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le raffinement successif des enjeux (une première proposition est modifiée par les protagonistes en vue de trouver une solution mutuellement

DANS LES DIALOGUES ENTRE APPRENANTS

EN TANT QUE NEGOCIATION SUR LE PLAN DES CONNAISSANCES

1. le raffinement successif des enjeux (une première proposition est modifiée par les protagonistes en vue de trouver une solution mutuellement

2. l’acquiesçement (une des parties maintient sa proposition et laisse l’autre modifier la sienne ; il s’agit de la stratégie dite « stand pat », ou « jouer d’autorité », « refuser de bouger ») ;

3. l’argumentation (une ou chacune des parties tente de convaincre ou persuader l’autre d’accepter sa proposition).

Respectivement, ces stratégies correspondent aux trois formes de coopération suivantes, décrites ci-dessus : la élaboration, la

co-élaboration acquiesçante et l’argumentation (avec une distribution de rôles

plus ou moins symétrique).

Il est à noter que ces stratégies peuvent être mis en œuvre d’une manière

concurrente, sur des plans différents : comme nous le verrons dans le

chapitre suivant, l’argumentation dialoguée s’accompagne des

raffinements successifs du sens des connaissances dans l’univers de référence.

Ci-dessous je me centrerai exclusivement sur la première stratégie, le raffinement successif, car elle a un statut plus fondamental que les autres sur le plan des actes de langage (l’acquiesçement peut être vu comme une version asymétrique du raffinement). L’argumentation est abordée dans le chapitre suivant.

Les actes de langage de la négociation, lors d’une série de raffinements

successifs, ont un statut particulier : lors d’une négociation, il ne s’agit pas tant de produire des assertions, mais plutôt de faire des propositions (au sens de proposer quelque-chose), des offres. Selon Vanderveken (1990, p. 13), les offres sont des actes de langage bien particuliers dans la mesure où ils sont conditionnels ; ils ont la forme suivante (p, q sont des propositions, F est une force illocutoire) :

L’acte illocutoire F(q) sera réalisé non pas catégoriquement, mais sous la condition que la proposition p soit vraie. À l’instar d’Edmondson (1981) et de Airenti et. al. (1989), je dirais que l’acte de langage F(q) correspond à l’acceptation du locuteur (X) de l’offre et que la proposition p correspond à l’acceptation de la part de son interlocuteur (Y). Notons que le terme « acceptation » correspond à la fois à un acte de langage de type « feed-back » (Allwood et. al. , 1991) et à une attitude mentale (notée AXp —

l’agent X accepte la proposition p). Je reviendrai sur la notion de l’attitude de l’acceptation plus loin. Outre les conditions de sincérité habituelles, l’attitude mentale (et conditionnelle) principale exprimée par l’acte de langage « OFFRE », produit par le locuteur X, serait donc la suivante :

OFFRE[X, p]

Principale condition de pertinence : AYp → AXp

(Si l’interlocuteur Y adopte l’attitude de l’acceptation par rapport à la proposition p, offerte par le locuteur X, alors X est prêt à l’accepter également, ou « j’accepterai si vous acceptez »).

Posons que la condition de pertinence principale de l’acte de langage « ACCEPTE » (n .b. à distinguer de l’attitude) soit tout simplement « AAgentp » (l’agent exprime son acceptation).

Afin d’examiner le fonctionnement de ces actes dans la mise en accord lors d’une négociation, selon les états initiaux et finaux décrits ci-dessus, examinons la séquence élémentaire d’actes de langage suivante, d’une OFFRE d’une proposition p, suivie de son acceptation. Le Tableau 1 ci-dessous suit une mode de présentation introduite dans les recherches d’A. TROGNON ; elle représente les attitudes exprimées et inférées en relation avec les actes de langage. Pour faciliter la lecture, les agents sont représentés par « X » et « Y ». Bien entendu, il s’agit d’un cas idéalisé

d’une communication parfaite23, décrit ici seulement pour illustrer les relations entre actes de langage et transformation d’états de négociation (l’échec pourrait ouvrir un dialogue de clarification : « qu’entends-tu par

p » ?).

23

Cette hypothèse de la communication parfaite a été représentée par Bunt (1989) de la manière suivante (« K » = l’opérateur de la connaissance, « BMB » = la croyance partagée ; « CA » = acte communicatif ; en résumé, les locuteurs font l’hypothèse que leurs interlocuteurs connaissent les conditions de pertinence — Cj — de leurs actes de langage) :

{KA,KB} ==CA==> {update(KA, (BMB(A,B,(A assumes that B believes that Cj(c))))}, {update(KB, {[B believes that Cj(c)] ≈ [BMB(B,A, (A assumes that B believes that Cj(c))]}}}

TABLEAU 1. ÉVOLUTION D’ATTITUDES ET UNE SEQUENCE ELEMENTAIRE DE NEGOCIATION. Agent X Agent Y Actes de langage de X Ce que X pense Ce que X pense que Y pense Ce que X infère Ce que Y infère Ce que Y pense que X pense Ce que Y pense Actes de langage de Y 1 OFFRE[X,p] 2 AYp→AXp 3 AYp→AXp 4 AYp→AXp 5 AYp→AXp 6 AYp 7 ACCEPTE[Y,p] 8 AYp 9 AYp 10 AYp 11 AXp 12 AXp 13 AXp 14 AXp

Les lignes suivantes du tableau montrent qu’à partir de cette séquence élémentaire de deux actes, l’état final (l’accord) de la négociation peut être obtenu, ce qui constitue une validation quasi-formelle de l’analyse de ces actes24. Une deuxième hypothèse dans ce jeu idéalisé concerne le « transfert » des propositions entre ce qu’un locuteur croit sur son

24

Une proposition dans une colonne « X pense que … » est représentée par CXp, et « X pense que Y pense … » par CXCYp.

interlocuteur et ce qu’il croit lui-même (par ex. Y pense que X croit que p, donc Y croit que p …).

↔ CX(AXp & AYp) ∧ CY(AYp & Axp) = CXAXp & CXAYp ∧ CYAYp & CYAxp  ligne 6 : (par hypothèse) CYAYp ;

ligne 10 : (hypothèse de communication) CXAYp  ligne 11 (inférence de X) : CXAXp ;

ligne 12 (inférence de Y) : CYAxp  ∴ AccordX,Yp

Cette analyse abstraite permet de fournir une explication possible du « double accord » (par ex. Moeschler, 1985). Pourquoi, dans les interactions, l’acceptation par Y d’une offre de X serait-elle suivie de l’acceptation de X (i .e. une ratification, ou acceptation de l’acceptation) ? :

1. OFFRE[X,p] 2. ACCEPTE[Y,p]

3. ACCEPTE[X,p] (ratification)

La ligne 12 du Tableau 1 montre que Y n’a qu’inféré que X accepte sa propre offre (elle aurait pu être hypothétique) : ceci n’est pas le résultat « direct » de la communication. Puisque Y pense que s’il accepte p, X fera la même chose, et puisqu’il sait qu’il accepte, alors il infère que X accepte. Il semble que l’accord permettant d’aboutir une négociation ne peut se contenter d’une inférence, il faut que l’acceptation (ratification) du

proposant même soit explicitée, à la suite de l’acceptation de son

interlocuteur. Cette réflexion peut également s’interpréter selon la théorie de grounding, chez H. Clark (par ex. Clark & Schaefer, 1989, p. 262), selon laquelle :

« The contributor and the partners mutually believe that the partners have understood what the contributor meant to a criterion sufficient for the current

purpose. » [mes italiques]

Si l’enjeu est suffisamment élevé, il ne suffit pas de proposer et que la proposition soit acceptée ; il faut également expliciter sa propre acceptation. Une interprétation alternative de la ratification, qui n’est pas prise en compte ici, serait qu’il s’agisse d’une acceptation de l’acceptation, c’est-à-dire, un accusé de réception de l’acceptation.

Les opérateurs de transformation de connaissances

Dans l'exemple analysé ci-dessus, je me suis restreint au cas d'une seule proposition, suivie d'une acceptation, dans l’objectif de définir le cadre général de la négociation, sur le plan de ses actes de langage fondamentaux.

Cependant, la stratégie du raffinement successif se caractérise surtout par

des séquences de raffinements successifs de solutions proposées au

problème à résoudre. Pendant ces séquences, les deux interlocuteurs

transforment la solution partielle offerte par l'un, en construisant une autre

solution à proposer, qui est liée à la précédente d'une manière spécifique. Par exemple, la nouvelle solution partielle peut être une généralisation de la précédente, elle peut l'élaborer, la rendre plus spécifique, …. Pour rendre compte de la dynamique interactive de ces relations, je parle dans ce cas de fonctions de transformation de connaissances (auto-transformations, et transformations interactives).

J'ai analysé un ensemble d'opérateurs de transformation de ce type, qui sont mis en oeuvre dans des négociations de solutions, en s'appuyant sur les recherches existantes sur des « relations de cohérence » (Hobbs 1981) et les « relations rhétoriques » (Mann & Thompson 1988 ; Sanders et al. 1992) dans le discours. Ces recherches rejoignent dans une certaine

mesure les travaux sur les reformulations menés en sciences du langage (DE GAULMYN, VION).

J’ai constaté que les transformations interactives, opérant sur le plan du domaine de résolution de problèmes, peuvent être définies en quatre classes :

1. des fonctions d’expansion : tout extension du contenu ou de son champ d’application ; l’élaboration, l’inférence, la concaténation, la généralisation, … ;

2. des fonctions de restriction : l’inverse de l’extension ; toute réduction du