Nous avons ´etabli plusieurs contraintes que devaient satisfaire lesφn-´eclatements et les mots tournants : derni`ere lettre, contenir une barri`ere, etc. Dans cette section, nous montrons que ces contraintes sont suffisantes.
Pour cela nous avons besoin d’´enonc´es techniques pr´eliminaires.
Lemme 4.1. Soitβune tresse non triviale deB+∗
n dont laB+∗
n−1-fin est triviale. Alors toutA+ n-mot repr´esentantβse termine parβ#, qui vautap,npour un certainp.
D´emonstration. SoitwunA+
n-mot repr´esentantβ. Comme laB+∗
n−1-fin deβest triviale, le motw
se termine par ap,n pour un certain p. Soit w′ un autreA+
n-mot repr´esentant β. Pour la mˆeme raison quew, le motw′ se termine paraq,n pour un certainq. La tresse est donc un multiple `a gauche deap,netaq,n. Supposons sans perte de g´en´eralit´ep6q. Pourp6=q, le ppcm `a gauche deap,n etaq,n estap,qaq,n. Par la relation II.2.3, le motap,qaq,n est ´equivalent `aap,nap,q. Ainsi, la relation p 6= q implique que β est divisible `a droite par ap,q, qui est un ´el´ement de B+∗
n−1. On a obtenu une contradiction et on ap = q. Comme la forme normale tournante deβ est un repr´esentant particulier deβ, on aap,n = β#, o`u, on le rappelle,β#est la derni`ere lettre de la forme normale tournante deβ.
Le r´esultat pr´ec´edent rend la d´efinition de la derni`ere lettre d’une tresse (d´efinition 3.1) plus naturelle.
Lemme 4.2. Pourβune tresse deB+∗
n−1, il y a ´equivalence entre –(i)unA+
n−1-mot repr´esentantβcontient uneap,n-barri`ere ; –(ii)toutA+
D´emonstration. La relation (ii) ⇐ (i)est ´evidente. Montrons que (i) implique(ii). Cela re-vient `a montrer que siu=vest une relation de II.2.13 avecucontenant uneap,n-barri`ere alors le motv en contient aussi une. Pour la relation II.2.2 c’est ´evident car elle pr´eserve les lettres. Pour la relation II.2.3, la propri´et´e est imm´ediate si on consid`ere des diagrammes de cordes.
p r
q s t
FIG. 3.8 :La relation (2.3) pr ´eserve lesap,q-barri `eres : si un des membres dear,sas,t=as,tar,t =ar,tar,s
contient uneap,q-barri `ere alors les deux autres aussi.
Ainsi contenir une barri`ere n’est pas une propri´et´e de mot mais est une propri´et´e de tresse. On dit qu’une tresse deB+∗
n contient une ap,q-barri`ere si elle est repr´esent´ee par un mot
con-tenant uneap,q-barri`ere.
Lemme 4.3. Soient β une tresse de B+∗
n−1 etp un entier v´erifiant2 6 p 6 n−1. Alors il y a ´equivalence entre
–(i)laB+∗
n−1-fin deφn(ap,nβ)est triviale, –(ii)laB+∗
n−1-fin deφn(β)est triviale etβcontient uneap,n-barri`ere. –(iii)toutA+
n-mot repr´esentantap,nβse termine parβ#.
D´emonstration. L’implication(i) ⇒ (ii) est le lemme 3.4. Montrons que (ii) implique(iii). Pour cela d´eterminons quels sont les g´en´erateursar,s divisant `a droite ap,nβ. Soitwun A+
n−1 -mot repr´esentantβ. D’apr`es le corollaire II.3.27, pour deux A+
n-motsu etv, la tresse v est un diviseur `a droite de u si et seulement si v/u est le mot vide. D´eterminons alors pour quelle valeur derets, le motar,s/(ap,nw)est vide. Supposonss 6 n−1avec ar,s 6=β#. La tresseβ
n’´etant pas divisible `a droite parar,sd’apr`es le lemme 4.1, le motar,s/west non vide. Comme le retournement d’unAn−1-mot est unAn−1-mot il existe alorsw′ etat,t′ avect′ 6n−1v´erifiant
ap,nw a−1
r,sygap,na−1
t,t′w′.
La tresseat,t′ n’´etant ´evidemment pas un diviseur `a droite deap,n, le motar,s ne divise pas la tresseap,nwpours6n−1.
Supposonss =n. Par hypoth`ese un repr´esentant deβcontient uneap,n-barri`ere. Ainsi par le lemme 4.2, la forme normale tournante deβ contient uneap,n-barri`ere. La proposition 3.10 assure donc que la forme normale tournante est uneap,n-´echelle. Une premi`ere ´etape consiste `a maˆıtriser le retournement `a gauche deai,ja−1
t,npourj 6n−1: fn g(ai,j, at,n) =
at,n pour[i, j]et[t, n]nich´es ou disjoints, ai,n pourj =t,
at,n pouri=t, at,jai,n pouri < t < j.
(3.19)
Notonsu1, ..., uℓune suite de retournements `a gauche deap,nwa−1
s,n. Notonsx−1
k la lettre n´egative la plus `a droite dansuk. Comme le retournement `a gauche consiste `a remplacer un sous-mot de
4. Forme normale tournante et automates 111
la forme xy−1 par fn
g(x, y)−1fn
g(y, x), la relation (3.19) implique que xk est de la formeark,n. Par la relation (3.19) on ark+1 6rkpour toutk. De plus siukcommence par le motv ai,ja−1
rk,n aveci < rk 6j alors l’entierrk+1vauti. Donc d’une certaine mani`ere la valeurrkdescend les barres de l’´echellew. Il s’ensuit que le motap,nw a−1
s,n se retourne `a gauche enap,na−1
rℓ,nw′pour un certainw′ avecrℓ < p. On d´eduit alors que le mot ar,s/(ap,nw)est non vide. Nous venons donc d’´etablir que la seuleA+
n-lettre qui divise `a droiteap,nβ estβ#. Montrons que(iii)implique(i). Posonsaq−1,n−1 =β#
k. Comme la seuleA+
n-lettre qui divise `a droiteφn(ap,nβ)estaq,n, laB+∗
n−1-fin deφn(ap,n)est triviale.
Th´eor`eme 4.4. Une suite finie(βb, ... , β1)de tresses deB+∗
n−1 est leφn-´eclatement d’une tresse deB+∗
n si et seulement si
–(i)pourk >3etk =b, la tresseβkest non triviale, –(ii)pourk >2, laB+∗
n−1-fin deφn(βk)est triviale, –(iii)si, pourk>3, on aβ#
k 6=an−2,n−1 alorsβk−1 contient uneφn(β#
k)-barri`ere. D´emonstration. Soit(βb, ... , β1)un φn-´eclatement d’une tresse de B+∗
n . Le (i)est une cons´e-quence du lemme 3.2(i)et de la proposition 2.7. La condition 3.15 implique que laB+∗
n−1-fin de la tresse
φb−k
n (βb)·...·φn(βk+1) est triviale pour toutk >1. En particulier laB+∗
n−1-fin deφn(βk)est triviale pourk >2, c’est-`a-dire que la condition(ii)est v´erifi´ee. Le(iii)est une cons´equence de la proposition 3.5.
Montrons maintenant qu’une suite (βb, ... , β1) satisfaisant les conditions (i), (ii) et (iii) est un φn-´eclatement de B+∗
n . La condition (i) implique que βb est non triviale. Pourk > 3, montrons
la seuleA+
n-lettre divisant `a droiteφnb−k+1(βb)·...·φn(βk)estφn(β#
k). (3.20) Notons que la condition(i)assure l’existence deβ#
k pourk > 3. Pourk =b, la condition(ii) implique que laB+∗
n−1-fin deφn(βk)est triviale. Par le lemme 4.1, la seuleA+
n-lettre qui divise `a droiteφn(βk)estφn(β#
k). La relation (3.20) est donc v´erifi´ee pourk =b. Supposons que (3.20) soit satisfaite pour k+1 et montrons la pour k. Soit ap,q une A+
n-lettre diff´erente de φn(β# k). Notons w un repr´esentant de φb−k+1
n (βb)· ...· φ2
n(βk+1). Par hypoth`ese, le mot w se termine par la lettre φ2
n(β#
k+1). Notons u le pr´efixe de w de longueur|w| −1. De mˆeme notonsv un repr´esentant de la tresseβk. Montrons que le retournement `a gauche deuφ2
n(β#
k+1)φn(v)φn(a−1
p,q) commence par une lettre n´egative. Par le lemme 4.3 et la condition(iii), la seuleA+
n-lettre qui divise `a droiteφn(β#
k+1βk)estφn(β#
k). Ainsi, par le corollaire II.3.27, il existe uneA+
n-lettrear,s et unAn-motv′ tels que le motva−1
p,qse retourne `a gauche ena−1 r,sv′. On a donc u φ2 n(β# k+1)v a−1 p,qygu φ2 n(β# k+1)a−1 r,tv′. Comme la lettreβ#
k est de la formea..,n−1, la lettre φ2
n(β#
k) est de la formea1,... On en d´eduit que les lettresφ2
n(β#
k)etφn(ar,s)sont diff´erentes. La seuleAn-lettre divisant `a droite la tresse
φb−k+1
n (βb)·...·φ2
n(βk+1) ´etantφ2
n(β#
k+1), par le corollaire II.3.27, il existe uneA+
n-lettreat,t′ et unAn-motuv´erifiant
u φn2(β#
k+1)φn(a−1
r,s)yga−1
On a donc montr´e que le retournement `a gauche deuφ2
n(β# k+1)va−1
p,qdonnea−1
t,t′u′v′. Ainsi, par le corollaire II.3.27, la tresseap,qn’est pas un diviseur `a droite deφb−k+1
n (βb)·...·φn(βk), ce qui ´etablit (3.20) pourk.
Une cons´equence de (3.20) et de la condition(ii)est que laB+∗
n−1-fin de
φb−k+1
n (βb)·...·φn(βk)
est triviale pourk>3. De mˆeme pourk = 2sauf siβ2 est triviale. Afin d’´etablir la condition 3.15, il nous reste `a montrer que laB+∗
n−1-fin deφb−2
n (βb)·...·φn(β2) est triviale pour β2 = 1, c’est `a dire que la B+∗
n−1-fin de φb−2
n (βb)· ... · φ2
n(β3) est triviale. Pourβ2 triviale, la condition(iii)implique que la derni`ere lettre deβ3 estan−2,n−1. Par (3.20) pourk = 3, la seuleA+
n-lettre divisant `a droiteφb−2
n (βb)·...·φ2
n(β3)estφ2
n(an−2,n−1), `a savoir la tressea1,n. Ainsi tout diviseur `a droite non trivial deφb−2
n (βb)·...·φ2
n(β3)est un multiple `a gauche dea1,n, ceci impliquant que laB+∗
n−1-fin deφb−2
n (βb)·...·φ2
n(β3)est triviale.
Les conditions du th´eor`eme 4.4 sont faciles `a v´erifier si les tressesβb, ... , β1 sont donn´ees par leurs formes normales tournantes :
Corollaire 4.5. Soit(wb, ... , w1)une suite deA+
n−1-mots. Alors leA+ n-mot
φb−1
n (wb)·...·φn(w2)·w1
est tournant si et seulement si les conditions suivantes sont v´erifi´ees. –(i)pourk >1, le motwkest tournant,
–(ii)pourk >3, le motwkse termine parap−1,n−1 pour un certainp,
–(iii)le motw2est soit vide (sauf pourb=2), soit se termine parap−1,n−1 pour un certainp, –(iv) si, pour k > 3, le mot wk se termine par ap−1,n−1 avecp 6= n−1, alors le mot wk−1
contient uneap,n-barri`ere.
D´emonstration. La condition (i)du th´eor`eme 4.4 est une cons´equence imm´ediate des condi-tions(ii)et(iii). Les conditions(i)et(ii)impliquent que laB+∗
n−2-fin de la tressewkest triviale. Notonsap−1,n−1 la derni`ere lettre de wk, c’est-`a-dire, ap−1,n−1 = w#
k. Le lemme 4.1 implique que la seuleA+
n−1-lettre divisant `a droitewkestap−1,n−1. Commewkest un ´el´ement deB+∗
n−1, la seuleA+
n-lettre qui divise `a droitewk estap−1,n−1. Ainsi la seule lettre divisant `a droiteφn(wk) est ap,n. Il s’ensuit que la B+∗
n−1-fin de wk est triviale, c’est-`a-dire, que la condition (ii) du th´eor`eme 4.4 est v´erifi´ee. La condition(iii) du th´eor`eme 4.4 est une cons´equence imm´ediate des points(ii)et(iv). On conclut `a l’aide de la d´efinition 2.12 et de(i).
Nous avons ainsi obtenu une caract´erisation inductive des mots tournants.