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CHAPITRE I- VECTORISATION DE CHELATEURS DU CU(I) VERS LA LECTINE

IV.2. b Propriétés de chélation du cuivre

Chélation in vitro :

La capacité à piéger le Cu de ces différents glycoconjugués de la famille T ont été évalués in vitro et in cellulo. A l’image de Chel1, les pro-chélateurs de la famille T sont incapables de piéger le Cu.12 Cependant, après réduction au GSH, Chel2 et Chel6 libèrent le

chélateur L2, Chel4 libère le chélateur L5 et Chel3 le chélateur Chel3 réduit (figure 57).

Figure 57 : Chélateurs libérés par les différents glycoconjugués de la famille T.

2

2

2

2

2

2 Chel3RED, plus encombré

L2 L5

Chel3 Chel2 et Chel6 Chel4

N HN O H N O CONH2 NH O H2NOC HS CONH2 SH SH N HN O H N O CONH2 NH O H2NOC HS CONH2 SH SH

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Les constantes d’affinité mesurées in vitro après réduction au GSH pour les pro-chélateurs Chel2 et Chel6 d’une part, et Chel4 d’autre part, correspondent aux affinités mesurées pour L2 et L5 ; les constantes de dissociation Kd avec le Cu(I) sont respectivement de 10-19 et 10-17. Enfin, les propriétés de chélation du Cu in vitro de Chel3 sont similaires à celle de L2. Les complexes formés entre Chel3 et le Cu(I) sont très stables, avec un Kd de l’ordre de 10-18. Les unités de ciblage ne perturbent donc pas la coordination du Cu(I) in vitro.

Chélation in cellulo :

Les capacités de chélation in cellulo des pro-chélateurs de la famille T ont également été étudiées sur cellules WIF-B9.12 Comme avec Chel1, un déplacement de l’ATP7B vers le Golgi est induit par ces glycoconjugués sur des cellules hépatiques surchargées en Cu (figure 58).

Figure 58 : Effet du Cu sur la localisation de l’ATP7B dans les cellules WIF-B9 et efficacité du glycoconjugué Chel2 noté 1. a-d) ATP7B et HA4 (un marqueur des membranes des canalicules) ont été détectés par immunofluorescence indirecte et l’image a été acquise par microscopie confocale. Sur chaque panel sont présentés de gauche à droite l’image Nomarski, la fluorescence verte de l’ATP7B, la fluorescence rouge de HA4 (prises au milieu de la couche cellulaire) et la somme des deux. Sur les images Nomarski, les canalicules biliaires sont repérés par un astérisque bleu. a) Cellules en conditions normales de Cu (5h) ; b) cellules supplémentées avec 1 µM de CuCl2 (5h) ; c) cellules supplémentées avec 1 µM

de CuCl2 (2h) puis ajout de 10 µM de 1 (Chel2) (3h) ; d) cellules supplémentées avec 1 µM de CuCl2 (2h) puis ajout de 10

µM de C1 (3h) ; e) schéma de cellules hépatiques montrant la localisation de l’ATP7B en fonction de la concentration en Cu ; f) effet de dose des composés 1, C1 et C2 présentant le % d’entourage des canalicules en fonction de la concentration en composé, tous les points de la courbes sont réalisés dans les conditions de c) et d).

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Le déplacement d’ATP7B est fonction de la dose de Chel2 introduite sur les cellules. Ainsi, il est possible d’évaluer l’efficacité de chélation du Cu intracellulaire en corrélant la dose de glycoconjugué introduite en fonction du pourcentage de canalicules biliaires entourés par l’ATP7B. Cette relation dose dépendante est très informative parce qu’elle permet de comparer l’efficacité de chélation intracellulaires des différents composés (figure 59).

Figure 59 : Effet de dose des composés Chel2, Chel3, Chel4 et Chel6 sur cellules WIF-B9 en présence d’1 µM de Cu ; graphique présentant le % d’entourage des canalicules en fonction de la concentration en composé

Ainsi, il a été établi que Chel2 est le plus efficace pour la chélation du Cu

intracellulaire, et que Chel3 ne permet pas de faire diminuer le taux de Cu de manière satisfaisante.

Pour aller à l’essentiel

Les chélateurs du Cu(I) conçus sur le modèle de métalloprotéines ont été vectorisés vers les ASGP-R, en exploitant les informations clés de la littérature sur les interactions glycoconjugués-ASGP-R décrites dans la section précedente. Des unités de ciblages composées de GalNAc espacés de 20 Å et portés par des bras espaceurs flexibles ont été introduites sur les chélateurs, donnant deux familles de glycoconjugués d’architectures et de propriétés de chélation différentes ; ils sont nommés Chel1 pour la famille CP et Chel2 à

Chel6 pour la famille T. Les glycoconjugués des deux familles ne piège le Cu(I) in vitro

qu’après leur réduction par le GSH, et aussi efficacement que les chélateurs dont ils sont issus. Leur capacité à entrer dans les cellules hépatiques humaines et à y piéger le Cu a également été démontrée. Il est à noter qu’aux vues de ses propriétés de chélation in vitro et in cellulo, Chel2 est le glycoconjugué le plus performant de la famille T pour la chélation du Cu(I) intracellulaire.

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Problématique

V -

Nous avons vu dans ce chapitre que la maladie de Wilson est due à une accumulation de Cu principalement dans le foie, conduisant à des dommages tissulaires. Face aux nombreux effets secondaires des médicaments actuellement utilisés pour traiter cette pathologie, des pro-chélateurs efficaces et sélectifs du Cu(I) ont été développés par Delangle et al. afin de détoxiquer le foie des malades. Deux familles de pro-chélateurs nommées CP

et T ont été conçues sur le modèle de métalloprotéines, et sont vectorisées vers les cellules

hépatiques pour une action localisée. Le ciblage des cellules hépatiques s’effectue par la reconnaissance spécifique des pro-chélateurs par la lectine ASGP-R, abondamment et presque exclusivement exprimée à la surface des hépatocytes. Les pro-chélateurs présentent des résidus GalNAc dans une géométrie optimisée permettant leur reconnaissance par la lectine. Ils sont internalisés dans les hépatocytes par endocytose, puis ils libèrent des chélateurs du Cu(I) intracellulaire. La chélation du Cu(I) s’effectue par l’intermédiaire de fonctions thiol, qui sont masquées dans le milieu extracellulaire sous forme de ponts disulfures. Deux glycoconjugués se distinguent au sein de chaque famille pour leurs propriétés de chélation du Cu(I) : Chel1 de la famille CP et Chel2 de la famille T (figure 60).

Figure 60 : Schéma récapitulatif de la stratégie de chélation du Cu(I) intra-hépatocytaire par deux familles de glycoconjugués.

Les constantes de dissociation obtenues in vitro avec le Cu(I) après réduction des ponts disulfures de ces glycoconjugués sont de 10-16 pour Chel1 et 10-19 pour Chel2; Chel2 piège

donc plus efficacement le Cu(I) in vitro en milieu réducteur que Chel1. Néanmoins, lors

d’une incubation des cellules hépatiques surchargées en Cu avec 30 µM de chacun des glycoconjugués, le taux d’entourage des canalicules par l’ATP7B, senseur de la concentration en Cu intracellulaire, passe de 100% à 10% avec Chel1 comme avec Chel2. Ceci témoigne d’une efficacité de chélation du Cu intracellulaire équivalente pour les deux composés.

Par conséquent, d’autres facteurs influent sur l’efficacité de chélation du Cu(I) dans les hépatocytes : l’implication d’un ligand endogène, la localisation intracellulaire des chélateurs mais aussi le taux d’internalisation du glycoconjugué. L’efficacité de ciblage de l’ASGP-R de chacune des deux familles de glycoconjugué module-t-elle leur efficacité de chélation du Cu(I) intracellulaire ? Dans ce cas, comment optimiser les propriétés de vectorisation afin d’obtenir un candidat médicament le plus actif et le moins toxique ?

La poursuite du projet s’est donc orientée vers l’étude du ciblage des ASGP-R par les

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Chapitre II-

La cytométrie en flux pour l’étude

d’internalisation des glycoconjugués dans les

hépatocytes

Ce chapitre décrit les objectifs de l’étude et la méthode utilisée pour les atteindre, à savoir la cytométrie en flux. L’objectif est en effet d’évaluer les systèmes de ciblage des pro-chélateurs de cuivre vers les cellules hépatiques décrit à la fin du chapitre I. Le choix de la cytométrie en flux sera tout d’abord présenté, puis les différentes stratégies d’études permettant de répondre à la problématique de ce travail de thèse.

Objectifs des travaux et démarche envisagée

I -

I.1)

Objectifs

Une stratégie innovante de chélation du cuivre intra-hépatocytaire a été mise au point et présentée dans le chapitre I. Elle consiste à combiner des pro-chélateurs de Cu(I) avec des unités de ciblage des récepteurs aux asialoglycoprotéines (ASGP-R) majoritairement exprimés à la surface des cellules hépatiques. Les glycoconjugués Chel1 et Chel2 ainsi conçus ont montré leur capacité à entrer dans les cellules hépatiques et à y piéger efficacement le cuivre. Cependant, le mécanisme d’internalisation de ces glyconjugués dans les hépatocytes et l’efficacité de vectorisation ne sont pas connus. L’objectif de mes travaux de thèse est donc d’analyser les propriétés de ciblage de ces deux familles de glycoconjugués vers les ASGP-R.

Le premier objectif est de déterminer le mécanisme d’internalisation de Chel1 et Chel2 dans les hépatocytes, afin de vérifier que celui-ci est bien dépendant des ASGP-R et sélectif de ce type cellulaire.

De plus, il a été mis en évidence que les efficacités de chélation du Cu intracellulaire sont équivalentes pour Chel1 et Chel2, bien que l’affinité pour le Cu(I) du chélateur relargué par Chel2 dans les hépatocytes soit nettement plus élevée que celle du chélateur produit par Chel1. Cet effet pourrait s’expliquer par des propriétés de ciblage des cellules hépatiques différentes pour ces deux glycoconjugués. Le second objectif est donc de comparer les deux molécules en termes d’efficacité de ciblage des hépatocytes, afin de comprendre les propriétés de chélation intracellulaire observées.

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Enfin, il est essentiel de comprendre les facteurs moléculaires influençant l’efficacité

d’internalisation par les ASGP-R afin d’optimiser le ciblage vers les cellules hépatiques. Pour

cela, cinq paramètres structuraux ont été étudiés (figure 61) :

Figure 61 : Paramètres structuraux étudiés dans le but de comprendre quels facteurs influencent les interactions entre les glycoconjugués et la lectine ASGP-R.126

- L’architecture des glyconconjugués, avec deux familles de structures différentes (tripodes et cyclodécapeptides). Cette étude permet de déterminer si une des deux architectures chimiques est plus adaptée à la géométrie de la lectine ASGP-R pour une reconnaissance multivalente optimale.

- La configuration anomérique des sucres, qui peut être en α ou en β. Les sucres sont en effet de configuration α sur Chel1 et β sur Chel2. L’étude de dérivés de configuration inverse permet d’évaluer l’impact de la configuration anomérique des unités saccharidiques sur la reconnaissance par la lectine, impact qui est plutôt controversé dans la littérature comme présenté dans le chapitre I. En effet, aucun consensus n’a permis d’établir avec précision quelle configuration anomérique est préférentiellement reconnue par la lectine ASGP-R. Il semblerait que l’effet soit dépendant du type de ligand étudié.

- Le nombre de sucres, qui est de quatre pour Chel1 et de trois pour Chel2. Il a été établi que l’affinité maximale pour l’ASGP-R est atteinte pour des ligands trivalents à tétravalents.162 La contribution de la multivalence dans l’efficacité d’internalisation par ASGP-R a été évaluée grâce à des dérivés de valences différentes. D’un point de vue mécanistique, ceci permet de s’assurer que la reconnaissance par la lectine se fait au moyen d’une interaction multivalente et non par reconnaissance monovalente d’un des sucres porté par le glycoconjugué. Il est ainsi possible de conclure quant à l’adéquation de l’architecture des glycoconjugués avec celle de la lectine.

- La nature des sucres, qui sont des N-acétylgalactosamines (GalNAc) sur les deux glycoconjugués. La lectine ASGP-R reconnait avec affinité les sucres de type galactopyranose. L’unité GalNAc a été choisie parce qu’elle est décrite comme le ligand naturel de plus forte affinité pour les ASGP-R.118,126,146 En outre, ce sucre est moins susceptible d’être reconnu par d’autres récepteurs, ce qui est important pour la sélectivité de ciblage. La comparaison avec des dérivés portant des galactoses ou lactoses, également reconnus par les ASGP-R,

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renseigne sur la pertinence de l’utilisation des GalNAc pour le ciblage des cellules hépatiques.

- La longueur des bras espaceurs reliant les sucres au reste de la molécule. Une distance de 20 Å environ est préconisée pour permettre une interaction multivalente de plusieurs sucres avec plusieurs domaines de reconnaissance de la lectine.118,126,162 L’augmentation de la longueur des bras espaceurs permet de s’assurer que les composés initiaux possèdent des distances entre les sucres qui satisfont à la reconnaissance multivalente.

L’ensemble de ces informations permet d’optimiser le ciblage des cellules hépatiques. En réalisant le meilleur compromis possible entre ciblage et chélation du cuivre (I), un candidat médicament pertinent peut ainsi être développé.