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C. Objet d’étude sur le terrain et contexte : le pilotage du processus de conception chez le

1. Recherche intervention dans le cadre d’une CIFRE

Le présent travail de recherche est réalisé dans le cadre d’une Convention Industrielle de Formation par la Recherche (CIFRE). C’est un dispositif qui a été mis en place par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche afin de développer les collaborations entre le monde académique et le monde professionnel et pour améliorer les conditions de formation des doctorants et faciliter leur insertion professionnelle. Il s’agit d’une convention tripartite qui lie, dans notre cas, le laboratoire Management et Organisation de l’Université Paris Dauphine et la société PSA Peugeot Citroën (contrat de collaboration université/entreprise) ainsi que le doctorant rattaché au laboratoire de recherche et recruté comme salarié par PSA (CDD de 3 ans). Ce dispositif est géré par l’Association Nationale de Recherche et Technologie et subventionné par l’Etat.

La thèse est positionnée chez PSA au sein du Service Méthodes de Gestion R&D (MGET) faisant partie de la Direction Pilotage Economique de l’Amont technico industriel (DPEA) qui représente l’entité de contrôle de gestion central de toute l’activité de R&D du groupe PSA. Ce positionnement est justifié par la cohérence avec l’objectif prédéfini au début de la thèse : le développement d’une méthode de pilotage de la conception automobile. Toutefois, afin de développer notre méthode de pilotage, nous avons été amenée à travailler plus fréquemment avec les acteurs du processus de conception, principalement avec les acteurs des projets véhicule (chefs de projets et leur équipe rapprochée) ainsi qu’avec des acteurs de certaines directions transversales à savoir les responsables des

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processus qualité et de la gestion de risques/opportunités des projets de conception véhicule et les responsables des avant-projets.

1.2. Recherche intervention combinée à d’autres démarches ponctuelles

Afin de répondre à notre problématique de recherche, nous procédons par une démarche de recherche-intervention (David, 2000; Moisdon, 1984). Cette démarche est d’ailleurs la plus fréquemment utilisée dans les thèses CIFRE et dans la recherche en conception automobile48, que ce soit dans l’étude des histoires de projets (e.g. l’analyse de Midler sur la Twingo, (Midler, 1993)) ou dans des études de thématiques particulières comme le pilotage par la valeur en innovation (Hooge, 2010; Maniak, 2010) ou la réduction des délais (Mahmoud-Jouini & Pluchart, 2004).

La démarche de recherche-intervention répond parfaitement aux attentes de notre travail de recherche. Tout d’abord, cette approche permet de mieux appréhender la complexité de notre objet étudié (le pilotage du processus de conception automobile). En fait, il s’agit d’une démarche de recherche qualitative axée sur une compréhension en profondeur de l’objet étudié par une immersion forte et active du chercheur sur son terrain (Dumez, 2011). Cette démarche est fondée également sur une prise en compte du contexte et de la situation d’étude (ibid.) ; ceci est particulièrement important dans notre cas où la mise en œuvre de notre méthode de pilotage devrait bien évidement prendre en compte le contexte spécifique du groupe décrit précédemment.

D’un autre côté, David (2000) souligne que « La recherche intervention consiste à aider, sur le terrain, à concevoir et à mettre en place des modèles, outils et procédures de gestion adéquats à partir d’un projet de transformation plus ou moins complètement défini… ».

Dans notre travail de recherche, nous suivons exactement la même logique puisque nous cherchons à mettre en place une méthode de pilotage constituée d’un ensemble innovant de modèles, de concepts et d’outils dans la conception de PSA. Pour ce faire, nous allons nous appuyer sur un prototype générique qui constitue une version volontairement non finalisée de notre méthode de pilotage. L’objectif est de travailler avec les acteurs pour construire ensemble une version adaptée à PSA.

Par ailleurs, David (2000) complète sa définition en précisant que l’objectif de la recherche intervention est « de produire à la fois des connaissances utiles pour l’action et

48 Utilisée par les deux laboratoires ayant initié cette démarche en sciences de gestion : le CGS de l’Ecole des mines et le

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des théories de différents niveaux de généralité en sciences de gestion. » Dans la même logique, notre travail de recherche vise le développement et l’amélioration d’un certain nombre de dispositifs et d’outils utiles pour les acteurs des projets véhicule et pour les entités centrales. Notre méthode a également pour objectif de tester une nouvelle approche de pilotage, fondée sur le triptyque Valeur Risques Opportunités, en conception et d’en tirer des conclusions théoriques généralisables.

La recherche intervention est également jugée pertinente pour expliquer les phénomènes de gestion et plus particulièrement ceux d’ordre collaboratif (Midler, 1993). Dans notre cas, nous nous intéressons à l’étude de la coordination et des interactions des acteurs. Ces derniers ne peuvent être appréhendés que par une observation et une interaction continue et longitudinale, permise dans le cadre d’une telle démarche et plus particulièrement dans les thèses en CIFRE.

Dans notre recherche-intervention, nous nous sommes appuyée sur deux démarches jugées clés pour sa réussite :

- une démarche abductive : Il s’agit d’ « élaborer une observation empirique qui relie une règle générale à une conséquence, c'est-à-dire qui permette de retrouver la conséquence si la règle générale est vraie » (David, 1999). L’abduction consiste donc à faire des allers-retours entre la découverte sur le terrain (induction) et la consolidation théorique à travers une corroboration de la pratique avec la base bibliographique. Le terrain construit la théorie qui construit le terrain et ainsi de suite.

- une co-construction avec les acteurs : en recherche intervention, l’apprentissage passe par une dynamique construction collective (co-construction) de l’innovation managériale (David, 2000). Celle-ci vise à amener les acteurs à participer activement dans la construction des propositions permettant d’introduire de véritables changements sur le terrain (Thietart, 2007).

Enfin, la recherche intervention suppose un contact en continu avec le terrain étudié et de nombreuses interactions avec les acteurs. Dans notre cas, nous avons été rattachée au service de contrôle de gestion, considéré comme un service de support central qui a un contact assez limité avec le niveau le plus opérationnel : les projets de véhicule. Donc, afin d’accéder à notre terrain et du fait du périmètre du terrain (processus de conception chez PSA) qui est extrêmement large, nous avons procédé par étude de cas. En effet, nous avons sélectionné deux projets véhicule et en nous appuyant sur des entretiens et des groupes

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de travail nous avons cherché à co-construire et à mettre en œuvre avec les acteurs du processus de conception une méthode de pilotage adaptée à leur terrain. Par ailleurs, nous avons été amenée à participer à plusieurs actions49 dans le cadre de notre rattachement au service des méthodes de gestion. Nous avons, donc, effectué de l’observation participante. Même si certaines missions accomplies n’avaient pas pour objectif direct la réponse à la problématique de recherche, elles nous ont permis de comprendre les pratiques de gestion en vigueur et d’avoir une meilleure appréhension des objectifs du Groupe et des plans de performance en cours.

Notre démarche de recherche-intervention dans le cadre d’une thèse CIFRE, fondée sur une forte interaction et une présence continue sur le terrain, nous positionne dans une posture épistémologique « interprétativiste 50». Comme le souligne Seville & Perret (2002) en parlant d’interprétativisme, « …le monde est fait d’interprétations … ces interprétations se construisent à travers les interactions d’individus (acteurs et chercheurs) dans des contextes toujours particuliers». Par ailleurs, les interactions avec le terrain dans le cadre d’une recherche intervention permettent de créer une dynamique de connaissance et de confrontation entre les savoirs de l’intervenant et ceux des acteurs concernés (Hatchuel, 1994b). Cette dynamique génère une « métamorphose » conjointe de ses acteurs (chercheur et praticiens) dans laquelle « le chercheur ne se fait plus simple interprète ou simple miroir, mais il stimule la production de nouveaux points de vue » (Ibid). Dans notre travail aussi nous allons voir que nous ne cherchons pas uniquement à produire des interprétations mais à produire avec les acteurs de la connaissance partagée et une méthode de pilotage qui en est le support.