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J'aborde maintenant quelques limites des expériences faites dans le cadre de cette thèse et propose quelques pistes pour des recherches futures. La méthodologie expérimentale offre un avantage non négligeable puisqu'elle permet de construire de nouvelles variantes d'expériences afin de tester différentes hypothèses.

Un système plus proportionnel. Nous avons testé différents systèmes proportionnels, mais pas toutes les formes qu’il prend effectivement lors d’élections démocratiques. Une avenue prometteuse pour augmenter la validité de la construction de notre devis expérimental serait de vérifier si les similitudes entre le UT et la RP persistent si le nombre de sièges en jeu sous RP est plus élevé. En effet, il est suggéré dans la littérature que la proportionnalité d'un système proportionnel dépend du nombre de sièges en jeu. Plus le nombre de sièges est élevé dans une circonscription, plus le système fournit des résultats où le nombre de sièges attribué à chaque parti est proportionnel au nombre de votes obtenus (Benoit, 2000; Cox, 1997; Lijphart, 1990). Plus le nombre de sièges en jeu est petit, moins le système fournit des résultats dits proportionnels. Nous pouvons reprendre un devis expérimental semblable à celui employé dans la présente thèse en modifiant simplement la quantité de sièges en jeu sous RP. En quelque sorte, un groupe expérimental peut être considéré comme une circonscription dans nos expériences. Les versions employées lors de nos expériences précédentes allouaient généralement deux sièges par circonscription. Faire varier le nombre de sièges, par exemple, 5, 10 ou 20, permettrait de savoir si les effets

attendus de la RP – que nous n'avons pas observés en laboratoire – sont tributaires du nombre de sièges.

L’autre manipulation importante du système RP serait l’introduction d’un seuil minimal de voix pour l’obtention d’un premier siège. La littérature propose qu’un seuil faible favorise la proportionnalité du système comparé à un seuil élevé (Gallagher, 1991; 1992; Lijphart, 1986; 1994; Taagepera, 1998). L’argument est qu’un seuil élevé devient une barrière à l’entrée défavorisant les petits partis politiques, ce qui a pour résultat de limiter la diversité des élus. Ainsi, les partis avec une trop faible proportion de votes n’obtiennent pas leur juste part de sièges. De plus, les électeurs peuvent stratégiquement déserter ces partis de faible taille qui ne sont pas perçus comme viables en présence d’un seuil élevé. Toutefois, nous avons précédemment suggéré qu'en présence d'un seuil une stratégie pourrait émerger : la désertion d'un parti fortement viable pour un parti peu viable qui peut être « sauvé » par cette désertion stratégique. Ces nouvelles expériences permettraient de vérifier si ce qui importe le plus ne reposerait pas davantage sur le nombre de sièges alloués ou le seuil minimal de voix plutôt que sur la formule électorale proprement dite, tel que proposé par Taagepera et Shugart (1989).

Des expériences plus complexes. Nos expériences se déroulent avec un électorat restreint à 21 participants. Nous pourrions faire varier ce nombre. Les recherches précédentes proposent qu'un électorat composé d'un plus grand nombre d'électeurs participe moins puisque la probabilité d'être pivot diminue avec la taille de l'électorat (Levine et Palfrey, 2007). Puisque nous avons appris par nos recherches que la probabilité d'être pivot joue également sur la décision de voter pour le premier choix ou de déserter, nous pourrions vérifier si la désertion diminue en augmentant la taille de l'électorat.

Nous avons formulé précédemment une limite à nos expériences concernant le fait qu'une élection avec un groupe de participants correspond à une seule circonscription. En

réalité, nous retrouvons généralement plusieurs circonscriptions dans une élection. Il existe dans ce cas deux niveaux, un niveau local et un niveau global. Lors d'expériences futures, nous pourrions introduire un second niveau, le niveau global. Un gain serait attribué au niveau local – comme c'est le cas dans nos expériences – et un autre serait attribué au niveau global. Pour obtenir un résultat au niveau global, plusieurs groupes/circonscriptions voteraient simultanément. Encore une fois, le UT pourrait être comparé à la RP. Faire varier le nombre de sièges par circonscription sous RP permettrait d'obtenir un système qui ressemble beaucoup à ce que l'on retrouve dans un grand nombre de démocraties. Un avantage principal de cette modification serait de permettre l'étude de systèmes mixtes, tel le système mixte allemand où les électeurs ont un vote au niveau local suivant la règle UT et un autre vote au niveau global suivant la règle RP (Gschwend, 2007). En plus du système mixte, nous pourrions tester d’autres règles électorales à l'aide de notre devis expérimental. Par exemple, le vote unique transférable, le vote préférentiel ou le vote approbatif pourraient être comparés au UT et à la RP.

L’effet du nombre de partis sur la participation et le vote stratégique est une autre avenue qui mérite d’être explorée. Peu est connu sur l’effet du nombre de parti sur la participation. Nous savons toutefois que dans nos expériences les électeurs tiennent compte uniquement de la viabilité du premier et du second choix dans leur décision de déserter (voir Table 3.2 et note 87). Nous pouvons aisément contrôler l’offre des partis en laboratoire. Nos expériences permettent de conclure qu’à nombre égal de partis, les comportements politiques varient peu en changeant seulement le système électoral.

D'autres comportements. Les données provenant de nos expériences peuvent être réutilisées pour tester d’autres comportements. Puisque la logique à la base de nos expériences est le modèle du citoyen rationnel, ceci facilite la vérification d'hypothèses compatibles avec cette logique. Par exemple, il est possible de complexifier notre devis pour étudier les stratégies des partis politiques. Il suffirait d'intégrer des participants jouant

le rôle des partis politiques. Ils décideraient de présenter ou non leur parti politique et où le situer sur l'axe politique. Ceci permettrait à la fois d'étudier les stratégies des partis et la réponse des électeurs aux stratégies des partis. L’hypothèse est que les électeurs devront compenser par la désertion stratégique lorsque les partis qu'ils préfèrent ne parviennent pas à se coordonner efficacement (Cox, 1997). Nous pourrions également étudier le choix d'un système électoral plutôt qu'un autre. Laisser les électeurs choisir par un vote entre deux systèmes électoraux avant de participer (ou non) à une élection permettrait de mieux comprendre quel système est préféré des électeurs. Parallèlement, il serait possible de déterminer si le fait de voter en employant un système préféré par l'électeur augmente sa participation ou diminue sa désertion stratégique.