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CHAPITRE I- VECTORISATION DE CHELATEURS DU CU(I) VERS LA LECTINE

III.4. a Mécanismes de reconnaissance monovalente

La reconnaissance d’un monosaccharide au sein de domaines de reconnaissance est un équilibre dynamique et rapide. Elle s’effectue par l’établissement d’un réseau de liaisons

hydrogènes entre les résidus de la protéine et les hydroxyles du sucre. Il n’est également pas

rare d’observer des interactions hydrophobes entre des chaînes latérales d’acides aminés aromatiques et l’une des faces apolaires du sucre (α ou β), ou encore les fonctions déoxy et N-acétylés (figure 33). En général les carbohydrates sont des molécules neutres, mais dans certains cas ils peuvent être chargées et induire de contacts ioniques électrostatiques ; c’est par exemple le cas pour l’acide sialique (figure 33). Les ions métalliques Ca2+ jouent un rôle dans l’intégrité structurale de la lectine et dans le cas des lectines de type C, ils interviennent directement dans l’interaction avec le sucre (figure 33).

Enfin, la solvatation par des molécules d’eau sert de « relai » au sein du réseau de liaison hydrogène. Les hydroxyles du sucre prennent la place des molécules d’eau, ce qui produit un phénomène de désolvatation très favorable d’un point de vue entropique, qui est une force motrice dans de nombreuses interactions biomoléculaires.8

Figure 33 : Exemples de points de contact entre un monosaccharide et le domaine de reconnaissance (DRC) d’une lectine lors de la reconnaissance du sucre.

Le domaine de reconnaissance de l’ASGP-R reconnait spécifiquement les résidus

galactosides terminaux des glycoprotéines selon un processus saturable, dépendant du pH

et de la concentration en Ca2+.142,144 De plus, son affinité pour le GalNAc est 10 à 50 fois

supérieure à celle envers le Gal.118,146 N’ayant pas pu être cristallisé en présence du ligand, ses caractéristiques de liaison du sucre ont été déterminées par analogie ente RHL-1 et d’autres lectines de types C dont le mode de liaison des sucres a été déterminé. D’élégantes études par mutagénèse dirigée ont été réalisées par Drickamer et al.116,117,133,147,148 Elles reposent sur le principe que tous les domaines de reconnaissance des lectines de types C partagent les mêmes acides aminés très conservés alors que leur spécificité de reconnaissance diffèrent. L’analyse des différences entres les séquences de ces domaines de reconnaissance permet donc de comprendre quels acides aminés sont essentiels dans la discrimination pour un type de sucre particulier.

Spécificité pour les sucres de type galactosides

Les deux acides aminés Gln239 et Asp241 sur RHL-1 sont responsables de la reconnaissance du Gal. Ils sont impliqués dans un réseau de liaisons hydrogènes avec les

hydroxyles 3 et 4 du sucre (figure 34). Ainsi, ils établissent la préférence pour le Gal par

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4-OH axial. Ces deux seuls acides aminés suffisent à induire une affinité 10 fois plus forte pour les galactosides comparé au Man.133,149,150

Par ailleurs, le Ca du site 2 participe à la liaison du sucre : les hydroxyles 3 et 4 du sucre ainsi que le Gln239 et l’Asp241 font partie de sa sphère de coordination (figure 34). Chez toutes les lectines de type C, la préférence pour les sucres est attribuée à la formation du complexe ternaire site de reconnaissance-Ca-carbohydrate.133

Deux caractéristiques supplémentaires sont nécessaires et suffisantes pour obtenir la haute affinité et sélectivité pour les galactosides observés chez l’ASGP-R :

- l’affinité est apportée par le résidu Trp243. Sa chaîne latérale indolique interagit avec la face apolaire α du galactoside, stabilisant considérablement l’interaction entre la protéine et le sucre (figure 34).116,117,151

- la spécificité est attribuée à la boucle riche en glycines. Celle-ci n’est pas en contact avec le sucre mais joue un rôle purement structural : elle immobilise le cycle indolique du Trp243 par un repliement local bien défini, empêchant ainsi l’entrée des sucres autres que les galactosides dans la poche de reconnaissance par exclusion stérique.116

Figure 34 : Schéma récapitulant le mode de liaison du sucre dans le domaine de reconnaissance de la sous-unité majoritaire de l’ASGP-R ; mise en évidence des interactions induisant la spécificité pour les galactosides et la préférence pour le GalNAc.

Préférence pour le GalNAc par rapport au Gal

La préférence de l’ASGP-R pour le GalNAc provient de l’interaction du groupement acétamide en position 2 du sucre avec une région hydrophobe de la protéine (figure 34).

Le résidu le plus crucial est l’His256, dont le cycle imidazole est directement impliqué dans des interactions de Van Der Waals avec l’acétamide en position 2. Son remplacement par une Ala diminue de 25 fois l’affinité relative pour le GalNAc mais n’affecte pas celle pour le Gal. Le positionnement de cette His est maintenu par l’Asn208.147,148

Il en va de même pour le résidu Arg236, dont la disposition est stabilisée par la Gly238. Ce motif double l’affinité relative pour le GalNAc. Enfin, plusieurs autres résidus ont montré leur participation à la sélectivité mais leur impact est moins décisif et leur rôle n’est pas clairement défini.147,151

Il est important de noter que cette interaction est fortement dépendante du pH, optimal entre 6 et 7,8.142,148 L’effet du pH est crucial pour la dissociation du complexe ligand-récepteur dans l’endosome. Il est attribué à une perte d’affinité du domaine de reconnaissance pour le Ca2+ au site 2 à cause de la protonation de certains résidus. Celle-ci change le repliement général de la protéine et bouleverse la sphère de coordination du Ca2+. En particulier, la protonation de l’His256 altère son interaction avec l’Asn254. Ce dernier n’est alors plus dans un positionnement adéquat pour la coordination du Ca2+.148,152

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