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Faire (re)connaître le problème public de la CECE : la légitimation n’est pas un

Chapitre III. Des mises en œuvre de la CECE parsemées d’obstacles

III.1. Etude critique des récits de la CECE

III.1.1. Faire (re)connaître le problème public de la CECE : la légitimation n’est pas un

A la lecture analytique des sept documents (dûment sélectionnés et présentés dans le chapitre 1), nous étudions les manières d’interpréter la CECE pour comprendre comment ces documents et leurs auteurs présentent, contextualisent et la légitiment. A cet effet, nous allons analyser le choix du vocabulaire, les sciences et les connaissances mobilisées ou encore l’accent mis sur les valeurs.

Pour quatre des sept documents, leur publication correspond à une forme d’instrumentation dont l’objectif est d’informer, de prescrire et de cadrer la CECE. Cet outil passe par une légitimation du projet pour faire reconnaître son bien-fondé. Il s’agit des documents du Conseil

Général de Vendée730 (CG), du Secrétariat technique du bassin Loire-Bretagne731 (SLB), du

Conservatoire d’Espaces Naturels Rhône-Alpes732 (CEN) et de l’ex-ONEMA733. Les trois

autres documents se rapportent à une circulaire734, un rapport du Commissariat Général au

Développement Durable735 (CGDD) et un autre rapport rédigé par deux députés736.

Trois des documents étudiés (circulaire, le document du SLB, celui du CEN Rhône-Alpes) emploient un vocabulaire particulièrement laudatif pour mettre en avant l’importance des

mesures à réaliser : « élément essentiel de la lutte pour la reconquête de la biodiversité » (p.1)

pour la circulaire ; « politique ambitieuse » (p.3) pour le CEN Rhône-Alpes ; « élément

essentiel de ce respect des équilibres des milieux naturels » (p.15) pour le SLB. Ce même

document indique que « la restauration de la continuité écologique des cours d’eau n’est pas

une problématique nouvelle » (p.15) mais précise aussitôt que « restaurer un caractère plus naturel des cours d’eau peut apparaître comme un objectif nouveau » (p.15). Nous retrouvons

cette idée dans le document du CG qui parle seulement de « nouvelles exigences » (p.7) ou,

dans le document du CGDD, qui fait référence à de « notions nouvelles » (p.9) et à de

« nouvelles dispositions » (p.10).

Ces citations montrent une intention générale que partagent ces documents. Ils cherchent à la fois à inscrire la CECE dans la continuité d’une action publique ancienne en soutenant son bien-fondé par la mise en avant d’une histoire mais aussi à signifier qu’il ne s’agit pas d’une simple poursuite tendancielle des actions passées sur les poissons migrateurs. Cette nuance révèle une volonté de renforcer l’action, dans un contexte d’urgence, au travers d’une nouvelle manière d’appréhender cet enjeu public pour relever le défi. La linéarité des objectifs de l’action publique s’accompagne ainsi d’un mode d’appréhension des milieux qui a été renouvelé. La plupart des documents participe aussi au cadrage des actions à entreprendre, pour répondre à cet enjeu public, en mentionnant :

730 Guide juridique et technique pour la prise en compte de la continuité écologique dans les règlements d’eau, Conseil Général de Vendée, 2014

731 Améliorer l’état écologique des cours d’eau : 18 questions, 18 réponses, Secrétariat technique du bassin Loire-Bretagne, 2012

732 Continuité et dynamique du cours d'eau en faveur de la biodiversité, CEN Rhône-Alpes, CEN, 2015 733 Pourquoi rétablir la continuité écologique des cours d’eau ?, ONEMA, 2010

734 Circulaire relative à la mise en œuvre par l’Etat et ses établissements publics d’un plan d’actions pour la restauration de la continuité écologique des cours d’eau, MEDDE, 2010

735 Plan d'actions pour la restauration de la continuité écologique des cours d'eau (Parce) : Diagnostic de mise en œuvre, CGDD, 2012

- des conditions de réussite d’opérations déjà menées

- des cas d’étude

- les solutions dites "techniques" existantes avec les passes à poissons, les autres

dispositifs de dévalaison, la possibilité d’ouverture des vannes de fond, le dérasement ou l’arasement de l’ouvrage.

Par ailleurs, les documents proposent une forme de gestion de la critique et des différends. Ainsi, le Secrétariat technique du bassin Loire-Bretagne (SLB) estime que l’arasement d’un

ouvrage n’est pas une réponse « automatique » (p.17), tout comme sa suppression. Pour sa part,

le CG de la Vendée conseille d’agir par « ordre de priorité » (p.7) tout en rappelant que le

SDAGE Loire-Bretagne (2010-2015) « n’impose pas la solution, mais d’étudier toutes les

possibilités et oriente le choix en fonction des gains et contraintes liés à chaque site » (p.7). Ces documents reconnaissent tous que certaines de ces solutions sont mal acceptées par leurs

propriétaires/gestionnaires et qu’il est nécessaire de tenir compte du « paysage coutumier »

(SLB, p.4) et des « risques pour le patrimoine immobilier/bâti » (SLB, p.35). La plupart de ces

documents ont donc essayé d’identifier les sujets clefs pour les propriétaires d’ouvrages afin de montrer que leurs points de vue ont été considérés.

Le SLB explique les causes de désaccord et les difficultés de la mise en œuvre de la CECE par

une « méconnaissance du fonctionnement naturel des cours d’eau [qui peut générer] des

incompréhensions » (p.2) alors que le document du CGDD identifie, lui, le « versant sociétal et le parti-pris culturel qui (…) sous-tend » (p.17) la CECE. Ce dernier document ajoute que

les valeurs amarrées à ce projet se manifestent notamment par « de nouveaux modèles

paysagers » (p.17) et dépendent de « la relation, non seulement physique, mais également philosophique que l'homme entretient avec la nature » (p.17). Le document du CEN

Rhône-Alpes s’intéresse également aux causes de conflits : il rappelle que les ouvrages hydrauliques

se rattachent à des réalités « socio-économiques ou administratives » (p.15) et qu’il faut se

préoccuper de « l’attachement porté à l’ouvrage par la population locale » (p.13). Pour

circonscrire les cas difficiles, tous les documents recommandent de recourir à la concertation, de valoriser et mieux faire connaître les effets positifs des opérations en termes d’amélioration de la qualité de l’eau.

En somme, plusieurs éléments polémogènes sont identifiés dans ces documents comme des obstacles et freins potentiels à la mise en œuvre de la politique publique de CECE. Nous les récapitulons ici puis, plus tard dans ce chapitre, nous les discuterons pour montrer que d’autres causes s’ajoutent aux deux premières et que la troisième n’est pas recevable :

- les effets des opérations sur le paysage à l’échelle d’un site peuvent modifier les

habitudes visuelles et ressenties des propriéraires et riverains

- certaines solutions (arasement, dérasement) peuvent modifier la structure du patrimoine

bâti

- un manque de connaissances de l’hydrosystème de la part des acteurs peu convaincus.

Les documents emploient des perspectives qui mettent différemment en relief la présentation du concept et ses conséquences sur les socio-natures. Le CEN Rhône-Alpes privilégie ainsi par exemple un angle hydromorphologique alors que le document de l’ex-ONEMA porte un regard plus biologique sur la CECE. Nous allons voir que les enjeux ne sont pas évoqués de la même manière dont résulte des qualifications différentes des enjeux. Ainsi, le document du CEN Rhône-Alpes est marqué culturellement par les travaux de chercheurs lyonnais dont certains étaient membres du Comité de suivi scientifique de la production de ce document. La CECE est d’abord cadrée comme un enjeu hydromorphologique par l’intermédiaire d’un vocabulaire

que nous ne retrouvons pas dans les autres documents : des références sont faites au « continuum » (p.2, 3, 22), à la « connectivité des cours d’eau » (p.6) ou encore au « corridor fluvial » (p.6, 7). Bien que cité, l’accent n’est pas mis uniquement sur « la dynamique longitudinale » (p2) puisque celle-ci doit être complétée par « la dynamique temporelle, (…)

verticale (…) et latérale » (p.3, 5, 6). La CECE n’est ainsi pas perçue comme un seul enjeu

biologique étant donné l’accent important porté à l’« équilibre hydro sédimentaire » (p.17). En

outre, les poissons migrateurs ne sont pas les seuls concernés par cette forme d’interprétation de la CECE : il est indiqué que d’autres non-humains comme le castor ou les macro-invertébrés profiteraient des quatre formes de dynamique citées.

Le document de l’ONEMA cadre la CECE de manière un peu différente en adoptant un discours plus vulgarisateur. Le vocabulaire et les connaissances ne sont pas les mêmes avec l’absence

des termes de continuum, corridor fluvial et de toutes les dimensions d’un cours d’eau évoquées

dans le document du CEN Rhône-Alpes. Le document de l’ex-ONEMA privilégie d’autres

formules comme « la rivière retrouve sa continuité » (p.3), des « habitats redevenus

accessibles aux organismes vivants » (p.3) ou « les lieux de croissance ou de reproduction » (p.11). En mobilisant des connaissances issues de plusieurs savoirs (écologie, biologie,

hydromorphologie), l’objectif est d’agir en faveur de « toutes les espèces de poissons [qui] ont

besoin de circuler sur un linéaire plus ou moins long de la rivière afin d’accomplir leur cycle de vie » (p.11). Pour cela, des actions doivent être menées sur « la qualité des habitats des différentes espèces aquatiques » (p.12), ce qui nécessite d’agir sur les « écoulements (…)

fortement modifiés » (p.8) et les « sédiments immobilisés » (p.10). Le cadrage est ainsi clairement dans une optique biologique en ciblant les actions sur l’enjeu piscicole.

Ces deux exemples démontrent que le vocabulaire et les enjeux ne sont pas nécessairement identiques dans les différents documents, donnant lieu à des cadrages plus ou moins différents dans les discours. En mettant l’accent sur des cibles différentes ou en présentant pluriellement les avantages et les inconvénients de la CECE pour les milieux aquatiques, les solutions peuvent être ainsi perçues diversement.

Dans tous les documents, nous avons également cherché à repérer les causes invoquées pour

expliquer l’existence de discontinuités. Le rapport parlementaire de 2016 identifie les « facteurs

de discontinuité » (p.15) et liste les secteurs/activités qui sont jugés responsables : l’hydroélectricité, les transports, l’agriculture et les loisirs aquatiques. Le CEN Rhône-Alpes

met, quant à lui, l’accent sur l’« artificialisation (…) accentuée au cours de ces dernières

décennies avec de gros travaux pour la production d’hydroélectricité et le développement d’infrastructures » (p.8) telles que les digues et les épis. Quant au SLB, il se focalise sur un

type d’ouvrage hydraulique en particulier, les seuils puisqu’« ils sont nombreux et que leurs

effets s’additionnent » (p.9). Agir sur les seuils de rivière constituerait le « levier le plus puissant pour améliorer l’état écologique des cours d’eau, le deuxième étant la lutte contre les pollutions » (p.4). En cela, le SLB priorise les modes d’intervention et les réponses à donner à

la CECE en préférant intervenir sur les seuils qui « n’ont plus d’usage économique » (p.5) et

qui ne serviraient « ni à l’alimentation en eau potable, ni à l’hydroélectricité, ni à la

navigation » (p.7). Les autres documents restent plus généraux en parlant d’obstacles

prioritaires et d’ouvrages hydrauliques, parfois « inutiles » (circulaire de 2010, p.6) sur lesquels

il conviendrait d’agir.

Cette recension de documents montre que certains ouvrages hydrauliques, leurs usages ou des espèces cibles sont plus cités et ciblés que d’autres en raison des priorités (continuité longitudinale, connectivité verticale) d’enjeux et/ou du cadrage établi par ces différents acteurs.

En ce sens, les seuils font l’objet d’une attention particulière (par rapport à la notion d’obstacle citée dans les textes juridiques comme la circulaire), tout comme les poissons migrateurs. Constatons également que trois documents (des sept documents étudiés) font mention des incertitudes scientifico-techniques liées à l’application de ce concept. Ainsi, la circulaire de 2010 présente, par exemple, la notion de transport suffisant des sédiments comme encore non « tranchée d’un point de vue scientifique » (p.10). A leurs tours, le document du CGDD et le rapport parlementaire relèvent cette contingence. En revanche, les autres documents sont plus affirmatifs sur le problème et ses solutions.

Deux explications peuvent être données à ces stratégies différentes.

La première a trait à un lissage du discours pour faciliter sa légitimation, en présentant les bénéfices des opérations comme indiscutables. Cela passa par une décomplexification des

enjeux de la mise en œuvre de la CECE. Or, des travaux scientifiques commençaient737 déjà,

au moment de l’écriture de ces documents, à présenter les bienfaits et méfaits de la suppression d’un ouvrage hydraulique, à l’instar du travail de Melun G. qui synthétisa les aspects positifs et

négatifs des « impacts de la suppression des ouvrages en travers738 » :

737 Dernièrement, un travail similaire a été réalisé sur les avantages et les inconvénients des différents types de retenues d’eau : Rapport d’expertise collective sur l’impact des retenues d’eau sur le milieu aquatique, IRSTEA, 2016, 325p

738 p.115-116 dans Melun G., Evaluation des impacts hydromorphologiques du rétablissement de la continuité hydro-sédimentaire et écologique sur l'Yerres aval, Université Paris-Diderot - Paris VII, 2012

Impacts physiques et écologiques

Négatifs Positifs

Impacts sur le débit liquide

Abaissement de la ligne d’eau dans le chenal proportionnel à la hauteur de l’ouvrage. Risque d’assecs estivaux sévères

Augmentation globale des vitesses d’écoulement. Restauration du régime hydrologique naturel en amont comme en aval

Impacts sur le débit solide

Forte remise en suspension des sédiments fins en amont comme en aval.

Suppression de l’effet "point-dur" en amont

Restauration du transport sédimentaire en aval

Impacts morphologiques

Érosion régressive du lit et déstabilisation des berges en amont.

Rétablissement de la dynamique fluviale naturelle. Restauration de la pente hydraulique naturelle. Ajustement de la géométrie aux nouvelles conditions de débit : contraction du lit et re-chenalisation au sein des alluvions. Érosion des éléments fins et diversification de la charge de fond

Risque temporaire de remblaiement du lit par des particules fines

Rétablissement de la dynamique fluviale naturelle. Ajustement de la géométrie aux nouvelles conditions de débit : exhaussement du lit et mise en place de formes fluviales.

Diversification de la charge de fond

Impacts piézométriques

sur la nappe alluviale

En amont : abaissement du toit de la nappe d’accompagnement et risque de déconnexion des captages.

Reconnexion nappe-chenal en aval

Impacts physico-chimiques

En amont comme en aval, risque temporaire de forte dégradation dû à la remobilisation brutale des sédiments accumulés dans la retenue (↑ concentration en MES, ↑ concentration en substances nutritives, et toxiques). Risque de réduction du pouvoir de dénitrification.

Déstratification thermique et chimique en amont.

Réoxygénation des eaux, réduction de l’eutrophisation et amélioration globale de la qualité des eaux en amont et en aval du tronçon restauré.

Impacts écologiques

En amont, réduction du volume aquatique habitable et risque de déconnexion des zones humides riveraines entraînant un dépérissement de la végétation en place et affectant les biocénoses.

Restauration de la continuité écologique et libre circulation des biocénoses du lit mineur.

Glissement typologique global marqué par la réduction du nombre d’espèces lentiques et la ré-émergence d’espèces lotiques dans le lit mineur.

Diversification des habitats qui permet une augmentation de la diversité spécifique faunistique et floristique en amont et en aval, et dans les lits mineur et majeur.

Restauration de zones de frayères dans le lit mineur.

En aval, risque de dépérissement

post effacement de la végétation

inhérent au recouvrement

sédimentaire dans le lit majeur.

Risque de disparition de certaines espèces dont la résilience, suite à une perturbation, est trop longue (unionidés, espèces piscicoles sédentaires…).

Tableau n°5 : Reproduction de la synthèse des impacts inhérents à la suppression d'un ouvrage transversal (p.116) tirée de la thèse de Melun. G. intitulée « Evaluation des impacts hydromorphologiques du

La deuxième explication tient à un partage des tâches entre des documents de légitimation et

d’autres publications739 plus "techniques", à vocation d’acteurs professionnels (bureaux

d’étude, syndicat de gestion…) pour les accompagner dans l’action et la prise de décision sur le terrain. Dans les documents techniques, les incertitudes sont davantage manifestes. Deux exemples peuvent être donnés :

- dans un document technique, il est écrit que « le protocole ICE n'est pas opposable à la

production d'avis techniques ou à l'action de contrôle de conformité des ouvrages. S'agissant des dispositifs de franchissement piscicole par exemple, un diagnostic plus abouti est généralement nécessaire afin notamment d'appréhender leur attractivité, qui constitue très souvent un facteur déterminant de leur efficacité740»

- dans un autre, « l'approche proposée est basée sur l'évaluation du risque de

dysfonctionnement sédimentaire s'appuyant sur l'identification d'un certain nombre de pressions ou aménagements pouvant engendrer ce type d'altérations. Il s'agit donc d'une approche indirecte du problème, qui ne permet pas d'obtenir une liste exhaustive des cours d'eau à étudier741 ».

Ainsi, les deux types de documents constituent un moyen de construire des frontières entre des des "faits politiques" et des "faits scientifiques"742. Ce mode de présentation participe au « processus d’auto-légitimation que l’Etat met en place lorsqu’il délimite les frontières qui séparent la science et les politiques743 » pour reprendre les mots de Jasanoff S. Les premiers sont mobilisés dans une optique argumentative en véhiculant un discours sur le type de "nature" souhaitée et en présentant sommairement le bien-fondé scientifique du projet. Les seconds ont vocation à présenter la manière dont certains des instruments (eux-mêmes fruits de ce mélange) de la CECE sont mobilisables.

Ce partage entre les sciences et les politiques s’accompagne d’un autre partage dans les documents entre deux ensembles supposés, le "naturel" (se situant du côté du fonctionnement du cours d’eau et de la biodiversité) et l’"artificiel" incarné par les ouvrages hydrauliques. Cette distinction est prépondérante lorsque sont évoqués parallèlement dans un même document :

- « la tendance naturelle de la rivière » (SLB, p.4) et la « création de seuils artificiels » (SLB, p.27)

- le « régime hydrobologique naturel »(ONEMA, p.3), « la pente naturelle » (ONEMA,

p.8) et les « chutes d’eau artificielles », (ONEMA, p.8)

Cette dichotomie contribue au cadrage de la politique de la CECE en accordant des considérations différentes à ce qui est jugé naturel et artificiel. Par exemple, le SLB considère

que la CECE correspond au « fonctionnement naturel des cours d’eau » (p.2) : en somme, il

considère qu’une telle intervention technique permettrait de re-créer/re-trouver du naturel. Ce mode de pensée fait particulièrement écho au propos de Latour B. et Le Bourhis J-P. qui met

739 Par exemple : Synthèses des connaissances & proposition d'une méthode d'évaluation de l'impact des ouvrages transversaux sur la continuité sédimentaire des cours d'eau, DREAL Centre, 2013 ; Evaluer le franchissement des obstacles par les poissons : principes et méthodes, ONEMA, 2014 ; Informations sur la continuité écologique : guide d’acquisition des données terrain, ONEMA, 2014

740 ICE, Guide d’acquisition des données de terrain, ONEMA, 2014, 91p

741 Synthèses des connaissances & proposition d'une méthode d'évaluation de l'impact des ouvrages transversaux sur la continuité sédimentaire des cours d'eau, DREAL Centre, 2013, 76p

742 Toutefois, il faut avouer que l’intrication des faits "sociaux" et des faits "scientifiques" n’est pas facile à produire dans un même document. Cela aurait assurément nuit à l’intérêt et la facilité de lecture du document, renvoyant ainsi le débat sur la frontière entre l’exigence scientifique et la vulgarisation.

en évidence le « paradoxe (…) au cœur de ce qu’on appelle l’écologie politique, [consistant à]

intervenir davantage et non pas moins. (…) Une rivière plus écologisée, c’est une rivière plus instrumentée, plus suivie, où l’on intervient davantage (…). Rien à voir avec le mythe de la nature "laissée à elle-même"744». Faisons remarquer que cette dichotomie empêche de penser l’articulation du fonctionnement des milieux aquatiques entre ces deux types de phénomènes. Les activités anthropogéniques sont appréhendées comme des seules contraintes, ne laissant pas de possibilité de penser les interactions entre ces activités et les processus spontanés. En ce sens, cette binarité n’autorise pas à penser les cours d’eau comme le co-produit d’une histoire complexe des hydrosystèmes anthropisés.

Cette légitimation de la continuité longitudinale passe ainsi par la naturalisation de la CECE, «

au sens d’aller de soi745»et présente un projet qui court aussi le risque d’une dé-politisation des enjeux. En effet, malgré l’évocation des difficultés de mise en œuvre dans les documents, toutes les dimensions de cette forme donnée à la continuité (sciences et expertises mobilisées, approches et méthodes pour aborder la longitudinalité…) ne sont pas abordées. Or, cette forme de discours peut conduire à dissimuler la manière d’aborder ce problème public, à réduire

l’éventail des choix, des solutions, des types de savoirs et d’expertises à mobiliser, ainsi qu’« à

accepter "naturellement" les injonctions au lieu d'interroger les conditions sociales, économiques et politiques, les perceptions (…) qui président à la prise de décision746 ». Dans les documents, d’autres termes participent à la naturalisation de la CECE. Il s’agit en

particulier de l’idée de « restauration » (circulaire, p.1), de « renaturation » (SLB, p.12), de