes, ni inhiber l’interaction de ligands de faible poids moléculaire.129-131,164 Il est donc pertinent de concevoir de petits ligands synthétiques pour la vectorisation, que de gros ligands endogènes tels les asialoglycoprotéines ne peuvent pas totalement inhiber.

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Les études de Lee et al. ont permis de déterminer les distances optimales entres

galactosides, correspondant à la distance entre les domaines de reconnaissance à la surface

des hépatocytes de lapin et de rat. Parmi les ligands oligosaccharidiques présentés précédemment (tableau 7), NONA I possède une affinité comparable à celle de l’ASOR dont il est inspiré : son affinité est seulement 10 fois inférieure à l’ASOR alors que cette dernière possède 5 motifs oligosaccharidiques de type NONA I (figure 31). La structure de NONA I est donc nécessairement très proche de la conformation du récepteur, et optimale pour interagir par effet cluster. Le complexe ligand-récepteur est stabilisé dans la configuration la plus probable pour le récepteur, qui a une organisation précise et rigide à la surface. Il a été montré que le bras le plus court de ligands de types NONA I interagit avec des sous-unités mineures et le deux autres bras plus longs avec des sous-unités majeures.165,166 Les distances entre les sucres au sein de cet oligosaccharide sont 15, 22 et 25 Å, et sont aujourd’hui considérées comme les distances optimales pour l’interaction avec les récepteurs (figure 37).167,168 Comme il est établi que l’interaction ligand-ASGP-R s’effectue par effet cluster et non une simple recombinaison statistique, la distance entre les domaines de

reconnaissance est donc d’environ 15 à 25 Å. Ceci a été également montré sur l’ASGP-R

humain, pour laquelle la distance entre les domaine de reconnaissance a été déterminée entre 25 et 30 Å.118 Bien entendu, un certain niveau de flexibilité des ligands est requis pour permettre l’adaptation à la lectine.

Figure 37 : Architecture optimale de ligand d’ASGP-R, reproduit d’après Khorev et al., Bioorg. Med. Chem., 2008, 16, 5216.

Il est important de souligner que toutes les études empiriques de la lectine ASGP-R, telles que celles présentées ici, participent à la compréhension de sa structure et des phénomènes d’interaction avec les ligands au même titre que la cristallographie ou la mutagénèse dirigée. C’est cette mise en relation entre la structure de ligands synthétiques et celle de la lectine qui a permis de déterminer en premier lieu le mode de reconnaissance des sucres dans le domaine de reconnaissance, l’organisation des sous-unités de l’ASGP-R et le mode de présentation des domaine de reconnaissance à la membrane des hépatocytes.169

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