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4.3 Diagnostic du gaz spinoriel

4.3.2 Ralentissement de l’expansion du nuage

Nous décrivons maintenant le rôle de l’atténuation de puissance du laser pendant la montée des champs magnétiques pour l’expérience de Stern et Gerlach. La pre-mière utilité, comme nous l’avons mentionné plus haut, est qu’il continue à confiner les atomes. La deuxième repose sur le ralentissement du nuage pendant le temps de vol comparé à une coupure abrupte. Les deux pièges, le dimple et le PR, sont éteints avec une rampe exponentielle de temps caractéristique τ = 3 ms, et avec une extinction α égale à 5 % après tatt = 5.5 ms. Les atomes ressentent ainsi des fréquences de piégeage qui diminuent pendant l’atténuation, selon la loi suivante :

j(t′′)/ωj)2 = fatt(t′′), fatt(t) = (1 − α)e−t/τ + (α − e−tatt)

1 − e−tatt (4.10) où ωj (j = u, v, z) sont données par l’équation (3.18). Puisque ωjtatt ≫ 1, nous pouvons supposer que le le nuage suit adiabatiquement l’ouverture du piège.

L’énergie totale disponible pour l’expansion du nuage Eexp est donnée par [67] :

Eexp = Eint+ Ecin, (4.11) où Eint, l’énergie d’interaction du condensat, et Ecin son énergie cinétique, défi-nis dans les équations (1.14). Lorsque la fréquence du piège est changée, ces deux contributions sont modifiées, ce qui conduit à une expansion différente du nuage après coupure du piège.

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Un modèle d’expansion du nuage

Comme nous l’avons noté dans la fin du chapitre précédent (section 3.5.3), nous ne pouvons pas négliger l’énergie cinétique dans l’énergie totale du condensat piégé. Pour quantifier l’énergie d’expansion totale, nous faisons appel à un modèle reposant sur un ansatz gaussien de la fonction d’onde dans le piège, proposé par [133]. Celui-ci est mieux adapté que le modèle d’expansion purement Thomas-Fermi [134]. Dans cet article, les auteurs décrivent les propriétés dynamiques d’un condensat dans un piège harmonique dont la fonction d’onde est gaussienne. En appelant σi, i = u, v, z, les tailles de la distribution de densité atomique dans le piège, c’est-à-dire en posant

n(u, v, z) ∝Q

x=u,v,ze−x2/2σ2

x, et en introduisant les tailles réduites si = i/aOH, les facteurs d’anisotropie du piège λi = ωi ainsi que le paramètre d’interaction

P =q2/πNa/aOH, on aboutit aux trois équations différentielles couplées suivantes : ¨ si ω2 + fatt(t)λ2 isi = 1 s3 i + P s2 isjsk , i= u, v, z , j, k 6= i. (4.12) Le deuxième terme du membre de gauche décrit l’attraction par le potentiel de piégeage, tandis que les deux termes du membre de droite décrivent respectivement la répulsion due à l’énergie cinétique du condensat et la répulsion due aux interac-tions (car P > 0). Les tailles initiales si,0 du condensat peuvent être déterminées à partir des solutions stationnaires de ce système avec fatt = 1.

Tout d’abord, nous pouvons vérifier si les énergies caractéristiques du condensat piégé correspondent à nos conditions expérimentales. Nous utilisons pour cela la ré-solution numérique de l’équation de Gross–Piatevskii effectuée dans la section 3.5.2. Nous rappelons les valeurs des échelles d’énergies caractéristiques de notre piège composite dans le tableau (voir équations (1.14)) et celles associées à un condensat de forme gaussienne [135], en fonction de la taille s0 = (su,0sv,0sz,0)1/3 :

EcinG = 3 4~ω 1 s2 0 , EpiègeG = 3 4~ωs20 , EintG = ~ω P 2s3 0 , µ= EG cin+ EG piège+ 2EG int. (4.13) Modèle µ/~ω Ecin/~ω Epiège/~ω Eint/~ω

GP 4.55 0.33 1.97 1.13

Gaussien 4.77 0.27 2.10 1.20

Table 4.2 – Énergies caractéristiques extraites de la résolution numérique de l’équa-tion de Gross–Pitaevskii avant l’ouverture du piège (GP) et de l’ansatz gaussien, pour N = 3300 atomes et ω = 2π × 1.1 kHz.

Puisque les valeurs des énergies caractéristiques dans le piège sont voisines de nos conditions expérimentales, nous vérifions si le modèle d’expansion (4.12) est compatible avec l’expansion expérimentale des nuages. Nous préparons un nuage après une rampe d’évaporation de 3 s, c’est-à-dire avec Pd ≃ 5 mW et PPR7 mW. Dans une première expérience, nous coupons le piège à t′′ = 0, et mesurons à différents temps de vol les tailles des profils obtenus, en les ajustant par une distribution gaussienne, avec des tailles σu et σv. Dans une deuxième expérience,

132 contrôlée et diagnostic Stern et Gerlach nous atténuons la puissance avec la rampe d’atténuation (4.10). Comme les deux fréquences selon les axes u et v sont proches, le nuage peut être considéré comme isotrope dans le plan u − v. Nous reportons dans la figure 4.9(a) les tailles σ = uσv)1/2 obtenues pour les deux expériences. En lignes continues, nous traçons les résultats de la résolution numérique du système (4.12), dans les deux cas : avec et sans atténuation lente du piège.

0 5 10 0 2 4 6 8 10 12 14 t’ [ms] σ (a)

modèle : sans att modèle : avec att

0 5 10 0 2 4 6 8 10 12 14 t’ [ms] σ * (b)

Figure 4.9 – Tailles des nuages après temps de vol. En carrées et triangles bleus, tailles expérimentales après coupure instantanée du piège, en carrés et triangles rouges, après la rampe d’atténuation. En lignes pleines et tiretées, résultats de la résolution numérique du modèle (4.12) dans les deux situations. (a) Tailles mesurées (b) Tailles rééchelonnées avec la taille σ = 4 µm.

Les points expérimentaux obtenus sont dans chaque cas environ 15 % au des-sus des tailles prédites par le modèle (4.12). Les incertitudes sur les paramètres expérimentaux, la connaissance de ωi et du nombre d’atomes N ne permettent pas d’expliquer une telle différence. Celle-ci semble plutôt provenir d’une surestimation systématique, due à une résolution finie de notre système d’imagerie. Nous pensons en particulier aux aberrations sphériques induites par une lentille de courte focale, qui contribuent à diminuer la résolution. En modélisant la résolution finie du sys-tème d’imagerie par une fonction de réponse percussionnelle gaussienne de taille σR, les tailles mesurées au niveau de la caméra sont modifiées de la manière suivante :

σ = qσ⋆2+ σ2

R, où σ est la taille réelle de la distribution de densité. Nous ajus-tons le paramètre σR ≃ 4 µm sur les données de la première expérience, et utilisons celui-ci pour rééchelonner l’ensemble des points expérimentaux. Ces tailles σ sont tracées dans la figure 4.9(b).

Nous concluons qu’à la résolution du système d’imagerie près, il y a un bon accord entre les courbes d’expansions expérimentales et celles prévues par le modèle (4.12). Ce constant indique que le condensat semble suivre l’ouverture du piège de manière adiabatique.

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Bilan sur l’expansion du nuage

À des temps de vol suffisamment longs, c’est-à-dire ωt′′ ≫ 1, l’énergie d’expan-sion est entièrement transformée en énergie cinétique. Nous pouvons lui associer une vitesse d’expansion vexp =qEexp/m. En nous appuyant sur le modèle d’expansion développé ci-dessus et en supposant que le nuage suit adiabatiquement l’ouverture du piège, nous obtenons le rapport entre les vitesses d’expansion dans les deux si-tuations, coupure instantanée et atténuation :

vattexp/vexpinst≃ 0.40. (4.14) Nous voyons qu’il est possible de ralentir l’expansion du nuage d’un facteur ≃ 2.5 en diminuant lentement la puissance du piège. Ainsi, nous parvenons à effectuer un diagnostic du gaz spinoriel après une séparation d’une distance plus grande que l’expansion de chacune des trois composantes. Afin d’illustrer cela, nous traçons dans figure 4.10 le rapport entre la séparation des nuages ∆y et leurs tailles moyennes tout au long de l’expansion σ prévues par le modèle (4.12). Il apparaît clairement qu’en effectuant une coupure instantanée du piège, il faudrait choisir des temps de vol

tv >5 ms pour séparer correctement les trois nuages. Or à ces durées-là, la densité optique maximale d’un nuage polarisé peut être estimée à environ 0.05, proche du bruit de détection (δDO≃ 0.03 par pixel). Des nuages préparés dans des états de polarisation différents seront plus difficilement détectables. En revanche, à l’aide de la rampe d’atténuation de la puissance, nous parvenons à garder des niveaux de signaux à bruit importants pour des nuages parfaitement distinguables les uns des autres, jusqu’à des temps de vols de 5 ms.

0 2 4 6 8 10 0 2 4 6 8 10 12 | y|/ σ t v [ms] sans att avec att

Figure 4.10 – Rapport entre la séparation typique des nuages et leur taille pendant l’expérience de Stern et Gerlach, dans les deux situations expérimentales : ouverture instantanée (en bleu) et ouverture lente (en rouge) du piège. L’axe des abscisses représente le temps de vol qui suit la coupure des pièges.

Le modèle d’expansion reproduit bien les données expérimentales pour un conden-sat quasi-pur comme nous le réalisons à la fin de la rampe d’évaporation. Plus tôt dans la rampe, la présence d’une fraction thermique non-négligeable peut modifier l’expansion du nuage. En effet, elle dépend non seulement des interactions mais aussi

134 contrôlée et diagnostic Stern et Gerlach de la température de l’échantillon, conduisant à des distributions plus étalées à me-sure que la température augmente. Nous voyons ainsi qu’à séparation constante, la “distinction” des nuages peut diminuer.