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Chapitre III. Des mises en œuvre de la CECE parsemées d’obstacles

III.1. Etude critique des récits de la CECE

III.1.2. Controverse et divergences argumentatives sur le projet de CECE

Après avoir examiné le mode de légitimation de la CECE par une étude de contenu de

documents,une attention est désormais portée aux discours de tous les acteurs (légitimistes et

contestataires). Nous allons nous intéresser à leurs discours pour saisir comment les enjeux

760 Entretien avec Champetier C-F. (Hydrauxois) en décembre 2015.

761 Subra P., De Notre-Dame des Landes à Bure, la folle décennie des Zones A Défendre (2008-2017), Hérodote, 2017, n°165

762 Barraud R., Vers un "tiers-paysage" ? Géographie paysagère des fonds de vallées sud-armoricaines. Héritage, évolution, adaptation. Université de Nantes, 2007 ; Bérard Y., Et au milieu coule une rivière, Socio-logos[En ligne], 2007

763 Dupuy C. et Halpern C., Les politiques publiques et leurs challengers : état des lieux et propositions pour une approche intégrée des logiques de recomposition de l’action publique, Cevipof, Working Paper n°24, 2008

socio-politiques et scientifiques sont invoqués dans le cadre des interprétations (positive, dépréciative) de la CECE.

Dans les sept documents précédemment étudiés, les valeurs positives associées aux ouvrages hydrauliques ne sont que rarement abordées ou de manière vague. Un certain lissage du discours

eut pour effet de réduire, derrière des formules générales comme « paysage coutumier »,

« risques pour le patrimoine immobilier/bâti », « raisons socio-économiques ou

administratives », l’utilité et l’appropriation des ouvrages. En ne développant pas ces aspects, tout un ensemble de difficultés politique et économique fut négligé.

En nous appuyant sur les discours produits par les acteurs légitimistes et contestataires étudiés, nous avons élaboré un tableau qui présente comment les acteurs qualifient les opérations d’effacement d’ouvrages et identifient les impacts socio-politiques et économiques. Afin de comprendre les différents points de vue, des questions ont été posées aux acteurs interviewés pour qu’ils énumèrent les avantages et inconvénients de ce type de solutions pour appliquer la CECE.

Ce tableau est inspiré du celui de Melun G. reproduit à la page 173. Il illustre d’abord la différence de points de vue quant au démantèlement d’un ouvrage, ainsi que les manières différentes d’appréhender les conséquences sur les usages et les pratiques des acteurs. De plus, il met le doigt sur la perception variable de ces changements (jugés positivement et négativement) selon les acteurs qui peuvent bénéficier ou pâtir des changements d’usages décrits. Ajoutons que ces discours (catégorisés dans le tableau) restent généraux et doivent être éprouvés sur chaque terrain d’étude pour préciser l’ensemble des enjeux et leurs contextes d’application.

Impacts socio-politiques et économiques de l’effacement d’un ouvrage

Jugés négatifs Jugés positifs Impacts sur les

pratiques de pêche

Modifications des pratiques de pêche (passage de milieux lentiques* à lotiques*), modifications des prises de poissons et risque d’arrivée d’espèces dites invasives

Effets favorables pour les pêches de poissons migrateurs sur le long terme, conservation biologique des espèces jugées supérieures, bon indicateur de la qualité de l’eau

Impacts sur la pratique de

canoë

Sécurité améliorée pour les pratiquants

Impacts sur le tourisme en lien

avec les cours d’eau

Changements du cadre de vie de certains biens (moulin devenu maison d’hôte…), suppression de bassins d’eau et de baignade (utilisés par des riverains ou des touristes dans des campings), éventuelle réduction du nombre de moulin actif qui peut modifier l’image d’un territoire

Effets favorables pour le tourisme sur certains territoires qui misent sur des effacements pour favoriser un cours d’eau " ré-ensauvagé" et valoriser son image "verte"

Impacts paysagers pour

un site, un territoire

Risques de changement de certains paysages locaux (berge, végétation, ligne d’eau…), de lieux de

promenade ou de spot

d’observation de la faune et de la flore des milieux aquatiques

Favorise des questionnements sur les projets de territoire en rapport avec les usages des cours d’eau

Impacts sur les enjeux quantitatifs des

eaux

Crainte d’une moindre mobilisation de la ressource dans le cadre de la lutte contre les effets du changement climatique (retenue, stockage…)

Effets bénéfiques supposés sur le rechargement de la nappe phréatique avec l’idée de réduire le nombre d’arrêtés de sécheresse

Impacts sur la protection

contre les inondations

Incertitudes des effets en raison de la pluralité des cas (fréquences d’ouvrages sur un linéaire, risques météorologiques, présence d’espaces d’expansion de crue…)

Incertitudes des effets en raison de la pluralité des cas (fréquences d’ouvrages sur un linéaire, risques météorologiques, présence d’espaces d’expansion de crue…)

Impacts sur le secteur de l’hydroélectricité

Crainte d’une réduction du nombre d’ouvrages producteurs et moindre production de cette énergie, pourtant présentée comme "propre"

Réflexion sur la pérennité du secteur, financement de projets dans la R&D pour concilier la CECE avec cet usage

Impacts sur l’usage patrimonial des

propriétaires d’ouvrages

Coûts (partiellement) à leur charge, risque de diminution de la valeur de leurs biens et de perte de leurs activités actuelles ou potentielles (productives, micro/pico-hydroélectricité, irrigation…)

Clarification des actes de propriétés et des droits d’eau, ré-enseignements des droits et devoirs, mise en relation des propriétaires d’un même cours d’eau

Tableau n°6 : Qualification par les acteurs étudiés des impacts positifs et négatifs d’un arasement d’ouvrage

Le tableau met en évidence les gagnants, tels que les pêcheurs en milieux lotiques, les acteurs du secteur touristique qui défendent un cours d’eau "ré-ensauvagé", ainsi que les perdants avec les pêcheurs en milieux lentiques et les propriétaires d’ouvrage qui peuvent perdre leurs droits d’eau. Nous verrons, plus tard dans le chapitre, comment la construction de ces gagnants et perdants se concrétise sur les territoires de l’eau étudiés. Par ailleurs, faisons remarquer que

selon les acteurs de tels loisirs (pêche, canöe-kayak, promenade,observation de la faune et de

la flore des milieux aquatiques…), l’opinion sur l’effacement d’un ouvrage peut différer. Le tableau révèle aussi que les points de vue en tension ne concernent pas seulement des usages directs du cours (hydroélectricité, irrigation…) mais également des usages indirects tels que l’esthétique de paysages de l’eau ou les questions patrimoniales.

Compte tenu des enjeux multi-scalaires (aux échelles d’un site, d’un tronçon, d’un cours d’eau, d’un bassin versant, d’un territoire…) sur les usages et les paysages, le projet de CECE comprend ainsi un choix de cours d’eau à effectuer qui peut être ou non en phase avec la continuité des pratiques locales et les envies des habitants des territoires de l’eau.

Il est possible de déduire de ces discours deux enjeux principaux, en rapport avec les usages d’un ouvrage, pour appliquer une CECE qui re-composera les entités d’un cours d’eau. Ils ont trait :

- au type de patrimoine à privilégier, en tant qu’« ensemble de biens susceptibles de

conserver dans le futur des potentialités d'adaptation à des usages non prévisibles dans le présent764». En effet, deux types de patrimoine sont défendus dans les discours avec une première demande de conservation d’un patrimoine biologique et génétique de certaines espèces et une demande concernant le patrimoine bâti des moulins. Ces

derniers sont souvent qualifiés, par leurs propriétaires, de 3ème forme de patrimoine de

France après les églises et les châteaux. Les actions de conservation promues par les uns et les autres n’ont pas les mêmes effets sur les paysages puisque privilégier le patrimoine génétique/biologique engendre la construction de passes à poissons ou, dans le cas d’un effacement, la disparition de plan d’eau ou d’une zone humide et la modification des berges et de sa ripisylve.

- aux types d’usages du cours d’eau à privilégier selon qu’il faille réduire leur nombre

pour conserver la vie aquatique ou les maintenir/améliorer en faveur de l’agriculture, de l’hydroélectricité…

La mise en évidence des conséquences sur les usages, les paysages et les patrimoines n’est pas

le seul moteur de « l’activité argumentative765 » des acteurs qui se sentent concernés par la

CECE. Nous pouvons également distinguer différentes manières de mobiliser les savoirs et les expertises entre les différents acteurs qui participent à la controverse. Nous allons notamment analyser les entreprises de disqualification du discours légitimiste avec des opposants qui contestent certaines connaissances et expertises pour discuter leurs utilisations et faire naître

une controverse. Pour rappel, celle-ci dépasse « le cloisonnement habituel entre savants et

profanes, entre représentants politiques et représentés766 » et porte sur les arènes de la

764 Montgolfier J., Elément pour une gestion patrimoniale, Ministère de l’Environnement, 1981, p.5

765 Chateauraynaud F., Sociologie argumentative et dynamique des controverses : l'exemple de l'argument climatique dans la relance de l'énergie nucléaire en Europe, A contrario, 2011, n°16, p.131-150

766 p.98 dans Narcy J-B., Regards des sciences sociales sur la mise en œuvre des politiques de l’eau, ONEMA, 2013

production du savoir. Etudier une controverse revient à rendre visible la productivité sociale des discussions et à mieux comprendre les points de vue et les savoirs convoqués.

La controverse qui a touché la CECE s’insére dans une controverse plus large dans le cadre de la Trame Verte et Bleue (TVB). A ce sujet, Bonnin M., auteure d’une thèse sur le sujet, souligna

notamment « le caractère controversé des corridors écologiques. Trois questions principales

ont servi de base aux critiques. Existe-t-il assez de preuves scientifiques disponibles pour démontrer les avantages potentiels des corridors pour la conservation de la nature ? Les effets négatifs des corridors l’emportent-ils sur leur valeur de conservation ? Les corridors constituent-ils une option rentable en comparaison avec d’autres manières d’utiliser des ressources limitées ?767». Nous allons voir que ces trois mêmes questions sont également posées dans le contexte d’application de la CECE par deux types d’acteurs concernés par la CECE :

- les premiers sont des opposants à la CECE et agissent en « résistance aux instruments

de gouvernement768 » pour contester et neutraliser la conception et l’utilisation d’instruments d’action publique

- les autres sont intervenus comme des experts critiques (sans pouvoir être classés dans

la catégorie des opposants notoires) et ont mobilisé leurs savoirs académiques pour discuter l’approche de la politique publique

Les opposants de la CECE cherchent à résister aux instruments d’action publique qui dépendent pour certains de la manière dont a été élaboré la DCE et pour d’autres de l’instrumentation étatique. Cette résistance doit être contextuellement mise en rapport avec les outils plus généraux instaurés par la DCE. En effet, les instruments liés à la construction des "états de référence"769 et ceux relatifs à la classification du "bon état de l’eau770" sont controversés depuis leurs apparitions. De plus, la restauration des cours d’eau est un objet propice à la résistance

puisque, selon la littérature scientifique, ce champ d’intervention assez récent771 :

- adopte des approches temporellement assez court-termiste et spatialement trop

localisées

- est marqué par une faiblesse de dialogues entre scientifiques, gestionnaires et riverains,

ainsi que par l’utilisation de connaissances peu opérationnelles et formatables dans des indicateurs.

767 p.38 dans Bonnin M., Les corridors écologiques : vers un troisième temps du droit de la conservation de la nature, 2008, L’Harmattan

768 Le Bourhis J-P. et Lascoumes P., Les résistances aux instruments de gouvernement. Essai d'inventaire et de typologie des pratiques, Colloque international Les instruments d'action publique : mise en discussion théorique, 2011

769 Stoddard J. L., Setting expectations for the ecological condition of streams : the concept of reference condition, Ecological Applications, 2006, 16, p.1267-1276 ; Dufour S. and Piégay H., The myth of the lost paradise to target river restoration : forget natural reference, focus on human benefits, River Research and applications, 2009, vol.25, issue 5, p.568-581 ; Bouleau G. and Pont D., Did You Say Reference Conditions ? Ecological and Socioeconomic Perspectives on the European Water Framework Directive, Environmental science and policy, 2015, 47, p.32-41 770 Roche P-A. Billen G., Bravard J-P., Décamps H., Pennequin D., Vindimian E., Wasson J-G.., Les enjeux de la recherche après la DCE, C. R. Geoscience, 2005, 337, p.243–267 ; Lévêque C. (dir.), Synthèse du projet BEEST, Programme LITEAU, Vers une approche multi-critère du bon état écologique des grands estuaires, 2011, 102p 771 Darby S. and Sear D. (dir.), River restoration : managing the uncertainty in restoration physical habitat, 2008, Wiley, 314p ; Palmer M. A. et al., Standards for ecologically successful river restoration. Journal of Applied Ecology, 2005, 42, p.208-217 ; Morandi B., Piégay H., Lamouroux N., Vaudor L., How is success or failure in river restoration projects evaluated ? Feedback from French restoration projects, Journal of environmental management, 2014, n°137, p.178-188 ; Baker S., Eckerberg K. and Zachrisson A., Political science and ecological restoration, Environmental Politics, 2014, vol.23, issue 3

Par ailleurs, l’arasement ou le dérasement d’ouvrages hydrauliques relève toujours d’une

expérimentation singulière772, selon le géomorphologue états-unien Grant G., comprenant des

incertitudes. La littérature scientifique met en évidence ces incertitudes :

- en hydro-biologie773 avec des difficultés du jeu d’échelle dans l’analyse de l’étendue

des migrations, la compréhension limitée des réponses des poissons d’eaux douces face au changement environnemental et des relations entre le débit et les poissons

- en hydromorphologie774 avec la difficulté de déterminer un niveau "suffisant" de

transport de sédiments, d’apprécier la capacité de piégeage des sédiments par les seuils, de concevoir une méthode de relargage des sédiments plus en aval ou, parfois, en amont…

Compte tenu des nombreuses variables et des aléas de ce type d’opérations sur les cours d’eau, les opposants à la CECE utilisent ces discussions, issues de la littérature scientifique, pour justifier leurs critiques de la CECE sur le plan du savoir. En plus de ce travail, les opposants cherchent à disqualifier la CECE en discutant certains des instruments de la politique publique. Nous développons ci-après deux exemples de ce type de contestation.

Le premier exemple donne à voir une tentative de contestation d’un instrument dans le but de changer son choix de focale. Les contributeurs d’Hydrauxois et de l’Observatoire de la Continuité Ecologique critiquèrent les antennes locales de l’ex-ONEMA et des fédérations de

pêche pour leurs utilisations de la typologie de Verneaux775. Cet indice biotique serait, selon

eux, un instrument d’analyse basé sur « un modèle conçu dans les années 1970 (…) qui ne

correspond pas aux méthodologies actuelles d'évaluation écologique des cours d'eau776 ». Ils

reprochent à cette typologie une évaluation « fixiste et déterministe777 » de la présence

d’espèces de poissons et « certains biais de construction (…), faisant douter de sa valeur

prédictive pour analyser un peuplement ichtyologique aujourd'hui et pour définir le type de pression existant sur la rivière778». Ainsi, les contestataires cherchent à fragiliser cet indice et la représentation des cours d’eau qu’il porte, en donnant à voir son caractère -présenté comme-

obsolète et son absence de « fiabilité prédictive779 ». Par cette critique, ils se veulent les

porte-paroles d’autres critères de définition d’un peuplement théorique d’une population de poissons et des impacts anthropogéniques d’ordre chimique et morphologique.

Sans mentionner la pertinence de cette critique dont il nous est incapable de discuter le bien-fondé par manque de légitimité dans la discipline requise, la technicité du sujet rend l’objet de ce type de discussion particulièrement ardue à suivre pour le grand public puisque cette critique n’a pas été relayée sur les terrains étudiés.

772 « Grant G. E. and Lewis S. L., The Remains of the Dam : What Have We Learned from 15 Years of US Dam Removals ? » dans Lollino G., Manconi A., Clague J., Shan W., Chiarle M. (dir.), Engineering Geology for Society and Territory, 2015, vol.3

773 Cook S. J., Paukert C., Hogan Z., Endangered river fish : factors hindering conservation and restoration, Endanger Species Research, 2012, 17, p.179-191

774 Malavoi J-R., Bravard J-P., Eléments d’hydromorphologie fluviale, ONEMA, 2010, 228p ; Pahl-Wostl C., The importance of social learning in restoring the multifunctionality of rivers and floodplains, Ecology and Society, 2006, 11

775 Verneaux J., Cours d'eau de France-Comté (massif du jura). Recherches écologiques sur le réseau hydrographique du Doubs, Université de Besançon, 1973, 260p

776 "Les poissons et la bio-indication des rivières : problèmes liés à l’usage de la typologie de Verneaux", Hydrauxois, 2 janvier 2017

777Ibid. 778Ibid. 779Ibid.

Par un examen des arcanes d’un instrument issu de la science réglementaire, les opposants entrent dans la fabrication d’une politique publique pour la neutraliser. Leur capacité d’action passe en l’occurrence par une recherche dans la formation d’un instrument du concept afin d’en révéler les fondements et d’en proposer d’autres alternatives d’interprétation et de mise en œuvre pour détourner la trajectoire de la politique publique.

Le second exemple renvoie à un projet, de la part des contestataires, de minorer l’importance de la CECE en tant que problème public. Pour les opposants, les causes explicatives du faible nombre de poissons migrateurs dans certains cours d’eau ne font pas consensus lorsqu’il s’agit

de les hiérarchiser : ils espèrent ainsi minimiser ce problème public.Tandis que les discours

légitimistes se concentrent sur les formes de pression causées par les ouvrages hydrauliques, les propriétaires de ces mêmes ouvrages privilégient d’autres causes de disparition des poissons

migrateurs comme « la surpêche [qui] est responsable du manque de poissons migrateurs, tout

comme la pollution agricole780». D’autres firent aussi valoir les altérations hydrologiques (en certaines saisons durant la reproduction des poissons) ou les extractions historiques de matériaux aux conséquences néfastes pour les habitats des poissons. La hiérarchisation de ces pressions sur les espèces amphihalines fait donc débat, comme l’a d’ailleurs reconnu le

Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie : « le déclin des populations

de poissons migrateurs amphihalins (…) s’observe à l’échelle européenne pour la plupart de ces espèces. (…) Cette situation ne peut pas s’expliquer par les seules mortalités liées à la pêche. (…) Elles sont donc particulièrement sensibles aux atteintes portées aux milieux aquatiques, telles la pollution, l’artificialisation, les prélèvements d’eau ou encore les ouvrages. La part de chacune de ces atteintes, comme celle de la pêche, reste cependant difficile à quantifier avec précision781 ».Il n’y a donc, à ce jour, pas de consensus sur la priorisation d’une cause explicative par rapport à une autre, ce qui pose la question des causes de la persistance de l’ignorance et de leurs effets sur l’action, sujets sur lesquels nous reviendrons. En constatant, d’une part, que les discussions sur les usages et les enjeux socio-politiques ne donnaient pas de résultats satisfaisants avec les services de l’Etat central (Ministère de l’Environnement, ex-ONEMA) pour trouver des compromis et, d’autre part, que l’état de littérature scientifique les confortait dans leur choix de contester la CECE, les opposants ont alors cherché à neutraliser l’argumentation légitimiste sur le plan du savoir. La production de ce discours contestataire a été pensé à la fois pour aider les propriétaires d’ouvrages à l’échelle locale mais aussi pour négocier la mise en œuvre de la CECE en cours dans des négociations nationales. Dans ce but, ils publièrent de nombreux articles sur les sites internet de leurs

organisations pour détricoter les « idées reçues sur les moulins et usines à eau, ainsi que sur les

politiques publiques de l'eau782» afin de re-valoriser leurs rôles. Ils menèrent également

plusieurs contre-expertises783 pour :

- montrer les bénéfices et les services que rendent les moulins et les installations

hydroélectriques en termes de soutien d’étiage, de services éco-systémiques d’un cours d’eau aménagé, de limitation à la fois des pollutions (stockage) et des espèces invasives

780 Extrait d’entretien avec un propriétaire de moulin

781 Extrait issu d’une réponse du Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie le 03/01/2013 à la question écrite n°1208 du sénateur Anziani A. du 26/07/2012

782 OCE, 18 octobre 2015

783 Trois exemples : Fédération Française des Associations de sauvegarde des Moulins, Livre blanc de la continuité écologique, 2017, 79p ; Fédération Française des Associations de sauvegarde des Moulins, 5 minutes pour convaincre de l’innocuité écologiques des moulins et de leurs seuils ; Observatoire de la Continuité Ecologique et des usages de l’Eau, Crues, inondations, étiages : pour une évaluation du risque lié à la modification des obstacles à l’écoulement, 2013, 10p

- contester certaines analyses de l’expertise légitimiste qui présentent notamment un