A l’aide du φn-´eclatement, nous allons maintenant construire une forme normale pour les ´el´ements deB+∗
n . Le principe est le suivant. Tout d’abord, chaque tresse deB+∗
2 est repr´esent´ee par un unique mot de la forme ak
1,2. Comme leφn-´eclatement permet de faire correspondre de mani`ere unique `a toute tresse de B+∗
n une suite de tresses de B+∗
n−1, nous allons construire la forme normale tournante surB+∗
n par induction surn>2. Au lemme 2.1 on a montr´e que l’image d’une A+
n-lettre par φn est une A+
n-lettre. Nous d´efinissons un homomorphisme d’A+
n-mots, que l’on note aussi φn, qui envoie la lettre ap,q surap+1,q+1 pourq 6n−1etap,n sura1,p+1. Notons que si une tresseβ deB+∗
n est repr´esent´ee par unA+
n-motwalors la tresseφn(β)est repr´esent´ee par leA+
n-motφn(w).
D´efinition 2.12.
– Pour β deB+∗
2 , la φ2-forme normale tournante de β est d´efinie comme ´etant l’unique A+
2 -motak
1,2repr´esentantβ. – Pour β de B+∗
n avec n > 3, la φn-forme normale tournante de β est d´efinie comme ´etant le A+
n-mot φb−1
n (wb)... w1, o`u(βb, ..., β1)est le φn-´eclatement de β etwk est laφn−1-forme normale tournante deβkpour toutk.
Comme leφn-´eclatement d’une tresseβdeB+∗
n−1 est la suite(β)de longueur1, laφn-forme normale tournante et laφn−1-forme normale tournante co¨ıncident surB+∗
n−1. Nous pouvons donc enlever l’indicenet parler de forme normale tournante, pour une tresse deB+∗
n . Naturellement, on dira qu’un mot est tournant s’il est la forme normale tournante de la tresse qu’il repr´esente.
Exemple 2.13. Calculons la forme normale tournante deδ2
4. D’abord, nous v´erifions que nous avons la relation δ2
4 = a1,2a1,4δ2
3. Le φ4-´eclatement de β est donc (a2,3, a2,3,1, δ2
3). Le φ3 -´eclatement de a2,3 est la suite (a1,2,1), et, donc, sa forme normale tournante est φ3(a1,2), soit a2,3. Ensuite, nous avons vu `a l’exemple 2.11 que le φ3-´eclatement de δ2
3 est la suite (a1,2, a1,2,1, a2
1,2). Donc, sa forme normale tournante estφ3
3(a1,2)·φ2
3(a1,2)·φ3(1)·a2 1,2, soit
a1,2·a1,3·ε·a1,2a1,2,
ou bien encorea1,2a1,3a1,2a1,2. Finalement, la forme normale tournante deδ2 4 est
φ43(a2,3)·φ42(a2,3)·φ4(1)·a1,2a1,3a1,2a1,2,
soita1,2·a1,4·ε·a1,2a1,3a1,2a1,2, `a savoira1,2a1,4a1,2a1,3a1,2a1,2.
2.3 Algorithmes
Dans cette section nous d´ecrivons des algorithmes nous permettant de calculer la forme normale tournante.
Nous commenc¸ons par un algorithme pour la divisibilit´e `a droite.
Algorithme 3 (DivDRet).
Entr´ee : Un triplet(n, w, u)o`unest un entier etwetudesA+ n-mots
1. RetGauche(n,wu−1)→w′;
2. Siw′est positiffaire
3. Renvoyerw′;
4. Sinon faire
5. Renvoyer⊗;
Sortie : UnA+
2. La forme normale tournante 101 Proposition 2.14. L’algorithmeDivDRetappliqu´e `a(n, w, u)retourne en tempsO(Cn|w||u|), o`u Cn ne d´epend que de n, un mot w′ v´erifiant w ≡ w′u si un tel mot existe ou le symbole erreur⊗sinon.
D´emonstration. Apr`es la ligne1, le motw′est ´egal `a(u/w)−1·w/u. Par le corollaire II.3.27 la tresseuest un diviseur `a droite dewsi et seulement si(u/w)est vide, c’est-`a-dire siw′ est un mot positif. La complexit´e en temps est une cons´equence du corollaire II.3.26.
L’algorithme DivDRet est l’algorithme qu’on utilise dans nos exp´erimentations sur ordi-nateur. Cependant nous ne connaissons pas une estimation fine de sa complexit´e en temps en fonction du nombre de brinsn. Les r´ecents travaux de M. Autord donnent une borne inf´erieure quartique dans le cas du mono¨ıde de tresses positivesB+
n, voir [AD09] `
A l’aide de la forme normale de Garside surB+∗
n nous pouvons d´ecrire un autre algorithme pour la divisibilit´e `a droite :
Proposition 2.15. (D.B.A. Epstein et al, [ECH+92]) PourwetudesA+
n-mots, on peut d´ecider si la relationw <uest satisfaite en tempsO(K|w||u|), o`uK est la complexit´e en temps d’un algorithme calculant le pgcd de deux simples deB+∗
n .
Une valeur possible deK introduite dans la proposition 2.15 est donn´ee par :
Proposition 2.16. (J.S. Birman, K.H. Ko, S.J. Lee, [BKL98]) Il existe un algorithme calculant
le pgcd de deux simples deB+∗
n en tempsO(n).
L’algorithme construit `a partir des propositions 2.15 et 2.16 est not´e DivD, son entr´ee et sa sortie sont de mˆeme types que celles de l’algorithmeDivDRet. De la mˆeme mani`ere, il existe un algorithmeDivGpour la division `a gauche.
Comme cons´equence des propositions 2.15 et 2.16, on obtient la complexit´e suivante pour les algorithmesDivDetDivG.
Corollaire 2.17. L’algorithmeDivD(resp.DivG) appliqu´e `a(n, w, u)(resp. `a(n, u, w)) renvoie en tempsO(n · |w|)un motw′ v´erifiant w ≡ w′u (resp. w ≡ uw′)si un tel mot existe ou le symbole erreur⊗sinon.
L’algorithme suivant calcule l’image d’unA+
n-mot par l’homomorphisme de motφn (envoy-antap,qpourp6n−1etap,nsura1,p+1). On rappelle que pour un motw,w(h)d´esigne lah`eme lettre du motwen partant de la gauche, la num´erotation commenc¸ant `a1.
Algorithme 4 (Phi).
Entr´ee : Un triplet(n, k, w)o`un,ksont des entiers avec06k 6netwunA+ n-mot
1. w→w′;
2. Pourk = 1jusqu’`a|w|faire
3. w′[k]→ap,q; 4. p+k →p;q+k →q; 5. Sip > nfairep−n →p; 6. Siq > nfaireq−n →q; 7. ap,q →w′[k]; 8. Renvoyerw′; Sortie : UnA+ n-mot
Proposition 2.18. L’algorithmePhiappliqu´e `a(n, k, w)renvoie en tempsO(log(n)|w|)leA+ n -motφk
D´emonstration. L’addition, la soustraction et la comparaison d’entiers compris entre0etnest enO(log(n)). L’int´erieur de la bouclepourest donc enO(log(n))et|w|tours de boucle sont n´ecessaires. On obtient donc la complexit´e annonc´ee.
De la d´efinition du φn-´eclatement, nous construisons l’algorithme suivant qui appliqu´e `a un mot w renvoie une suite de A+
n−1-mots (wb, ... , w1) telle que la suite de (wb, ... , w1) soit leφn-´eclatement de la tressew.
Algorithme 5 (Eclatement).
Entr´ee : Un couple(n, w)o`unest un entier>3etwest unA+ n-mot
1. ()→s;w→w′;0→k;
2. Tant quew′!=εfaire
3. ε →u;
4. Tant qu’il existeuneAn−1-lettrexavecDivD(w′,Phi(n,k,x)) !=⊗faire
5. DivD(w′,Phi(n,k,x))→w′;
6. x·u→u;
7. Ins´ereru`a gauche danss;
8. k+1→k;
9. Sik=nfaire0→k;
10. Renvoyers;
Sortie : Une suite deA+
n−1-mots
Proposition 2.19. L’algorithmeEclatementappliqu´e `a(n, w)retourne une suite(wb, ... , w1)
en tempsO(n3· |w|2)telle que(wb, ... , w1)soit leφn-´eclatement dew.
D´emonstration. Les propri´et´es de la suite retourn´ee sont une cons´equence directe de la
propo-sition 2.7. Chaque appel `aDivDest enO(n· |w′|)avec|w′| 6 |w|. L’algorithmeEclatement
n´ecessitantO(card(A+
n)· |w|)appels `aDivD, on obtient le r´esultat. `
A partir de maintenant, siwest un mot tournant `anbrins, l’unique suite de mots normaux tournant `a(n−1)brins(wb, ... , w1)telle que(wb, ... , w1)soit leφn-´eclatement dewest appel´e
φn-´eclatement dew. `
A l’aide de l’algorithmeeclatementpermettant de calculer le φn-´eclatement d’une tresse de B+∗
n , nous construisons un algorithme renvoyant la forme normale tournante d’une tresse deB+∗
n . Le principe est celui donn´e `a la d´efinition 2.12.
Algorithme 6 (FormeTournante).
Entr´ee : Un couple(n, w)o`unest un entier≥2etwest unA+ n-mot
1. Sin=2 faire Renvoyerw;
2. Eclatement(n,w) →(wb, ... , w1);
3. ε→w′;0→k′;
4. Pourk = 0jusqu’`abfaire
5. Phi(n,k′,FormeTournante(n−1,wk))·w′→w′; 6. k′+ 1 →k′; 7. Sik′=nfaire0→k′; 8. Renvoyerw′; Sortie : UnA+ n-mot
Proposition 2.20. L’algorithmeFormeTournanteappliqu´e `a(n, w)retourne la forme normale tournante dewen tempsO(n4· |w|2).
3. Contraintes sur leφn-´eclatement 103
D´emonstration. `A la ligne4, l’entierk′est ´egal `akmodulon. Le reste de l’algorithme est juste une adaptation de la d´efinition 2.12.
Notons C(n, ℓ) la complexit´e en temps de l’algorithme FormeTournante appliqu´e `a un
A+
n-mot w de longueur ℓ. Pour n = 2, la complexit´e C(n, ℓ) est constante. Pour n > 3, la complexit´eC(n, ℓ)est lin´eaire en
n3ℓ2+C(n−1,|w1|) +...+C(n−1,|wb|),
avecℓ=|w1|+...+|wb|. CommeC(n, ℓ)est au moins lin´eaire enℓ, on obtient
C(n, ℓ)6n3ℓ2+C(n−1, ℓ).
AinsiC(n, ℓ)appartient `aO(n4|w|2).
Pour le moment, nous nous sommes seulement int´eress´es `a calculer la forme normale tour-nante d’une tresse `a partir d’un mot la repr´esentant. Pour cela nous avons utilis´e l’op´eration de
φn-´eclatement. Peut-on facilement retrouver leφn-´eclatement d’une tresse `a partir de sa forme normale tournante ? La r´eponse est donn´ee par le r´esultat suivant :
Lemme 2.21. Supposonsn >3. Pour toutAn-mot tournantw, leφn-´eclatement dewpeut ˆetre calcul´e en temps au plusO(log(n)ℓ).
D´emonstration. Par d´efinition de φn, un g´en´erateurap,q appartient `a φk n(B+∗
n−1)si et seulement si on a p 6= k modn et q 6= k mod n. Ainsi, ´etant donn´e un An-mot tournant w, on peut directement lire le φn-´eclatement(wb, ... , w1) dew. En effet, lisantw `a partir de la droite, w1
est le suffixe maximal de w qui est unAn−1-mot, puis φn(w2)est le suffixe maximal du mot restant qui est l’image d’unAn−1-mot parφn, etc, jusqu’`a obtenir le mot vide.
Exemple 2.22. Consid´erons le mot tournantw=a1,2a1,4a2,3a1,2et calculons leφ4-´eclatement dew. En lisantw `a partir de la droite, on trouve que le suffixe maximal dewne contenant pas de lettreap,q avecp = 0 mod nouq = 0 mod nest a2,3a1,2. On a doncw1 = a2,3a1,2. En r´ep´etant ce proc´ed´e, on trouve facilement que leφ4-´eclatement dewest
(φ4−3(a1,2), φ4−2(a1,4), φ−1
4 (1), a2,3a1,2),
donc la suite(a2,3, a2,3,1, a2,3a1,2).
3 Contraintes sur le φ
n-´eclatement
L’op´eration deφn-´eclatement associe `a chaque tresse non triviale de B+∗
n une suite finie de tresses de B+∗
n−1. Maintenant, dans l’autre direction, toute suite finie de tresses de B+∗
n−1 n’est pas le φn-´eclatement d’une tresse de B+∗
n . Le but de cette section est d’´etablir certaines con-traintes qui sont satisfaites par les termes d‘un φn-´eclatement. La contrainte principale ´etant qu’unφn-´eclatement contient n´ecessairement ce que l’on appelle une ´echelle, qui correspond `a une succession de lettres ap,q (pas forc´ement adjacentes) dont les indicesq forment une suite croissante (les barreaux de l’´echelle).