• Aucun résultat trouvé

Quelques rappels sur les jussies

2. Synthèse des données

2.3. Quelques rappels sur les jussies

Les deux espèces communément appelées "jussies", souvent sans distinction, sont maintenant bien connues sur une très grande partie du territoire métropolitain, conséquences de leurs larges répartitions, de leurs rapidités d'extension et de l'importance et de la diversité des nuisances qu'elles causent dans de nombreux types de biotopes aquatiques ou humides (Figure 5).

Les noms scientifiques de ces deux espèces appartenant à la famille des Onagracées sont Ludwigia peploides (Kunth) Raven subsp. montevidensis (Spreng.) Raven ou jussie "à petites fleurs" et Ludwigia grandiflora (Michaux) Greuter & Burdet subsp. hexapetala (Hooker

& Arn.) Nesom & Kartesz ou jussie "à grandes fleurs", déclinés la plupart du temps en L.

peploides et L. grandiflora.

Ces plantes amphibies capables de s'installer en pleine eau ou sur les berges humides des milieux aquatiques, voire dans des prairies humides présentent une vaste gamme de formes, en lien avec la nature et le fonctionnement des biotopes concernés, ce qui peut rendre moins évidente la détermination de plantes en début de croissance.

Les tiges rigides et noueuses, souvent très ramifiées en pleine eau, présentent souvent des racines adventives et peuvent atteindre un diamètre de 7 à 10 mm sur des longueurs cumulées quelques fois très importantes. Dans des conditions d'herbiers denses en milieu peu profond elles peuvent s'élever hors de l'eau jusqu'à près d'un mètre. A l'inverse, dans des conditions moins favorables sur des prairies humides, elles peuvent développer des formes prostrées de petites dimensions fortement enracinées. Les feuilles sont alternes, oblongues, atténuées en pétiole, quelquefois vernissées.

Figure 5 : les deux espèces de jussies (photos A. Dutartre, Irstea)

Le critère de différentiation des deux espèces est la forme des stipules à la base des pétioles (Figure 5) bien visibles sur des plantes adultes.

Les racines et pétioles des fleurs peuvent être rougeâtres. Deux types de racines sont observables : les unes présentent classiquement un géotropisme positif et servent d’organes d’absorption des nutriments et de fixation, les autres ont un géotropisme négatif et sont entourées d’un tissu aérifère ou aérenchyme pouvant assurer la flottaison des tiges et contribuer à l'alimentation en oxygène de l'ensemble du réseau de tiges de la plante.

Les fleurs d’un jaune vif, pouvant atteindre 3 à 5 cm de diamètre sont en grande partie responsables de la grande dispersion de ces espèces jugées très esthétiques par de nombreuses personnes.

D'origine américaine, les deux espèces ont été largement diffusées dans une grande partie des zones tropicales, subtropicales et tempérées du globe. Elles sont présentes en Afrique, en Amérique du Nord (Etats du Sud et du Sud-ouest des Etats-Unis), en Australie et en Europe (Espagne, Italie, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Royaume-Uni). Elles font partie des plantes introduites volontairement disséminées en France pour leurs qualités ornementales dans les bassins ornementaux, les" jardins d'eau", etc.

Elles sont présentes en France depuis bientôt deux siècles. Leur extension progressive vers le Nord de la métropole depuis environ 4 décennies et leurs colonisations d'habitats très divers en font actuellement une espèce envahissante parmi les plus problématiques.

En France, accidentellement introduites vers 1820-1830 dans le Lez à Montpellier, puis rapidement considérées comme naturalisées dans le Gard et dans l'Hérault, elles sont très largement présentes dans les parties Sud (de la Durance et la Camargue à l'Aquitaine) et Ouest (des Landes jusqu'en Bretagne) du territoire. Leur propagation vers le Nord et l'Est de la France est continue, jusqu'à la frontière belge en Région Nord et en Lorraine et Alsace, malgré le climat du Nord-est de la France apparemment moins favorable à ces espèces subtropicales.

La reproduction végétative est incontestablement le moyen le plus efficace de dissémination de ces plantes. Les propagules peuvent être des fragments de tiges de quelques centimètres avec ou sans rosette de feuilles : elles sont susceptibles de reconstituer une plante viable dès lors que le fragment peut se déposer dans un habitat favorable. Ces

propagules peuvent subsister durant des périodes relativement longues à la surface des eaux et résistent plusieurs jours à la dessiccation.

La production de biomasse peut être très importante : elle peut largement dépasser 2 kg de matières sèches par m² dans les biotopes favorables, occupant tout l'espace disponible.

Elles présentent également des possibilités de reproduction sexuée, variables selon les sites et les possibilités de flottaison des fruits facilitent la dispersion des graines.

Les jussies colonisent de préférence les milieux stagnants ou à faible courant comme des plans d'eau, zones humides, réseaux de fossés, cours d'eau à étiages sévères, des prairies humides, etc. Leur très vaste amplitude écologique leur permet de se développer également sur d'autres types de milieux comme, par exemple, des bancs de sédiments en bordure de cours d’eau à écoulements permanents. Elles s'installent aussi bien dans des milieux de dimensions restreintes que dans de vastes étendues d'eau peu profondes où la relative solidité et la densité de leurs tiges leur permettent de résister aux vents et à la houle.

Leurs réseaux denses de tiges peuvent s'implanter jusqu'à près de 3 m de profondeur dans des endroits très favorables et s'étaler jusqu’à près d'un mètre au dessus de la surface moyenne des eaux. Elles peuvent également se maintenir dans des zones humides asséchées en fin d’été tant que le niveau des nappes superficielles ne descend pas au delà de quelques décimètres.

Les nuisances les plus évidentes occasionnées par Ludwigia sont d'ordre physique telles que des gênes vis-à-vis des écoulements (irrigation, drainage) ou une accélération du comblement des milieux. Ce comblement peut être la conséquence d'une sédimentation accélérée par les herbiers denses qui réduisent la mobilité des eaux et favorisent ainsi le dépôt des matières en suspension. Il peut également correspondre à l'accumulation de litières au fond des milieux colonisés. Dans un des sites en eau de la Réserve Naturelle du Marais d'Orx (Landes), une couche de 7 à 10 cm de litières non décomposées était est présente dans des zones où les jussies étaient présentes en herbiers denses depuis environ 5 ans. De nombreux usagers rencontrent également des difficultés pour satisfaire leurs activités (limitation de déplacement en bateaux, de pratiques de pêche et de chasse, etc.).

La banalisation écologique de certains biotopes a été notée dans de nombreux cas. Elle est en grande partie liée à la densité, quelquefois très importante, des herbiers. En pleine eau, la couverture totale de la surface par des plantes entremêlées peut engendrer de forts impacts sur la qualité physico-chimique des eaux, en limitant les échanges d'oxygène avec

l'atmosphère et la production d'oxygène photosynthétique, ce qui conduit à des baisses de pH parfois importantes.

Les impacts sur la biodiversité des habitats qu'elles colonisent commencent à être mieux évalués : les autres espèces de plantes, les communautés d'invertébrés et de poissons peuvent être fortement dégradées en présence d’herbiers denses. Toutefois si ces impacts sont indéniables à une échelle locale, nous n'avons aucune donnée précise indiquant que ces colonisations pourraient être la cause d'une disparition d'espèce végétale ou animale.

L'importance de leurs colonisations en métropole et les informations acquises sur ces nuisances ont cependant conduit à un arrêté interdisant leur vente, leur transport et leurs introductions en milieux aquatiques. Pris en mai 20071, cet arrêté est toujours le seul concernant des plantes aquatiques.

Documents relatifs