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Le rôle de la signification émotionnelle des mots : l’effet pleasantness chez l’enfant

Monnier, C., & Syssau, A. (2007). Word pleasantness effects on verbal short-term memory in children. XVth Conference of the European Society for Cognitive Psychology, Marseille, France.

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Eléments de contexte. Alors que chez l’adulte les études consacrées à la contribution des connaissances à long terme sur la performance de mémoire à court-terme sont nombreuses, les études conduites chez l’enfant sont plus rares et portent essentiellement sur la contribution de connaissances lexicales. Ainsi, la plupart des études s’est concentrée sur l’effet de lexicalité (i.e., meilleur rappel des mots par rapport aux non-mots) qui a été exploré et observé dès 5/6 ans avec diverses tâches de mémoire à court-terme dont la tâche d’empan, de rappel sériel immédiat, de rappel ciblé ou encore de reconnaissance (e.g., Gathercole et al., 2001; Jarrold, Cocksey, & Dockerill, 2008; Roodenrys, Hulme, & Brown, 1993; Turner, Henry, Smith, & Brown, 2004). Majerus et Van der Linden (2003) ont par ailleurs mis en évidence un effet de fréquence, les mots fréquents étant mieux rappelés dans l’ordre que les mots plus rares dès l’âge de 6 ans. Thorn et Gathercole (1999) ont montré un effet de familiarité de la langue lorsqu’elles comparent la performance de mémoire à court-terme d’enfants bilingues précoces à celle de bilingues tardifs et de monolingues. Ainsi, dès l’âge de 5 ans, les enfants comme les adultes seraient en mesure d’utiliser les connaissances lexicales dont ils disposent pour soutenir leur performance de mémoire à court-terme. L’influence des caractéristiques sémantiques des mots a pour sa part encore été très peu explorée chez l’enfant. Majerus et Van der Linden (2003) ont observé que les mots à forte valeur d’imagerie conduisaient à un meilleur rappel dans l’ordre que les mots à faible valeur d’imagerie dès 6 ans, l’effet étant relativement faible et nous avons montré que le rappel était facilité dès 5 ans lorsque les mots relevaient d’une même catégorie sémantique (Monnier & Bonthoux, 2011). Dans cette étude, nous avons souhaité tester, chez l’enfant, la présence de l’effet sémantique lié à la signification émotionnelle des mots que nous venions de mettre en évidence chez l’adulte.

Objectif. Il s’agissait d’examiner dans quelle mesure la signification émotionnelle des mots impactait la performance de mémoire à court-terme verbale dès 5 ans.

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Participants. 61 enfants, 21 enfants de 5 ans (âge moyen : 5 ans 7 mois), 21 enfants de 7 ans (âge moyen : 7 ans 5 mois) et 19 enfants de 9 ans (âge moyen 9 ans 5 mois) ont participé à notre étude.

Matériel et procédure. Sept mots positifs et 7 mots neutres ont été sélectionnés dans la base de Syssau et Monnier (2009) pour chaque groupe d’âge. Tous les mots sont acquis avant l’âge de 5 ans (Alario & Ferrand, 1999). Les mots positifs et neutres ont été appariés quant à leur longueur, fréquence écrite (MANULEX, Lété, Sprenger-Charolles, & Colé, 2004) et valeur d’imagerie (LEXIQUE, New, Pallier, Ferrand, & Matos, 2001). Les enfants ont été soumis à une tâche d’empan de mots qui consistait à rappeler dans l’ordre des listes de mots de longueur croissante. Nous avons également mesuré la vitesse à laquelle les enfants articulaient les mots expérimentaux afin de s’assurer que les différences de performance, si différences il y avait entre listes positives et listes neutres, ne pouvaient être attribuées au fait que les mots positifs étaient articulés et donc rafraichis plus vite que les mots neutres.

Résultats et conclusion. La Figure 7 ci-dessous résume les données recueillies concernant la performance de mémoire à court-terme. Une facilitation mnésique pour les mots à valence positive par rapport à des mots neutres est observée à 7 et 9 ans lorsque la mémoire à court-terme est interrogée par le biais d’une tâche d’empan. Cette effet facilitateur est de même ampleur à 7 et 9 ans. En revanche, à 5 ans, les mots positifs conduisent à une performance de mémoire à court-terme non différente à celle observée pour les mots neutres.

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Figure 7. Empan moyen en fonction de la valence des mots (positifs vs. neutres) et de l’âge des enfants.

La performance de mémoire à court-terme des enfants de 5 ans ne semble pas bénéficier de la plus grande richesse sémantique des mots positifs alors que cette plus grande richesse facilite la performance des enfants plus âgés. Une hypothèse serait d’envisager que les enfants de 5 ans opteraient pour un codage purement phonologique des mots à mémoriser (Dewhurst & Robinson, 2004) alors que les enfants de 7 et 9 ans seraient eux en mesure de procéder également à un codage sémantique. Toutefois, cette interprétation parait difficilement tenable dans la mesure où, nous l’avons vu, des effets sémantiques ont déjà été mis en évidence dans la littérature à 5/6 ans (i.e., effet d’imagerie dès 6 ans, Majerus & Van der Linden, 2003 et effet catégoriel dès 5 ans, Monnier & Bonthoux, 2011).

Nous avons donc décidé de poursuive nos investigations. La tâche d’empan ne permettant pas de procéder à une analyse des erreurs, nous n’avons pu déterminer dans quelle mesure l’effet pleasantness observé chez les enfants plus âgés reposait sur une meilleure mémoire des items et comme chez l’adulte, sur une meilleure mémoire de l’ordre. Pour tenter de répondre à cette question, nous avons conduit une étude chez des enfants de 7, 9 et 11 ans en utilisant un paradigme initialement imaginé par Nairne et Kelley (2004) puis adapté pour les enfants par

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Age 5 Age 7 Age 9

M e m o ry S p a n Pleasant words No pleasant words

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Smith et Jarrold (2014) et permettant d’évaluer et de dissocier précisément la mémoire de l’ordre et la mémoire de l’item. Ce paradigme comprend la réalisation de deux tâches ; une tâche d’inclusion (l’enfant rappelle dans l’ordre tous les mots entendus) et une tâche d’exclusion (l’enfant rappelle les mots entendus sauf un, celui qui se trouve à la position sérielle désignée par une croix). Sur la base de ce paradigme, nous avons donc manipulé comme précédemment la signification émotionnelle des mots à mémoriser à court-terme en donnant aux enfants à mémoriser des mots positifs vs. des mots neutre. Dans cette étude, nous ne sommes pas parvenues à répliquer l’effet pleasantness et cela à aucun des âges considérés.