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CHAPITRE I- VECTORISATION DE CHELATEURS DU CU(I) VERS LA LECTINE

I.4. d Perspectives

Bien qu’aucun nouveau traitement n’ait vu le jour depuis de nombreuses années, la recherche continue.

Une alternative à l’administration de chélateurs est la transfection de gène, dans le but de rétablir la synthèse d’ATP7B fonctionnelle dans les hépatocytes. Ce sujet a fait l’objet de nombreuses publications ces quinze dernières années et possède l’avantage d’être une thérapie curative. La transfection du gène Atp7b humain sur le modèle murin « Long Evans Cinnamon rat»43 a montré un effet thérapeutique.44-46 Cependant la transfection sur animal adulte fait preuve d’un succès limité.

Roybal et al. ont récemment proposé une technique de transfection prénatale qui conduit à un rétablissement permanent et au moins partiel du métabolisme de l’ATP7B.47 Cette transfection par vecteur viral induit une expression sélective et stable dans le temps de l’ATP7B dans les cellules hépatiques. Chez les souris transfectées, le développement du foie est normal, l’incorporation du Cu à la céruloplasmine est restaurée et aucune anomalie histologique n’est observée. Cependant de améliorations sont encore nécessaires avant que cette thérapie génique prénatale ne voit le jour. En effet, l’ATP7B exprimée n’est que partiellement fonctionnelle : elle n’est pas capable de migrer de l’appareil de Golgi vers la membrane cellulaire. De plus, l’administration du gène consiste en une injection intracardiaque sur le fœtus. Cette méthodologie n’est pas applicable cliniquement parce qu’elle est très difficile à réaliser pour le praticien et comporte de hauts risques pour le fœtus. Enfin, le diagnostic prénatal n’est disponible chez l’homme qu’à partir de 12 semaines de grossesse, et pour être efficace l’injection doit survenir entre la 8ème et la 9ème semaine.

Comme pour toutes thérapies géniques, des progrès médicaux doivent donc encore être réalisés.

30 Pour aller à l’essentiel

La maladie de Wilson est une maladie orpheline caractérisée par une accumulation de Cu affectant principalement le foie, organe responsable de l’homéostasie du Cu. Elle est due à une mutation génétique conduisant à la perte de fonction de la protéine ATP7B. Cette protéine exprimée dans les hépatocytes est un élément clé de l’élimination du Cu hors de l’organisme. Il en résulte une surcharge des hépatocytes en Cu, induisant de graves dommages tissulaires. Cette pathologie est difficile à dépister, mais des avancées sont faites chaque jour dans la découverte de nouveaux éléments diagnostiques.

Des thérapies existent, néanmoins elles entraînent beaucoup d’effets secondaires du fait de leur manque de sélectivité et ne sont souvent pas tolérées par les patients. Aucun médicament novateur n’a été mis sur le marché ces dernières années. C’est dans ce contexte que Delangle et al. proposent une thérapie ciblée vers le foie.

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Conception de nouveaux chélateurs du Cuivre

II -

intracellulaire

La stratégie proposée pour détoxiquer le foie de la surcharge en Cu occasionnée par la maladiede Wilson consiste à développer des agents thérapeutiques spécifiques envers le cuivre intracellulaire des hépatocytes. Un chélateur entrant spécifiquement dans les cellules hépatiques pour y piéger le Cu présent dans le cytoplasme permettrait en effet d’éviter les effets secondaires observés sur les traitements existants. Ainsi, plusieurs chélateurs de Cu ont été obtenus en s’inspirant de protéines impliquées dans l’homéostasie du Cu. Dans cette section il est question des travaux réalisés par Delangle et al. sur la conception de chélateurs du Cu intracellulaire bio-inspirés.22,24

II.1)

La stratégie de chélation du cuivre intracellulaire

Comme mentionné précédemment, le cuivre est présent dans l’organisme sous deux états d’oxydation : +I et +II. Dans l’alimentation il est sous forme Cu(II). Dans la circulation, il peut être sous forme Cu(II) et Cu(I). Dans le milieu intracellulaire, la présence de glutathion (GSH) à des concentrations de l’ordre du millimolaire rend le milieu réducteur. Dans l’éventualité où il y ait présence de Cu disponible, c’est-à-dire non fortement lié à des protéines, celui-ci se trouve donc à l’état d’oxydation +I.23,24

Réduction du Cu(II) par le GSH :

2 Cu2+ + 2 GSH → 2 Cu+ + GSSG + 2 H+

La maladie de Wilson conduit à une accumulation toxique de Cu dans le cytoplasme des hépatocytes. Une solution thérapeutique attractive consiste donc à piéger

sélectivement et efficacement le Cu(I) disponible à l’intérieur des cellules hépatiques.

Chélater le Cu(I) intracellulaire

La différence de réactivité chimique entre Cu(I)et Cu(II)est exploitée. Cette différence est expliquée et décrite par la théorie « Hard and Soft Acids and Bases » (HSAB) développée par Pearson dans les années 1960 et résumée dans le tableau ci-après (tableau 2).48 Cette théorie décrit les principes qui gouvernent la stabilité des complexes métal-ligand. Un métal peut appartenir à plusieurs catégories : acide mou, acide intermédiaire ou acide dur. Un acide mou est un ion de grande taille, peu électropositif et facile à réduire, tandis qu’un acide dur est à l’inverse de petite taille, fortement électropositif et difficile à réduire. Les acides durs forment des complexes stables avec des bases dures, c'est-à-dire des ligands fortement électronégatifs et peu polarisables. Les acides mous forment à l’inverse des complexes stables avec des ligands mous.

Selon cette théorie, le Cu(I) est classé comme un acide mou et le Cu(II) un acide intermédiaire. Leurs propriétés de coordination sont donc différentes. Le Cu(I) forme des complexes stables avec 2 à 4 bases molles telles que les soufres. Le Cu(II) quant à lui établit des complexes avec 4 à 6 bases allant des soufres aux bases intermédiaires voire dures.

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En modulant le nombre et la nature des fonctions portées par le ligand, il est donc possible de coordiner préférentiellement l’un ou l’autre de ces cations métalliques.

Tableau 2 : Classement des acides et des bases selon la théorie de Pearson.

Théorie de Pearson ou théorie « HSAB »

Acides Bases

Mous Grande taille, peu électropositifs, faciles à

réduire :

Pd2+, Pt2+, Cu+, Ag+, Hg+, Hg2+

Faiblement électronégatives, très polarisables, faciles à oxyder :

R2S, RSH, RS-, I-, CO, CN-, H-, SCN-, R3P, C6H6, R-, RNC, C2H4, (RO)3P, S2O32-

Intermédiaires Fe2+, Co2+, Cu2+, Zn2+, Pb2+ N2, NO2-, Br-, N3-, C5H5N, SO32-, C6H5NH2

Durs Petite taille, fortement électropositifs,

difficiles à réduire :

H+, Li+, Na+, K+, Mg2+, Ca2+, Sn2+, Be2+, Sr2+, La3+, Mn2+, Co3+, Fe3+, Cr3+, Al3+, Sn4+, Ti4+

Fortement électronégatives, peu polarisables, difficiles à oxyder :

H2O, OH-, F-, NH3, ROH, Cl-, RO-, RNH2, R2O, NO3-, N2H4, PO43-, CO32-, SO42-, ClO4-

Pour concevoir des ligands spécifiques du Cu(I) et de haute affinité, Delangle et al. se sont inspirés des protéines impliquées dans l’homéostasie du Cu.22 Les sites de coordination correspondant font intervenir des fonctions thiols et thioéthers, portées respectivement par des Cys et des Met. Ces protéines montrent une bonne affinité et sélectivité pour le Cu(I) par rapport à d’autres métaux tels que le Zn(II), abondant dans le milieu intracellulaire.

L’affinité pour le Cu(I) de peptides portant les trois acides aminés Met, Cys et His a été étudiée par Franz et al.49 Il en découle que la Cys coordine le Cu(I) plus efficacement que

l’His et la Met. De plus, les complexes formés impliquant des Met et Cys sont sélectifs pour

le Cu(I)par rapport au Cu(II) et au Zn(II).50 Ainsi, ils stabilisent le Cu dans son état d’oxydation +I, et ils ne bouleversent pas l’homéostasie du Zn(II). A l’inverse, des peptides comportant des His complexent le Cu(I)comme le Cu(II) et le Zn(II). Ils sont donc moins sélectifs pour le Cu(I) et catalysent la formation d’espèces réactives de l’oxygène. Il est à noter que des chélateurs à base d’acides aminés ont l’avantage d’être solubles dans l’eau, ce qui est indispensable pour des applications in vivo.

Pro-chélateurs activés dans le cytoplasme

La Cys est sensible à l’oxydation, et les fonctions thiols sont aisément oxydées en

ponts disulfures. Ainsi il est possible d’élaborer des pro-drogues : dans le milieu

extracellulaire oxydant, les fonctions thiols sont masquées sous forme de ponts disulfures. Puis, après internalisation dans les cellules, les ponts disulfures sont rompus grâce au milieu réducteur libérant un chélateur de Cu(I).

Vectorisation vers le foie

Une fois les pro-chélateurs à base de Cys conçus, il est nécessaire de localiser leur action dans les cellules hépatiques afin d’éviter les effets secondaires. Pour cela, une unité

de ciblage des hépatocytes est greffée sur les pro-chélateurs. Ainsi, ils sont internalisés

sélectivement par un récepteur dans ce type cellulaire pour y délivrer des chélateurs sélectifs du Cu(I) et détoxiquer le cytoplasme (figure 8).

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Figure 8 : Schéma récapitulatif de la stratégie de chélation du Cu(I)intra-hépatocytaire reproduit à partir de Delangle et al., Dalton Trans., 2012, 41, 635922. Le pro-chélateur à base de Cys oxydées en ponts disulfures est vectorisé vers les hépatocytes grâce à une unité de ciblage. Suite à son internalisation par un récepteur, les fonctions thiols sont libérées dans le milieu réducteur du cytoplasme et piègent de Cu+ de manière efficace et sélective.

La conception et les caractéristiques de chélation in vitro du Cu(I) par deux familles de chélateurs développées par Delangle et al. sont détaillées dans les sections suivantes.

II.2)

Chélateurs du cuivre inspirés de métallochaperonnes : la