La premi`ere ´etape consiste `a d´ecrire le mot retourn´e par l’algorithme de renversement ap-pliqu´e `a un mot dangereux de longueur1suivi d’une ´echelle. Pour cela nous introduisons un nouveau type de ADn-mot appel´e mur, qui est un affaiblissement de la notion d’´echelle. Le principal r´esultat de cette section est que, dans le cas d’un dangereux de longueur1suivi d’une ´echelle, l’algorithme de renversement retourne un mur proche de l’´echelle d’entr´ee.
La notion de mur se d´ecline en deux versions, l’une dite grand mur et l’autre dite petit mur.
D´efinition 2.1. Pour n > 3 et p 6 n−2, on dit qu’un ADn−1-mot w est un grand ap,n-mur adoss´e `aaq−1,n−1 s’il existe une d´ecomposition
w=u·dr,n−1 ·w′·dq−1,n−1·v
satisfaisant les conditions suivantes
–r < p, (2.1.i)
–uest unAn−1-mot positif, (2.1.ii)
–w′ est unADn−1-motσn−2-nonn´egatif sansAn−1-lettre n´egative, (2.1.iii) –v estaq−1,n−1-dangereux. (2.1.iv) On dit qu’unADn−1-motwest un petitap,n-mur adoss´e `aaq−1,n−1s’il existe une d´ecomposition
w=u·dq−1,n−1 ·v
satisfaisant les conditions suivantes
–q−1< p, (2.1.v)
–uest unAn−1-mot positif, (2.1.vi)
–v estaq−1,n−1-dangereux de typep′ < p. (2.1.vii) Dans les deux cas, on noteF(w)le motud´efini ci-dessus, etD(w)le motv d´efini ci-dessus.
On dit qu’unAn−1-motwest unap,n-mur s’il est soit un grand soit un petitap,n-mur. Notons que la condition satisfaite par la lettre dr,n−1 pr´esente dans la d´ecomposition d’un grand mur est la mˆeme que celle satisfaite par la ap,n-barri`erear,n−1. La mˆeme propri´et´e est v´erifi´ee pour la lettredq−1,n−1 intervenant dans la d´ecomposition d’un petit mur.
Pour le moment nous avons d´efini les ap,n-murs seulement pour p 6 n−2. Nous allons maintenant consid´erer des an−1,n-murs, qui sont tout aussi sp´eciaux que le sont les an−1,n -´echelles.
FIG. 4.3 :Un granda3,6-mur adoss ´e `aa2,5(celui de l’exemple 2.3). La ligne grise commence `a la position 3 et grimpe `a la position 5 en utilisant la lettre d1,6 (correspondant `a la lettre dr,n−1 dans la d ´efinition d’un mur). La premi `ere boˆıte ne contient pas de fl `eche (c’est- `a-dire, pas de lettre
d±1
..,.., la deuxi `eme boˆıte ne contient pas de fl `eche partant de l’avant-derni `ere ligne dirig ´ee vers le bas (c’est- `a-dire, pas de lettred−1
..,5), la derni `ere boˆıte ne contient que des fl `eches dirig ´ees vers le bas partant de l’ant ´ep ´enulti `eme ligne.
D´efinition 2.2. Pourn > 3, on dit qu’un ADn−1-mot w est unan−1,n-mur adoss´e `a aq−1,n−1
siw admet la d´ecompositionu·dq−1,n−1·v avec uun An−1-mot positif et v un motaq−1,n−1 -dangereux. On pose alorsF(w) =uetD(w) =v.
Par d´efinition, tout ap,n-mur adoss´e `a aq−1,n−1 est aussi un ar,n-mur adoss´e `a aq−1,n−1 d`es qu’on ar > p. En effet les seules conditions faisant intervenirpdans les d´efinitions 2.1 et 2.2 sont des in´egalit´es de la forme.. < p.
Exemple 2.3. Le motwd´efini par
w=a2,4a1,3a1,5d1,5a3,5d−1
1,4d3,5d2,5d−1 3,4d−1
2,4d−1 2,4,
est un granda3,6-mur adoss´e `aa2,5. En effet, en posant
u=a2,4a1,3a1,5, w′ =a3,5d−1
1,4d3,5 et v =d−1 3,4d−1
2,4d−1 2,4,
on aw = u d1,5w′d2,5v, qui est une d´ecomposition de granda3,6-mur adoss´e `aa2,5 :uest un mot contenant que des A5-lettres, west unAD5-mot ne contenant pas deA5-lettres n´egatives ni deD5-lettres de la formed−1
..,4et le motv esta2,5-dangereux.
Notons que par d´efinition unap,n-mur ne contient jamais deAn−1-lettres n´egatives.
La notion de mur peut ˆetre facilement illustr´ee en repr´esentant les lettres sur une partition `anlignes : une lettreap,qest repr´esent´ee par une trait vertical allant de lap`eme ligne `a laq`eme (comme pour les ´echelles), une lettred−1
p,q est repr´esent´ee par une fl`eche verticale allant de lap
`eme ligne `a laq `eme ligne (donc dirig´ee vers le haut) et une lettredp,q est repr´esent´ee par une fl`eche verticale reliant laq `eme ligne `a lap`eme (donc dirig´ee vers le bas)—voir figure 4.3.
Lemme 2.4. Soitwuneap,n-´echelle adoss´ee `aaq−1,n−1 avecp6n−2etn>3. Notons
w0x1... xhwh
la d´ecomposition de w en tant qu’´echelle. Alors d−1
p,n−1w est ´equivalent `a un ap,n-mur w′ adoss´e `a aq−1,n−1. Ce dernier est calcul´e en utilisant au plus ℓ ´etapes de renversement plus ´eventuellement une op´eration ´el´ementaire, et il satisfait
–|F(w′)|=|w0|, (2.4.i)
–|D(w′)|62, (2.4.ii)
–|w′|6|w|+ 2(h−1) + 2|wh|+|D(w′)|, (2.4.iii)
2. Dangereux contre ´echelle 131
w0 x1 wh−1 xh wh
dp,n−1 ε
u0 y1 v1 uh−1 yh vh
FIG. 4.4 :Renversement ded−1
p,n−1wen un mur lorsquewest une ´echelle (d ´emonstration du lemme 2.4).
D´emonstration. L’id´ee principale est illustr´ee sur la figure 4.4 : partant ded−1
p,n−1w, c’est-`a-dire, duADn−1-motd−1
p,n−1w0x1... xhwh, nous retournons le diagramme en poussant les fl`eches ver-ticales vers la droite jusqu’`a obtenir un mur ´equivalent. L’obtention d’unADn−1-mot ´equivalent est garantie par le lemme 1.9.
En g´en´eral, ce que nous obtenons est un grand mur. Cependant, quelques petits cas partic-ulier sont trait´es `a part, `a savoir lorsquewhest le mot vide—dans ce cas on obtient un petit mur si la hauteurhde l’´echellewvaut1.
Commenc¸ons par d´ecrire les blocs ´el´ementaires du diagramme de la figure 4.4. Pour toutk
dans{1, ... , h}, notonsae(k),f(k)la lettrexk et posonsf(0) = p. Pour kdans{0, ... , h−1}, on d´efinit les motsuk,yk+1etvk+1 de la fac¸on suivante :
uk =Rf(k)(wk), yk+1 =de(k+1),n−1 et vk+1 =R′f(k)(xk+1).
Par d´efinition du renversementyon obtient
d−1
f(k),n−1wkxk+1y(|wkxk+1|)ukyk+1vk+1d−1
f(k+1),n−1,
ce qui correspond au diagramme :
wk xk+1
df(k),n−1 df(k),n−1 df(k+1),n−1
uk yk+1 vk+1 .
Regroupant les divers diagrammes de renversement correspondant aux valeurs successives du param`etrek, on obtient exactement le diagramme de la figure 4.4. Pourkdans{1, ... , h−1}, on notew′
kle motukyk+1vk+1. `A partir de maintenant, nous avons trois cas `a consid´erer. Supposons d’abord quewhsoit le mot videεet qu’on aith>2, le cas le plus facile, `a partir duquel les autres sont d´eriv´es. Posonsw′ =w′
0... w′
h−1. Par construction, on ad−1
p,n−1wy(|w|)w′. Donc, par le lemme 1.9, le motd−1
p,n−1w est ´equivalent `a w′. Nous allons maintenant prouver que le mot w′ est un mur du type escompt´e, et que les ´enonc´es de complexit´e sont satisfaits. Commewh est vide, la derni`ere lettre dewestxh. Ceci, par d´efinition d’une ´echelle, implique les relationsxh =aq−1,n−1etyh =dq−1,n−1. Posonsw′′ =v1w′
2... w′
h−2uh−1. On a donc
w′ =u0·de(1),n−1 ·w′′·dq−1,n−1·vh.
Montrons que w′ est un grand ap,n-mur adoss´e `a aq−1,n−1. Comme l’image d’une A+ n−1 -lettre parRp est uneA+
n−1-lettre, le motu0 est un A+
n−1-mot de longueur |w0|. Ainsi les con-ditions (2.1.ii) et (2.4.i) sont satisfaites. Ensuite, par d´efinition d’une ´echelle, la lettre x1 est uneap,n-barri`ere, ce qui impliquee(1) < p, c’est-`a-dire que la condition (2.1.i) est satisfaite.
Le motw′′ est aussiσn−2-nonn´egatif et ne contient pas deAn−1-lettre n´egative car c’est le cas des motsuk,yk+1 et vk+1. La condition (2.1.iii) est donc v´erifi´ee. Rappelons que le motvh est ´egal `a d−1
f(h−1)−1,n−2d−1
e(h),n−2 avec e(h) = q−1. Par d´efinition d’une ´echelle, le lettre xh est uneaf(h−1),n-barri`ere. Nous avons donc q−1< f(h−1), ce qui impliquef(h−1)−1> q−1. Ainsi le motvh estaq−1,n−1-dangereux de longueur 2, et les conditions (2.1.iv) et (2.4.ii) sont v´erifi´ees. Finalement, pour (2.4.iii), on calcule
|w′k|=|uk−1|+|yk|+|vk|=|wk−1|+ 1 + 2 =|wk−1xk|+ 2.
Alors, commewhest le mot vide, nous obtenons
|w′|= h−1 X k=0 |wk′|= h−1 X k=0 |wkxk+1|+ 2h=|w|+ 2h.
Comme dans le cas que l’on consid`erewh est suppos´e vide et que la longueur deD(w′)est2, c’est-`a-dire que la longueur de vh est 2, la condition (2.4.iii) est satisfaite. Le cas wh vide avech>2est donc complet ; `a l’exception du calcul de complexit´e en temps.
Supposons toujours quewhsoit le mot vide mais, maintenant, que la hauteurhde l’´echellew
soit 1. Alors le motw′ est ´egal `a u0 ·dq−1,n−1 ·v1. Comme pour le cas pr´ec´edent, on montre que u0 est un A+
n−1-mot de longueurw0 et que nous avons |w′| = |w|+ 2. Le mot v1 est ´egal `ad−1
p−1,n−2d−1
q−1,n−2, qui est un motaq−1,n−1-dangereux de typep−1et de longueur2. Ainsi,w′
est un petitap,n-mur adoss´e `aaq−1,n−1 satisfaisant (2.4.i), (2.4.ii) et (2.4.iii). Supposons finalement quewhsoit non vide. On d´ecompose alorswhenw′′
haq−1,n−1. Posons
w′ =w0′ ... wh′−1wh′′dq−1,n−1d−1
q−1,n−2 et w′′ =v1w′2... wh′−1w′′h.
Nous avons alors la relation suivante liantw′etw′′
w′ =u0· df(1),n−1· w′′· dq−1,n−1· d−1
q−1,n−2.
Les conditions (2.1.ii), (2.1.i), (2.1.iii) sont v´erifi´ees comme pour les pr´ec´edents cas. Comme le motd−1
q−1,n−2 est aq−1,n−1-dangereux et de longueur 1, les conditions (2.1.iv) et (2.4.ii) sont v´erifi´ees. Ensuite, par construction dew′, la condition (2.4.iv) est satisfaite. V´erifions la condi-tion (2.4.iii). Partant de la relacondi-tion|w′
k|=|wkxk+1|+2, nous obtenons |w′|= h−1 X k=0 |wk′|+|wh′′|+ 2 = h−1 X k=0 |wkxk+1|+|wh|+ 2h+ 1 =|w|+ 2h+ 1.
Commewhest non vide, on a|wh|>1, donc,2|wh|>2. De plus, comme la longueur deD(w′) est1, nous obtenons36 2|wh|+|D(w′)|, et finalement
|w′|6|w|+ 2(h−1) + 2|wh|+|D(w′)|.
Tous les cas sont maintenant trait´es. Il reste seulement `a consid´erer la complexit´e en temps. Dans les deux premiers cas, au plus |w| op´erations de renversement sont n´ecessaires. Dans le dernier cas—wh 6= ε—au plus |w| op´erations de renversement sont n´ecessaires plus la d´ecomposition dew#
2. Dangereux contre ´echelle 133
Exemple 2.5. Nous avons vu `a l’exemple III.3.12 que le mot w = a3,4a1,3a1,3a2,4a3,4 est unea2,5-´echelle adoss´ee `aa3,4. Calculons lea2,5-mur adoss´e `aa3,4 qui est ´equivalent `a d−1
2,5w. L’algorithme de renversement appliqu´e `ad−1
2,4wdonne w′′ =a2,3d1,4d−1 1,3d−1 1,2a1,4d2,4d−1 2,3d−1 2,3a3,4 (voir figure 4.5).
Le motw′′n’est pas une ´echelle car sa derni`ere lettre n’est pas de la forme requise. Cependant, si nous remplac¸ons la derni`ere lettrea3,4 dew′′pard3,4nous obtenons un grand mur :
w′ =a2,3 · d1,4 · d−1 1,3d−1
1,2a1,4d2,4d−1 2,3d−1
2,3 · d3,4 · ε.
Le motF(w′)dew′ est alorsa2,3, tandis queD(w′)est le mot vide.
a3,4 a1,3 a1,3 a2,4 a3,4 d2,4 d2,4 d3,4 d2,4 ε a2,3 d 1,4 d−1 1,3 d−1 1,2 a1,4 d 2,4 d−1 2,3 d−1 2,3
FIG. 4.5 :Diagramme de renversement du motd−1
2,4a3,4a1,3a1,3a2,4a3,4.