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La protection des espèces en péril

Version MAE – Lise Parent Adapté de Gagnon et Chabot, 1988

B) PROPOSITION D’UNE LISTE D’ESPÈCES CIBLES DANS LA RÉSERVE DES LAURENTIDES

5.3 Le maintien de la biodiversité

5.3.1 La protection des espèces en péril

La question des espèces menacées ou en voie de disparition est devenue un enjeu de premier plan pour le maintien de la biodiversité. Nous verrons, dans cette section, les grandes lignes des interventions fédérale et québécoise en matière de protection des espèces en péril, notamment celles qui vivent en milieu forestier.

Tout comme les ressources naturelles, la protection des espèces est sous la compétence partagée entre les gouvernements fédéral et provincial. En 1992, le Canada signait la Convention sur la diversité biologique des Nations unies et le Québec y adhérait. Trois des pierres d'assises de cet engagement du Canada, destinées à protéger la biodiversité, conformément à la Convention, sont : d’établir un réseau national d'aires protégées; de décréter et d’appliquer une loi sur les espèces menacées et vulnérables; et de mettre en œuvre des mesures pour protéger la biodiversité marine (Boyd, 2003).

Le rôle du gouvernement fédéral

En 1976, des organismes fédéraux, provinciaux et territoriaux chargés de la gestion des espèces sauvages ont créé le Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada (CSEMDC) dans le but d’établir le statut de différentes espèces, sous-espèces ou populations sauvages. En 1992, ce comité estimait qu’il y avait 213 espèces végétales et animales en péril au Canada (Environnement Canada, 1991a), alors qu'en novembre 2004, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) avait inscrit 467 espèces sur la liste, allant de la catégorie « disparue » à « préoccupante ». De cette liste, 305 espèces, soit 65 %, sont considérées comme associées à la forêt (RNCan, 2005).

Quelques organismes publient une liste d’espèces pour lesquelles un statut ou un rang de précarité a été établi selon certains critères. Ces résultats sont regroupés ci-dessous selon l’échelle considérée.

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―À l'origine, les directeurs de la faune ont donné au COSEPAC le mandat d'étudier les vertébrés (mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens et poissons) et les plantes. En 1994, le mandat du COSEPAC a été élargi pour inclure les mollusques, les lépidoptères (papillons diurnes et nocturnes), les lichens et les mousses. En 2003, le COSEPAC a reçu l'approbation des directeurs de la faune d'entreprendre l'évaluation de la situation d'autres arthropodes en plus des lépidoptères. Les arthropodes sont un groupe très diversifié d'animaux, incluant les demoiselles, les coléoptères, les écrevisses et les araignées. En 2000, le COSEPAC a ajouté un nouveau sous-comité afin d'aider à l'incorporation des connaissances traditionnelles autochtones au processus d'évaluation de la situation du COSEPAC.‖

Le COSEPAC définit ce qu’est une espèce sauvage ainsi que les différentes catégories de statut, tel que présenté dans le tableau ci-dessous. (Gouvernement du Candad, 2002; http://www.cosewic.gc.ca/fra/sct6/sct6_3_f.cfm)

Espèce sauvage

Espèce, sous-espèce, variété ou population géographiquement ou génétiquement distincte d’animal, de plante ou d’une autre organisme d’origine sauvage (sauf une bactérie ou un virus) qui est soit indigène du Canada ou qui s’est

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propagée au Canada sans intervention humaine et y est présente depuis au moins cinquante ans.

--- Disparue (D)

Espèce sauvage qui n’existe plus.

--- Disparue du pays (DP)

Espèce sauvage qu’on ne trouve plus à l’état sauvage au Canada, mais qu’on trouve ailleurs.

--- En voie de disparition (VD)

Espèce sauvage exposée à une disparition de la planète ou à une disparition du pays imminente.

--- Menacée (M)

Espèce sauvage susceptible de devenir « en voie de disparition » si rien n’est fait pour contrer les facteurs menaçant de la faire disparaître.

--- Préoccupante (P)

Espèce sauvage qui peut devenir « menacée » ou « en voie de disparition » en raison de l'effet cumulatif de ses caractéristiques biologiques et des menaces reconnues qui pèsent sur elle.

--- Non en péril (NEP)

Espèce sauvage qui a été évaluée et jugée comme ne risquant pas de disparaître étant donné les circonstances actuelles.

--- Données insuffisantes (DI)

Catégorie qui s'applique lorsque l'information disponible est insuffisante (a) pour déterminer l'admissibilité d'une espèce sauvage à l'évaluation ou (b) pour permettre une évaluation du risque de disparition de l'espèce sauvage.

Une espèce ou une population en voie de disparition peut l’être de façon imminente dans l’ensemble de son aire de répartition ou dans une portion importante de celle-ci, de son pays, ou de la planète; une espèce ou une population menacée peut devenir une espèce en voie de disparition si les facteurs qui la rendent vulnérable ne sont pas éliminés; une espèce ou une population est vulnérable quand ses effectifs sont réduits, en baisse ou parce qu’elle se trouve aux confins de son aire de répartition; notons qu’une espèce vulnérable n’est habituellement pas menacée.

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Pour la plupart des espèces, c’est la perte ou la dégradation de l’habitat qui constitue la menace la plus grave, soit pour environ 60 % des espèces désignées par le COSEPAC (Environnement Canada, 2003). Dans le sud du Canada, la perte des habitats résulte surtout de la conversion des écosystèmes en espaces agricoles ou urbains. Dans plusieurs milieux, les contaminants toxiques sont directement mis en cause et constituent le deuxième facteur en importance qui menace les espèces (Environnement Canada, 2003).

Parmi les espèces dont il fut question à la section 4.1.4 (Modifications des habitats fauniques), mentionnons que la martre d’Amérique est considérée comme une espèce menacée à Terre-Neuve seulement, que la chouette tachetée est considérée comme une espèce en voie de disparition dans l’ensemble de son aire de répartition, sur la côte Ouest, alors que certaines populations de caribou des bois sont inscrites sur la liste d'espèce en péril (soit en voie de disparation, menacée ou préoccupante).

La Loi sur les espèces en péril (LEP) est entrée en vigueur en juin 2003. Cette loi, longuement attendue, est le résultat de la mise en œuvre de la Stratégie canadienne de la biodiversité, qui est une exigence à la Convention sur la diversité biologique des Nations unies signée en 1992. La lenteur du Canada à développer cette loi ainsi que son contenu fut critiquée à maintes reprises par les environnementalistes (Boyd, 2003).

L'objectif de la Loi est de prévenir la disparition d'espèces sauvages et de prendre des mesures qui permettront le rétablissement des espèces en voie de disparition ou menacées, ainsi que de favoriser la gestion des autres espèces pour empêcher qu'elles ne deviennent des espèces en péril. Un processus bien défini doit être suivi afin d'inscrire une espèce sur cette liste.

Ainsi, le processus débute par l'inventaire des espèces sauvages afin d'obtenir une idée de la situation, des tendances de population, etc. Puis, le processus d'évaluation des espèces est enclenché par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC). Quand une ou des espèces sont menacées, elles font d’abord l’objet d’énoncés de réaction menant à un programme de rétablissement décrivant ce qui est scientifiquement requis pour la réussite du rétablissement d'une espèce en péril, comprenant l'identification de l'habitat essentiel et des besoins auxquels il faut répondre. Par la suite, le plan d'action Nord-Ouest et le Nunavut. La Loi ne s'appliquerait donc que sur environ 5 % des terres du Canada. De plus, le fait que la démarche soit soumise à l'approbation du ministre, donc que celui-ci puisse ignorer les rapports des scientifiques, pourrait discréditer l'objectif important de cette loi. Par exemple, une espèce ayant besoin d'un grand habitat, tel l'ours grizzly, ou une espèce ayant peu d'intérêt aux yeux de la population, tel un insecte, pourrait ne pas être désignée pour des raisons politiques.

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Le programme national de Rétablissement des espèces canadiennes en péril (RESCAPÉ) rassemble 16 ministères fédéraux, provinciaux et territoriaux ainsi que plus d'une centaine d'équipes de rétablissement des espèces, composées de membres gouvernementaux et non gouvernementaux intéressés au rétablissement des espèces une fois que leur statut a été établi. Le programme constitue la deuxième étape concrète, et distincte de la première, conforme aux démarches prescrites dans la LEP pour sauvegarder les espèces en péril. Ainsi, à l'aide de ce programme, on développe des plans d'action concrets pour le rétablissement de certaines espèces.

La Loi sur les espèces en péril du Canada ignore ou désavoue plusieurs principes de base de la conservation de la biodiversité, tels que la nécessité de situer les problèmes au niveau de l'écosystème, l'impératif de la protection de l'habitat, l'importance des processus écologiques, la sagesse du principe de prévention et l'importance des pratiques d'aménagement adaptatives. Ces faiblesses ou manques illustrent le besoin d'une meilleure communication entre les législateurs et les scientifiques (Boyd, 2003). Toujours selon le même auteur, la loi permettant de protéger les espèces en péril constitue un faible outil qui exigera un effort beaucoup plus important pour protéger la biodiversité.

L’intervention du gouvernement du Québec

Le principal outil d’intervention du gouvernement du Québec en rapport avec les espèces en situation précaire est la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables, adoptée en juin 1989, dont l’objectif ultime est la sauvegarde de l’ensemble de la diversité biologique du Québec9. La Loi vise aussi à prévenir la disparition des espèces, à éviter une diminution de l’effectif des espèces fauniques ou floristiques ainsi qu’à assurer la conservation et le rétablissement des habitats de ces espèces. Cette loi s’applique à toutes les espèces microbiennes, végétales ou animales vivant au Québec, c’est-à-dire celles qui y accomplissent une partie significative de leur cycle vital. La Loi touche aussi les espèces introduites, cultivées ou domestiques. La mise en application et la gestion de cette loi relèvent du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP) pour la flore, et du ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) pour la faune.

La Loi reconnaît deux statuts possibles pour une espèce en situation précaire : celle-ci est soit menacée, soit vulnérable. Les individus appartenant à la catégorie des espèces menacées sont dans une situation extrêmement préoccupante qui se manifeste par une diminution importante de la taille des populations ou de leur aire de répartition. Sans intervention rapide, leur disparition à plus ou moins brève échéance est prévisible. Ce statut québécois englobe les statuts « en voie de disparition » et « menacé » définis par le gouvernement fédéral. Une espèce ou une population est dite vulnérable quand sa survie à moyen et à long terme est précaire, même si la disparition n’est pas appréhendée.

9 Les informations de cette section proviennent de Lavoie, 1992; Lauzon, 1992; MENVIQ-MLCP, 1992; Tardif et al., 2005 et MDDEP, 2006.

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Le Centre de données sur le patrimoine naturel du Québec (CDPNQ) constitue un autre outil développé à la suite de l'adoption, en 1989, de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables.

Le maintien de la biodiversité exige de conserver toute la gamme des écosystèmes forestiers naturels (types de forêts, milieux humides et aquatiques) à l’intérieur des limites normales de variation d’abondance, de distribution et de taille. Cet objectif exige également qu’en tout temps, les écosystèmes forestiers présents sur le territoire soient représentatifs de l’ensemble des stades de développement normalement rencontrés en milieu naturel du Québec (CDPNQ), qui fait partie du réseau NatureServe (http://natureserve.org) regroupant 74 centres de données sur la conservation (CDC) répartis dans toute l'Amérique. Le CDPNQ est la source principale de données détaillées sur l'ensemble des espèces menacées ou vulnérables du Québec. La mission des CDC est de documenter, d’analyser et de diffuser l'information sur les éléments de la biodiversité (Tardif et al., 2005)

D'autres outils législatifs permettent de protéger les espèces menacées ou vulnérables, comme la Loi sur les réserves écologiques, adoptée en 1974 par le gouvernement du Québec. En 1978, la réserve écologique du Pin-rigide [sic], la première du réseau, fut constituée afin de sauvegarder la plus importante population d’un arbre connu seulement [à] deux endroits au Québec. Par la suite, en 1981, le Parc de conservation de la Gaspésie fut créé afin de protéger une population distincte de caribou des bois (MDDEP, 2006).

Parmi les mammifères de grande taille habitant les forêts, le carcajou (glouton) et le couguar de l’Est sont particulièrement menacés. Dans ce dernier cas, la chasse, les coupes forestières et la construction de routes, ayant un impact important sur leur habitat, ont été les principaux facteurs de raréfaction des deux espèces. Du côté de la faune aviaire, plusieurs espèces d’oiseaux de proie ont subi d’importantes baisses de population au cours des années 1960 et 1970, principalement à cause de l’utilisation de pesticides organochlorés comme le DDT.

Ces populations se rétablissent graduellement, mais leur situation est encore préoccupante.

Pour les plantes, la destruction des habitats naturels, qu’il s’agisse de milieux humides ou de milieux forestiers, constitue la principale cause de leur raréfaction.

Les régions les plus méridionales (Outaouais, Montréal, Richelieu) regroupent près de 60 % des plantes désignées. Ces régions sont celles ayant la plus grande biodiversité, mais aussi celles où les pressions sur le milieu sont les plus intenses.

Essentiellement, les plantes désignées de ces secteurs sont des végétaux qui sont à la limite nord de leur territoire.

La Loi sur les réserves écologiques et la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables sont uniques dans le domaine de la protection de la flore au Québec, puisque le gouvernement fédéral est responsable d'une très petite portion du

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territoire québécois et possède des moyens très limités en matière de protection floristique. Jusqu'à maintenant, 59 espèces de la flore sauvage et 12 de la faune ont été légalement désignées menacées ou vulnérables au Québec (MDDEP, 2005). Cependant, il y aurait actuellement, en 2005, 455 espèces désignées ou susceptibles d'être désignées menacées ou vulnérables au Québec, dont 80 sont des animaux vertébrés et 375, des végétaux vasculaires (Tardif et al., 2005).

L'auteur David Boyd souligne que l'élément vital pour assurer la protection et l'éventuel rétablissement d'une espèce en péril repose sur la protection de son habitat. Or, tout comme la législation fédérale, la protection de l'habitat au Québec demeure une décision discrétionnaire, ce qui a comme conséquence que l'habitat est rarement protégé.

5.3.2 Les milieux naturels protégés comme support au maintien de la

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