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Cinquième partie

Chapitre 13. Rappel du cadre général de l’expérimentation, des principales hypothèses et de la méthode

13.1. Rappel du cadre théorique de l’expérimentation

La présente expérimentation porte sur deux grands volets de la didactique de l’apprentissage/enseignement, à savoir la compréhension et la production de texte explicatifs. Les chercheurs sont unanimes pour affirmer que l’écriture, parmi toutes les activités langagières à apprendre, est la plus longue à acquérir. Elle est aussi la plus difficile à maîtriser. En effet, apprendre à écrire ne se limite pas seulement à l’apprentissage de règles d’orthographe, de grammaire de lexique selon Barré De Miniac (1996), mais à un traitement cognitif qui nécessite la mise en œuvre de processus complexes et coûteux cognitivement.

Afin d’essayer de comprendre et de remédier à d’éventuels obstacles dans ces différentes activités, nous avons interrogé les modèles de compréhension issus des recherches menées en psychologie cognitive de Van Dijk et Kintsch (1983) et de Kintsch (1988 ; 1998) et ceux de la production écrite de Hayes et Flower (1980) et Kellogg (1996). Ces modèles constituent une référence incontournable pour les perspectives en didactique et l’amélioration de la qualité de l’enseignement/apprentissage en général et en contexte plurilingue en particulier.

Les travaux sur la compréhension basés sur le modèle cognitif de Construction–Intégration (CI) de Kintsch (1989 ; 1998) ont montré que le lecteur construit plusieurs niveaux de la représentation du contenu du texte lors de la compréhension d’un texte : la « structure de surface », c’est-à-dire les mots avec leurs règles d’enchaînement syntaxiques et syntagmatiques, la représentation micro et macrostructurelle du contenu sémantique du texte et le « modèle de situation » du monde évoqué par le texte (Van Dijk & Kintch , 1983). La représentation microstructuelle renvoie à la signification locale du contenu du texte à traiter. Quant à la représentation macrostructurelle, elle correspond à la signification globale du contenu du texte. Le contenu sémantique implicite renvoie

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à la base de texte et au modèle de situation dans la compréhension d’un texte explicatif. Ces niveaux de représentation du contenu du texte permettent de comprendre les degrés de difficultés rencontrés par le rédacteur. Ce qui nécessite de concevoir et de valider des aides et des remédiations adaptées au traitement de ce type d’activité (Marin, Crinon, Legros & Avel, 2007).

Le modèle de situation (Van Dijk & Kintch, 1983) prend en compte les connaissances du monde évoquées par le texte, absentes de « la base de texte ». Ces connaissances sont indispensables à la compréhension du contenu sémantique du texte et à la construction de la cohérence de la signification. Leur activation est favorisée lorsqu’elle est mise en oeuvre dans le contexte linguistique et culturel de l’apprenant. Selon Blanc et Brouillet (2005), la notion de contexte renvoie aux informations contenues dans le texte, aux objectifs de lecture et à la situation de lecture en elle-même.

Pour construire la signification des textes proposés, les étudiants doivent activer non seulement des connaissances conceptuelles minimales du domaine, mais également de bonnes connaissances des caractéristiques du texte explicatif. Ce type de texte présente la particularité de contenir des concepts nouveaux qui renvoient à des connaissances difficilement accessibles pour les étudiants (Marin, Crinon, Avel & Legros, 2007).

Lorsque l’étudiant construit la signification du texte, il fait appel à sa mémoire et active ses connaissances. Cette activation s’opère grâce la mise en œuvre de l’activité inférentielle. En effet, les inférences sont des connaissances implicites absentes du contenu textuel. Elles sont issues des connaissances du monde et des expériences personnelles du lecteur-compreneur. Elles sont nécessaires à la construction de la signification d’un texte (Denhière & Legros, 1989). C’est par le biais de l’activité inférentielle que l’étudiant construit la signification de son texte en mettant en relation dans un premier temps, les éléments de la « base de texte » et dans un deuxième temps le « modèle de situation ». Selon Fayol, Gombert, Lecocq, Sprenger-Charolles & Zagar (1992),

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« La signification n'est pas donnée par le texte dont elle serait simplement extraite, elle est construite par le lecteur et varie donc autant en fonction de la base de connaissances et des stratégies du lecteur-compreneur qu'en fonction de l'information apportée » (p. 123).

L’activité inférentielle de traitement de l’information explique que le lecteur est en mesure de sélectionner et de hiérarchiser les informations pertinentes entendues ou lues et de délaisser celles qu’ils jugent non pertinentes par rapport à ses buts d’écriture. Puis, l’étudiant arrive à planifier son écrit afin de le « textualiser » en fonction des consignes données concernant la production écrite (Hayes & Flower, 1981; Hayes & Nash, 1996).

Les étudiants qui suivent un cours magistral ou qui lisent un polycopié visent à construire de nouvelles connaissances. Cependant, ces deux situations d’apprentissage : l’écoute du CM (G1) vs la lecture du polycopié (G2) auxquelles les étudiants sont confrontés sont différentes et ne mettent pas en jeu les mêmes processus d’apprentissage. Elles ne produisent pas les mêmes effets sur le traitement cognitif mis en œuvre dans la prise de note. Le nombre et la qualité des notes prises sont donc différents selon les situations. Donc ces notes qui apparaissent comme une trace de l’activité de hiérarchisation des informations entendues lors du CM (G1) ou lues au cours de la lecture du polycopié (G2) constituent un moyen d’accéder aux processus mis en œuvre dans l’activité de traitement du texte. De plus, ces notes qui renvoient à des informations importantes permettent de faciliter et de comprendre non seulement l’activité de lecture des textes d’aide, mais aussi lors de la réécriture, l’activité de replanification et de réactivation des connaissances.

Notre principale hypothèse consiste donc à supposer que la participation à un cours magistral dynamique et interactif facilite, contrairement à la lecture d’un polycopié, la hiérarchisation des informations, l’activation des connaissances et la construction de la cohérence locale et globale de la signification du texte.

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Nous supposons donc que les étudiants qui bénéficient du cours magistral (CM), contrairement à ceux qui lisent le polycopié, vont plus facilement hiérarchiser et sélectionner les informations importantes. Ils vont activer davantage de connaissances en mémoire à long terme (MLT) en lien avec la thématique du texte, améliorer la qualité de la compréhension et donc prendre des notes qui renvoient à des informations importantes. Nous supposons que lorsque les informations contenues dans ces notes sont réutilisées dans la réécriture, celles-ci constituent des ajouts au texte du 1er jet plus pertinents.

L’analyse des types d’informations (très importantes vs peu importantes) contenues dans ces notes et réutilisées au cours l’activité de réécriture permet ainsi d’étudier les stratégies mises en œuvre

Dans notre travail, nous étudions les stratégies de production utilisées par le noteur (transforming strategy vs telling strategy) (Bereiter & Scardamalia, 1987). Nous supposons que les étudiants qui ont suivi le cours magistral (G1), contrairement à ceux qui ont lu le polycopié (G2), hiérarchisent mieux les informations du texte. Ils produisent des inférences de meilleure qualité. Ils traitent donc le texte en rajoutant des informations plus pertinentes à leur texte réécrit. De ce fait, leur production correspondra mieux aux objectifs de l’écriture.

Nous supposons donc que les étudiants qui ont suivi le cours magistral et pris des notes mettront plus facilement en œuvre une stratégie rédactionnelle efficace, la stratégie des informations transformées (knowledge transforming strategy) qui consiste, à l’aide des connaissances activées, à retraiter sémantiquement l’information contenue dans le texte d’aide en fonction des buts du rédacteur et des buts d’écriture. Grâce à cette stratégie, les étudiants lors de la réécriture, replanifie plus efficacement et réorganisent les informations en fonction de la cohérence locale et globale du texte.

L’activité de hiérarchisation et de sélection de l’information importante à l’aide de la prise de notes présente une difficulté supplémentaire pour les étudiants lorsque le texte en langue L2 est de type explicatif. Les traitements qui concernent

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la hiérarchisation et la sélection des informations jugées importantes, correspondent en effet à des processus cognitifs de haut niveau.

Les productions des participants (1er jet, informations sélectionnées lors de la prise de notes et 2ème jet) ont fait l’objet de cinq analyses :

1- Analyse du nombre et du niveau de pertinence des propositions produites lors du 1er jet en fonction des groupes;

2- Analyse du niveau d’importance relative des notes prises par les étudiants au cours des deux situations d’apprentissage (CM vs Polycopié);

3- Analyse de la pertinence des propositions ajoutées en fonction du niveau d’importance des notes produites ;

4- Analyse de la pertinence des propositions ajoutées en fonction du niveau de connaissances des participants en langue L2 ;

5- Analyse de la pertinence des propositions ajoutées en fonction du niveau de connaissances des participants sur le domaine disciplinaire