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L ES ROLES DES T ECHNOLOGIES DE L ’I NFORMATION ET DE LA

DANS LES DIALOGUES ENTRE APPRENANTS

L ES ROLES DES T ECHNOLOGIES DE L ’I NFORMATION ET DE LA

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OMMUNICATION POUR L

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DUCATION

(TICE)

Les Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Education (TICE) sont un leitmotiv de mes recherches depuis le début de ma thèse en 1986. À titre d’exemple, j’ai réalisé une partie significative de mes recherches dans le cadre des communautés de recherche suivantes :

la société internationale « Artificial Intelligence and Education » (je suis membre de « l’Executive Committee », représentant la France ; j’ai été conférencier invité lors du colloque international en 1993, je suis membre de l’Advisory Board de la revue International Journal of Artificial Intelligence and

Education) ;

l’European Science Foundation (ESF) (j’ai participé en tant que Senior

Scientist à la définition et à la mise en œuvre d’un projet de recherche sur l’apprentissage collaboratif, pendant 4 ans, dans le cadre du programme « Learning in Humans and in Machines ») ;

la communauté « CSCL : Computer-Supported Collaborative Learning » (je suis membre du comité scientifique des deux derniers colloques) ;

 la communauté française « EIAH : Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain » (je suis membre du comité de lecture de la revue

Sciences et Techniques Éducatives, j’ai participé au comité d’organisation du

colloque de cette communauté depuis 1991) ;  — …

Expliquons donc brièvement les technologies en question et les rôles qu’elles jouent dans ma démarche de recherche.

S’il en était nécessaire, je précise que je n’ai pas pour vocation de promouvoir l’utilisation des TICE dans l’enseignement « réel ». D’une part, j’estime qu’un tel militantisme — ou tout simplement « enthousiasme » — ne relèverait pas de ma fonction de chercheur. D’autre part, la réalisation d’un tel système informatique, parmi les plus complexes — capable, par

exemple, de modéliser en temps quasi-réel l’évolution des connaissances de l’apprenant, de modéliser le dialogue personne-machine en cours, … — qui pourrait être réellement utilisé, est tout simplement hors de la portée de la majorité des laboratoires européens. Au mieux, on pourrait viser l’élaboration et la validation d’une de ses composantes. Il est évident que rien n’empêche un outil de laboratoire de devenir un outil d’enseignement ; seulement, je ne conçois pas l’outil en premier lieu dans ce but.

Ainsi, à la suite de mes travaux doctoraux, pendant lesquels j’avais réalisé (en langage LISP) une maquette d’un système de dialogue personne-machine, j’ai essentiellement travaillé à la conception et la réalisation des

interfaces informatiques qui permettent la communication écrite et quasi-synchrone à travers des réseaux (Intranet, Internet), utilisées

dans le cadre des Environnements Informatiques d’Apprentissage

Coopératif. Ces interfaces et systèmes ont été conçus et réalisés soit en

collaboration avec des chercheurs et ingénieurs de mon laboratoire, soit dans le cadre des projets de recherche (voir le projet européen « SCALE » décrit dans le Chapitre 5 de ce document) menés en partenariat avec des laboratoires d’informatique (par exemple, l’équipe Réseaux Informatiques et Multimédias de l’École des Mines de St.-Étienne).

Cependant, ce n’est pas la technologie elle-même qui constitue l’objet d’étude, mais plutôt les situations dans lesquelles les technologies sont utilisées. Il s’agit donc de concevoir une situation, dont les composantes sont considérées comme formant un « tout », dans laquelle une série de tâches de résolution de problèmes est proposée, à réaliser en partie grâce aux technologies, afin de produire, par hypothèse, des apprentissages spécifiques. En collaboration avec des chercheurs tels qu’A. TIBERGHIEN

(UMR GRIC), j’ai surtout travaillé sur des situations d’apprentissage des sciences expérimentales, au niveau collège-lycée. Un tel travail nécessite

de respecter les pratiques des enseignants, les contraintes des programmes officiels, et le rythme scolaire. Ainsi, j’ai conçu et expérimenté des situations d’utilisation des TICE dans une variété de contextes, allant de la salle de classe elle-même au laboratoire de recherche, en essayant dans ce dernier cas de recréer le plus que possible les contraintes du système éducatif (présence du professeur, choix d’une tâche qui s’intègre dans les programmes, etc.). L’élaboration de telles situations nécessite un travail considérable sur ce que l’on peut appeler la transposition informatique : une tâche conçue pour une réalisation papier-crayon en salle de classe doit être radicalement modifiée dans sa transposition aux TICE, pour exploiter ou respecter les spécificités du médium, et le temps de réalisation. La conception de la situation d’apprentissage doit prendre en compte l’influence de la technologie sur la démarche cognitive de l’apprenant. Dans toutes mes recherches, l’objectif de la conception des situations d’utilisation des TICE a été de favoriser la production des interactions épistémiques (voir ci-dessus).

Dans mes recherches, les TICE jouent le rôle d’outils de recherche, à plusieurs égards. Premièrement, et sur le plan théorique, les exigences de formalisation imposées par les outils informatiques sont utiles dans la mesure où elles obligent la précision dans la définition des séquences de tâches et de la nature précise des moyens de communication disponibles. D’une certaine manière, l’étude des dialogues médiatisés pourrait aider à dégager a contrario la nature de toute situation d’apprentissage coopératif et de tout dialogue productif de connaissances nouvelles.

Deuxièmement, les interfaces d’interactions médiatisées permettent une expérimentation sur un aspect des situations de résolution coopérative de problèmes jusqu’ici inédit : la nature même des interactions

communicatives entre les apprenants. Mettant d’un côté la possibilité

interactions, l’influence du chercheur se limite habituellement aux aspects relevant de la tâche et de la composition du groupe. Une série de recherches sur la façon dont l’interface peut être conçue afin de structurer ces interactions est décrite dans le Chapitre 5 plus loin.

Enfin, les interfaces d’interactions médiatisées constituent des outils de

recueil de données incomparables, dans la mesure où elles permettent

la constitution automatique d’un corpus d’étude très complet, reconstituant toutes les actions (de résolution de problèmes, de communication) réalisées dans leur ordre temporel. Une telle démarche a un « prix », celui de la réalisation préalable du logiciel qui permet de choisir et de « tracer » les actions. Une telle démarche soulève des problèmes d’ordre théorique importants quant au découpage d’actions signifiantes (par ex. dans la réalisation d’un schéma sur interface, est-il ou non nécessaire de tracer les positions précises des objets, ou seulement leurs interrelations logiques ? Quand un objet est déplacé, est-il pertinent de tracer toute la trajectoire ? … ). Outre la possibilité de varier la forme de l’interface lors des expérimentations, la possibilité de tracer les actions a été une des raisons pour lesquelles j’ai participé à l’élaboration de nouveaux outils informatiques, au lieu de simplement étudier des outils déjà disponibles sur le marché.

Mon point de vue sur le rôle des TICE dans les recherches sur l’apprentissage est présenté dans un article qui m’a été demandé pour un numéro spécial d’une revue de l’an 2000 :

Baker, M.J. (2000). The roles of models in Artificial Intelligence and Education research : a prospective view. International Journal of Artificial Intelligence and Education, 11, 122-143. [http://cbl.leeds.ac.uk/ijaied/]

Il est également présenté dans l’article suivant :

Baker, M.J. (2003). Les dialogues avec, autour et au travers des technologies éducatives. L’Orientation Scolaire et Professionnelle, 32, n°3, 359-397.

B

ILAN