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2.2 G´en´eralit´es

2.2.2 R´eponse des aquif`eres aux contraintes p´eriodiques

Les variations de conditions aux limites hydrologiques influencent la distri- bution des charges hydrauliques `a l’int´erieur des domaines aquif`eres `a des distances plus ou moins grandes. A partir du moment o`u les conditions aux limites sont p´eriodiques, les charges hydrauliques vont naturellement osciller par des p´eriodes cadenc´ees sur les conditions aux limites.

Dans la litt´erature, ces questions sont essentiellement trait´ees dans les contextes suivants :

1. Aquif`eres cˆotiers influenc´es par les mar´ees (voir p. ex. Carr et Vanderka (1969); Erskine (1991); Sun (1997); Li et Jiao (2003)),

2. Aquif`eres influenc´es par les variations limnim´etriques des lacs et des cours d’eau (voir p. ex. Pinder et al. (1969); Onyejekwe et al. (1999); Townley (1995); Kim et al. (2000)),

3. Aquif`eres de surface influenc´es par les variations journali`eres et sai- sonni`eres de la recharge par les pr´ecipitations (voir p. ex. Jacob (1943, 1944); Colville et Holmes (1972); Maasland (1959); Manglik et al. (2004); Michael et al. (2005); Townley (1995); Kim et al. (2000)), 4. Aquif`eres de surface influenc´es par les variations journali`eres et sai-

sonni`eres li´ees aux processus d’´evaporation au sens large (voir p. ex. Townley (1995)),

5. Aquif`eres exploit´es par les ouvrages de captage d’eau souterraines (voir p.ex. (Masterson et al., 2004; Manglik et al., 2004)).

Des solutions analytiques pour d´ecrire la r´eponse des aquif`eres aux contraintes p´eriodiques ont ´et´e d´evelopp´ees pour des configurations tr`es vari´ees. Des so- lutions existent pour des milieux homog`enes ou stratifi´es, de dimension finie ou infinie, avec une ou plusieurs conditions aux limites qui fluctuent p´eriodi- quement. Les r´esultats de Ferris (1951, 1963) montrent que pour un domaine semi-infini, les fluctuations des charges hydrauliques d´ependent de la diffu- sivit´e de l’aquif`ere, soit du rapport entre la transmissivit´e T et le coefficient d’emmagasinement S et qu’elles pr´esentent, par rapport aux conditions aux limites, un d´ephasage lin´eaire et une att´enuation exponentielle de l’ampli- tude qui sont tous deux fonction de la distance.

Townley (1995) conclut que pour un milieu homog`ene, la distance `a laquelle les fluctuations des charges hydrauliques sont propag´ees d´epend d’un facteur sans dimension de la forme L2S/T P , o`u T est la transmissivit´e de l’aquif`ere

[L2/T], P est la p´eriode de fluctuation [T], S est le coefficient d’emmagasi- nement [-] et L caract´erise la dimension spatiale de l’aquif`ere [L]. En milieu h´et´erog`ene ou stratifi´es, la propagation des ondes est beaucoup plus com- plexe. Trefry (1999) montre que la distance d´epend des diffusivit´es propres `

Les modifications des charges hydrauliques li´ees `a l’exploitation des aquif`eres par les puits de captage suivent les mˆemes lois physiques. Ces effets sont mis en ´evidence dans les ´equations classiqus de Theis et de Jacob. Ces ´equations montrent que le rayon d’action des captages d’eau souterraine d´epend bien du temps et de la diffusivit´e du syst`eme, soit du rapport T /S.

Age et temps de transit des syst`emes d’´ecoulements souterrains Par d´efinition, le temps de transit ou temps de r´esidence correspond au temps qui s’´ecoule entre le moment o`u une particule entre dans le domaine aquif`ere (dans les zones de recharge) et le moment o`u cette mˆeme particule ressort du domaine (dans les zones exutoires).

Dans un mˆeme syst`eme aquif`ere, chaque particule qui entre dans le domaine `

a un point particulier de la zone de recharge, suivra une trajectoire sp´ecifique dont la longueur est diff´erente pour chacune d’elles. Ainsi, pour chacune de ces particules, le temps de r´esidence sera diff´erent. Dans un mˆeme syst`eme aquif`ere, les temps de r´esidence peuvent ˆetre tr`es courts mais ´egalement ex- trˆement longs, selon la nature g´eologique et l’´echelle des syst`emes consid´er´es (Fig. 2.1).

La d´efinition des trajectoires se complique lorsque les processus de dispersion et de dilution sont pris en consid´eration. En effet, ceux-ci ont pour effet de m´elanger des particules d’ˆage diff´erent sur des mˆemes trajectoires. Par cons´equent, en un exutoire donn´e, l’ˆage des particules ne sera pas constant mais distribu´e autour d’un ˆage moyen ´equivalent au temps de transit moyen si les ˆages sont calcul´es `a l’exutoire du syst`eme.

Les ˆages de l’eau sont alors calcul´es soit au moyen de m´ethodes isotopiques soit au moyen de mod`eles math´ematiques analytiques ou num´eriques. Les m´ethodes isotopiques se basent sur des mesures de rapports entre dif- f´erents isotopes naturels stables ou radioactifs (18O,14C,...) ou des teneurs en ´el´ements chimiques d’origine anthropique (CFC,3C). Ces isotopes sont

consid´er´es comme des traceurs respectivement naturels et artificiels. Ces m´ethodes sont tr`es nombreuses car chacune d’elles n’est applicable qu’`a des eaux dont les ˆages sont compris dans des plages tr`es sp´ecifiques, et que, dans les syst`emes aquif`eres les temps de transit moyens peuvent varier de quelques jours `a quelques millions d’ann´ees selon leurs dimensions (Fig. 2.1). Les datations au tritium (3H) sont, par exemple, bas´ees sur la prodution de 3H lors des essais nucl´eaires et ne permettent donc pas de dater les eaux qui

se sont infiltr´ees avant les ann´ees 1950-1960. L’ensemble des m´ethodes iso- topiques de datation des eaux souterraines de tout type d’ˆage, sont pass´ees en revue par Kazemi et al. (2006).

Aquitard Aquifère libre

Couche aquifère confiné

Couche aquifère confiné

Zone de recharge exutoireZone

Faille majeure

Rivière

Zone non-saturée

Système aquifère multi-couches

Activité Agricole

Activité Industrielle

Ligne de partage des eaux souterraines

Lignes de courant

Base du système aquifère

Jours Années Décennies Millénaires Aquitard Captage Superficiel Captage profond Siècles

Fig. 2.1 : Repr´esentation sch´ematique d’un syst`eme d’´ecoulement multicouche (d’apr`es Cornaton (2004)).

En parall`ele aux m´ethodes isotopiques qui donnent des ˆages ou temps de transit moyens, les m´ethodes analytiques ou num´eriques permettent de d´e- terminer quantitativement les distributions d’ˆages et de temps de transit. Ces m´ethodes sont d´evelopp´ees `a partir des ´equations de transport advectif- dispersif. Celles-ci consid`erent l’ˆage comme une substance transport´ee par les ´ecoulements qui subit les mˆemes effets de dispersion et de dilution, et dont la quantit´e augmente en fonction de la porosit´e. Cette derni`ere joue alors comme un terme source amplificateur d’ˆage (Goode, 1996). Des m´ethodes combinant ces ´equations avec la th´eorie des r´eservoirs ont r´ecemment ´et´e d´evelopp´ees afin de d´eterminer non seulement les temps de transit moyen, mais ´egalement la distribution compl`ete des ˆages `a un exutoire donn´e, et cela quelle que soit la complexit´e du syst`eme (Etcheverry et Perrochet, 2000; Etcheverry, 2001; Cornaton, 2004; Cornaton et Perrochet, 2006a,b). Ces m´e- thodes sont applicables `a des domaines dont les zones d’exutoire et les zones d’alimentation sont multiples. Elles sont ´egalement valables en milieu homo- g`ene ou h´et´erog`ene ainsi qu’en configuration 2D ou 3D.

Comme le montre la figure 2.1, les temps de transit peuvent ˆetre tr`es va- riables en fonction de la dimension des syst`emes d’´ecoulement. En Suisse

par exemple, les aquif`eres alluviaux du Plateau, peu profonds et aliment´es par les pr´ecipitations ont des temps de transit moyen allant de quelques ann´ees `a quelques dizaines d’ann´ees. Les syst`emes hydrothermaux ont des eaux d’un ˆage variant de quelques centaines d’ann´ees `a quelques centaines de milliers d’ann´ees. Dans les syst`emes hydrothermaux de formation des gˆıtes m´etallif`eres tel que pr´esent´es plus loin dans ce chapitre, les ´echelles de temps consid´er´ees sont de plusieurs centaines de milliers d’ann´ees appro- chant mˆeme du million d’ann´ees. Lors de la recherche de site d’entreposage de d´echets nucl´eaires, les zones recherch´ees ont des temps de transit pouvant ´egalement aller jusqu’`a plusieurs millions d’ann´ees.

L’expos´e qui pr´ec`ede met en ´evidence l’importance des relations entre les p´eriodes de fluctuation et l’´echelle de temps des syst`emes ´etudi´es. Pour les aquif`eres, cette notion d’´echelle de temps est caract´eris´ee par la notion de temps de transit moyen, soit le temps n´ecessaire `a des particules d’eau ou de substance dissoute pour parcourir la distance entre leur point d’entr´ee dans le syst`eme aquif`ere et leur point de sortie.

D´etermination d’un r´egime d’´ecoulement permanent

La prise en consid´eration des fluctuations transitoires d´ecrites pr´ec´edemment n’est pas toujours possible, soit parce qu’elles sont li´ees `a des contraintes techniques ou financi`eres trop importantes, soit parce qu’elles se d´eroulent sur des p´eriodes qui sont tout simplement trop longues pour que des varia- tions soient observ´ees et mesur´ees `a ´echelle humaine.

Ainsi, si les mesures de terrain restent apparement constantes, les syst`emes d’´ecoulement sont consid´er´es comme des syst`emes en ´equilibre et les proces- sus sont simul´es en r´egime d’´ecoulement permanent. En r´ealit´e si les mesures de terrain ne montrent aucune variation, cela ne signifie pas que ces para- m`eres sont constants, car comme expos´e dans les paragraphes pr´ec´edents, tout syst`eme naturel est en perp´etuelle ´evolution. Cela signifie simplement que ces mesures ne permettent pas de d´eceler les variations des param`etres sur les ´echelles de temps consid´er´ees. Dans le cas des ´etudes pr´edictives qui ont pour objectif de simuler certains processus dans le futur, la constance des param`etres constitue une hypoth`ese de travail simplificatrice.

En r´ealit´e, la variation ou la constance de ces param`etres est li´ee au rapport entre la p´eriode de fluctuation et l’´echelle temporelle des processus ´etudi´es. La figure 2.2 illustre ces propos : cinq fonctions sinuso¨ıdales qui oscillent autour d’une valeur moyenne de 100, dont les amplitudes sont identiques mais o`u les p´eriodes sont de 20j, 150 j, 600 j, 5 ans et 1000 ans. Dans cet exemple, l’´echelle de temps de r´ef´erence qui, dans le contexte des processus de transport correspond au temps de transit moyen, est de 300 j.

Si les p´eriodes de fluctuation sont plus grandes de plusieurs ordres de gran- deur que l’´echelle de r´ef´erence, les processus peuvent ˆetre consid´er´es comme constants, sans qu’il soit n´ecessaire d’´etablir des conditions moyennes (T =1000 ans dans l’exemple de la figure 2.2).

Si les p´eriodes de fluctuation sont plus grandes d’un ordre de grandeur seule- ment, les variations des processus sont souvent consid´er´es comme des ten- dances qui, lorsqu’elles se superposent `a d’autres variations de p´eriodes plus courtes, peuvent souvent ˆetre d´eduites par des op´erations arithm´etiques pour arriver `a un signal p´eriodique ou constant (T =5 ans dans l’exemple de la figure 2.2). Ces tendances peuvent ´egalement refl´eter des processus de crois- sance ou de d´ecroissance non p´eriodiques (telle que pour la d´ecroissance de

3H, par exemple).

Pour des p´eriodes plus courtes mais toujours sup´erieures `a l’´echelle de r´e- f´erence, il est d’usage de consid´erer les fluctuations de mani`ere simplifi´ee par des conditions permanentes extrˆemes (T =600 j dans l’exemple de la figure 2.2). Dans le contexte des aquif`eres de surface, ces conditions sont habituellement d´efinies comme conditions permanentes de hautes eaux et permanentes de basses eaux. Cette approche simplificatrice pr´esuppose que ces deux conditions extrˆemes d´elimitent les bornes sup´erieures et inf´erieures d’un intervalle dans lequel varient les processus investigu´es. Avec une telle approche, les dimensions des zones sur lesquelles les mesures de protection doivent ˆetre appliqu´ees sont de plus grande dimension. Ce proc´ed´e constitue donc une approche s´ecuritaire qui vise `a garantir la protection des captages en eau souterraine, mais dont l’impact social et ´economique est ´egalement plus important.

Cela constitue l’objet principal de ce travail. En effet, les analyses des pro- cessus de transport du chapitre 3, les analyses des zones de capture en r´egime d’´ecoulement transitoire du chapitre 4 et la d´etermination au chapitre 5 de zones de capture ´equivalentes ont pr´ecis´ement pour objectif de comprendre l’influence des conditions d’´ecoulement r´eelles sur les mesures de protection des captages d’eau souterraine et d’apporter de nouveaux ´el´ements pour optimiser leurs dimensions et r´eduire leurs impacts.

Lorsque les p´eriodes de fluctuation diminuent encore pour arriver au mˆeme ordre de grandeur ou `a des p´eriodes inf´erieures `a l’´echelle de r´ef´erence, les approximations par des conditions permanentes ne sont plus aussi triviales, car elles font intervenir les notions de r´eactivit´e du syst`eme introduites pr´e- c´edemment.

Pour les syst`emes aquif`eres, les discussions des paragraphes pr´ec´edents sur la notion de r´eactivit´e du syst`eme, montrent que si les p´eriodes de fluctuation sont suffisamment courtes, leurs effets sont tr`es rapidement amortis. Dans ce cas, les fluctuations p´eriodiques peuvent ˆetre consid´er´ees en premi`ere ap- proximation comme constantes en prenant la valeur moyenne comme r´ef´e-

T = 20 jours → moyenne T = 100 jours → transitoire 0 50 100 150 200 250 300 98 98.5 99 99.5 100 100.5 101 101.5 102

T = 600 jours → permanents extrêmes

T = 1000 ans → constante

T = 5 ans → tendance

Fig.2.2 : Effet d’´echelle sur les fluctuations cycliques d’amplitudes identiques mais de p´eriodes diff´erentes.

rence (T =20 j sur l’exemple de la figure 2.2). Cependant, une telle approche implique de d´efinir subjectivement un seuil `a partir duquel les effets sur les processus investigu´es sont consid´er´es comme n´egligeables. En effet, en th´eo- rie, toute perturbation de l’´equilibre, aussi faible et rapide soit-elle, devrait pouvoir ˆetre mesur´ee sur l’ensemble du domaine.

En r´esum´e, il reste donc une plage de fr´equences ou de p´eriodes dans la- quelle il n’est pas possible de substituer de mani`ere simplifi´ee, le r´egime d’´ecoulement transitoire par un r´egime permanent. Des investigations plus d´etaill´ees devraient ˆetre men´ees pour d´eterminer si les erreurs commises en faisant abstraction des conditions transitoires par des conditions per- manentes moyennes ou extrˆemes sont n´egligeables ou non (T =100 j dans l’exemple de la figure 2.2).