• Aucun résultat trouvé

Reboisement et agroforesterie en milieu tropical

Version MAE – Lise Parent Adapté de Gagnon et Chabot, 1988

B) PROPOSITION D’UNE LISTE D’ESPÈCES CIBLES DANS LA RÉSERVE DES LAURENTIDES

5.4 Reboisement et agroforesterie en milieu tropical

La gestion des forêts en milieu tropical diffère grandement de celle des pays industrialisés parce que moins de 5 % du territoire forestier tropical utilisé fait l’objet d’un aménagement. Ce qui importe, à l’heure actuelle, c’est que ces pays évitent d’utiliser des pratiques semblables à celles appliquées en Europe et en Amérique où plus de 90 % des forêts primitives ont été détruites.

Pour ralentir la déforestation dans les milieux tropicaux, il est important d’observer un certain nombre de règles et d’appliquer des mesures particulières.

Parmi les mesures les plus prometteuses et les plus réalistes, on compte le reboisement et l’intégration de l’agriculture et de la foresterie, appelée agroforesterie.

5.4.1 Le reboisement par les plantations

Les superficies qu’il serait nécessaire de reboiser en milieu tropical pour satisfaire la demande en bois de chauffage, en bois industriel et pour la réhabilitation écologique du milieu sont respectivement de 55, 10 et 100 millions d’hectares, pour un total de 165 millions ha. La situation actuelle du reboisement est cependant loin de ces besoins, puisque les données de la Food and Agriculture Organisation (FAO) révèlent que depuis le milieu des années 1980, le reboisement en milieu tropical ne s’effectue qu’à raison de quelques millions d’hectares annuellement. Au milieu des années 1980, seulement 17 millions d’hectares avaient été reboisés, soit une surface égale à celle qui était annuellement déboisée à cette époque (Postel et Heise, 1988).

De 1990 à 2000, c’est un minimum de 120 millions d’hectares qui devraient être reboisés. Ce reboisement améliorerait certainement la qualité de l’atmosphère, car une telle superficie forestière est capable d’emprisonner annuellement près de 800 millions de tonnes de carbone sous forme de CO2, freinant ainsi l’augmentation de ce gaz dans l’atmosphère. Toutefois, l’absorption complète des surplus d’origine anthropique de gaz carbonique dans l’atmosphère nécessiterait la plantation de 500 millions à 1 milliard d’hectares de forêts sur la planète (Postel et Heise, 1988; Houghton, 1991).

Version MAE – Lise Parent

Une partie du reboisement peut se faire par la plantation de jeunes semis. Afin d’obtenir une production maximale dans les plus brefs délais, on utilise généralement des essences qui croissent très rapidement. En milieu tropical on utilise à cette fin le bambou, une graminée géante, l’eucalyptus et, plus récemment, le Leucæna, qui appartient au groupe des légumineuses. Ce dernier, appelé l’arbre à tout faire, est originaire du Mexique et d’Amérique centrale; il peut produire rapidement du bois utilisable pour la construction ou le chauffage, alors que son feuillage peut servir à l’alimentation humaine ou animale. De plus, cet arbre peut fixer jusqu’à 700 kilogrammes d’azote atmosphérique par hectare par an (Newman, 1990).

Bien qu’on ait recours aux valeurs de la phytomasse pour que les plantations soient trois fois plus productives que dans une forêt régénérée naturellement, ces plantations requièrent quand même un investissement considérable. Les plantations, à l’instar des cultures agricoles, ont besoin d’être fertilisées et d’être traitées avec des pesticides et, pendant la période de croissance, elles ne peuvent pas subvenir aux besoins des paysans. De plus, les arbres à croissance rapide utilisés en plantation produisent généralement un bois mou, de piètre qualité pour la construction.

Plusieurs estiment que les plantations forestières représentent un compromis inacceptable, car elles sacrifient la qualité des forêts à la satisfaction des besoins de production de matière ligneuse. La monoculture d’arbres, tout comme celle pratiquée en milieu agricole, est susceptible d’entraîner les mêmes problèmes, comme, celui d'une vulnérabilité plus grande face aux insectes ravageurs ou aux maladies; c’est le cas, par exemple, de la culture de la banane (Burton et al., 1992). Bien que le rôle des plantations afin de restaurer les forêts détruites ne soit pas négligeable, une approche systémique des problèmes tend à voir l’agroforesterie plutôt comme solution globale.

5.4.2 L’agroforesterie, une approche intégrée

L’agroforesterie en milieu tropical est la culture concomitante d’arbres et de plantes agricoles. Un système agroforestier permet la production intensive d’une variété de plantes annuelles et d’essences ligneuses capables de combler une partie importante des besoins d’une population. Ce système, qui possède sa dynamique interne propre, est celui qui ressemble le plus aux écosystèmes forestiers naturels (Alexandre, 1992; Grandner, 1990; Le Tacon et Harley, 1990).

Il s’agit toutefois d’une nouvelle appellation utilisée pour décrire une pratique très ancienne. L’intérêt moderne pour cette pratique tient au fait que l’agroforesterie semble la seule option valable pour la remise en valeur de nombreuses terres marginales (dégradées). En milieu tropical, la culture de plantes fourragères ou de céréales n’est viable, dans plusieurs cas, que si elle est accompagnée de la culture d’arbres. La remise en production de centaines de millions d’hectares de friches forestières pourrait bénéficier de la mise en place d’un tel agrosystème (Westoby, 1989; Newman, 1990).

L’agroforêt imite la forêt naturelle de manière simplifiée en intégrant de multiples espèces végétales et animales. On y trouve des strates arborescentes, arbustives et herbacées capables de fournir les fruits, les légumes, les huiles, les fibres, les

Version MAE – Lise Parent

médicaments, le bois de chauffage et le bois de construction nécessaires à une population rurale. Des animaux domestiques comme les poulets, les porcs et les bovins peuvent être adéquatement intégrés à un tel système; le fumier de ces animaux, s’ajoutant à la litière végétale, sert à fertiliser le sol.

En Malaisie, on a intercalé des bananiers ou des ananas dans une culture d’hévéas (arbre à caoutchouc). La présence des arbres fruitiers empêche les mauvaises herbes de prendre racine. Lorsque les hévéas forment une forêt plus dense, il n’est plus possible de cultiver les arbres fruitiers, mais on permet le broutage par le bétail, ce qui empêche alors la prolifération des mauvaises herbes tout en constituant un apport de nourriture pour les populations locales (Westoby, 1989). Par ailleurs, dans une jeune plantation de cocotiers (moins de huit ans), on peut semer des plantes annuelles ou vivaces afin de tirer le maximum du potentiel du sol. Entre 8 et 25 ans d’âge, la cime des cocotiers se déploie près du sol, empêchant ainsi le soleil de passer, mais au-delà de 25 ans cette cime atteint une hauteur suffisante, ce qui permet d’intercaler des plantations arbustives comme le cacao (Newman, 1990).

L’agroforesterie peut être pratiquée de manière extensive, semi-intensive ou intensive. Dans le premier cas, on peut faire l’intégration de la culture du maïs et du Leucæna en utilisant uniquement des fertilisants naturels (fumier, compost). Sur une surface d’un hectare, on obtient deux tonnes de maïs par an, deux tonnes de bois de chauffage ainsi que deux tonnes et demie de feuillage à composter.

L’agroforesterie semi-intensive consiste, par exemple, à cultiver en alternance du maïs, des papayers et des orangers, le tout intercalé dans une plantation de lauriers. Cette pratique agroforestière rapporte des revenus annuels huit fois plus importants que l’agriculture itinérante sur brûlis et nécessite 40 fois moins de main-d’œuvre. Une manière de pratiquer intensivement l’agroforesterie consiste à intégrer des bassins d’élevage de certains poissons comme le tilapia, une espèce exotique qui est une importante source de protéines. Dans un tel cas, la valeur ajoutée par l’élevage du poisson représente 40 fois celle obtenue avec la culture du maïs en agriculture itinérante (Newman, 1990).

On a évalué que l’obtention de bois de chauffage par la pratique de l’agroforesterie coûte seulement 10 à 20 % des montants impliqués dans la mise sur pied d’une plantation; de plus, le volume de bois obtenu peut être de cinq à dix fois plus important. L’agroforesterie sert aussi à stabiliser l’érosion éolienne et hydrique tout en permettant à des régions arides de soutenir des productions pourra pas se faire sans passer par un tel système. Il est toutefois important de se rappeler que cela doit se réaliser dans le contexte socio-économique de chacune des régions impliquées parce que les nouvelles pratiques agroforestières doivent être utilisées par ceux qui travaillent la terre, c’est-à-dire les paysans (Newman, 1990; Westoby, 1989).

La mise sur pied de l’agroforesterie dans les 32 pays où ce besoin est important nécessite des fonds substantiels. Ainsi, pour la période de 1987 à 1991, près de deux milliards de dollars étaient nécessaires pour les besoins minimaux. Quant à la

Version MAE – Lise Parent

protection des forêts tropicales, elle requiert encore plus d’argent, car des milliers de projets, pilotés par les gouvernements, les centres de recherches, les universités et les organismes non gouvernementaux (ONG) doivent obtenir du financement. La Banque mondiale, qui a changé ses politiques de financement des grands travaux en milieu tropical au cours des années 1980, est maintenant en mesure d’aider à conserver les forêts tropicales en exigeant des garanties quant à leur préservation. En 1988, l’assistance officielle au développement en milieu forestier tropical atteignait plus d’un milliard de dollars pour l’assistance technique, les investissements divers ou les prêts (Newman, 1990).

Par ailleurs, on parle de plus en plus de l’effacement de la dette des pays en développement en échange des services que rendent les forêts tropicales à l’humanité, notamment par leur contribution à la biodiversité. De tels arrangements, appelés « échanges dette-nature », consistent à racheter une partie de la dette des pays en développement, en échange d’une promesse de créer des parcs ou de préserver intactes certaines zones forestières. Le rachat de la dette peut aussi être converti en devises locales qui doivent être utilisées pour des projets environnementaux locaux. Ces mécanismes de compensation ne sont cependant pas bien vus par plusieurs pays en développement, qui refusent que la forêt tropicale soit transformée en jardin d’Éden servant à venir en aide à la communauté internationale. Mentionnons qu’au Sommet de la Terre de juin 1992, une convention sur les forêts n’a pu être adoptée parce que les pays tropicaux refusaient l’imposition de contraintes à leur développement économique. On espère cependant que la Convention sur la biodiversité, signée à Rio, pourra servir à préserver le patrimoine forestier tropical (Gagnon, 1992).

Documents relatifs